Un programme d'auto-entraînement du transfert assis-debout chez les patients cérébrolésés droits.
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Le texte complet
REFLEXIONS SUR UN PROGRAMME D’AUTO-ENTRAINEMENT DU TRANSFERT ASSIS-DEBOUT CHEZ UN PATIENT CEREBROLESE DROIT.
INTRODUCTION.
En écho à une controverse qui avait cours au sein de l’équipe de Valmante dans les années 90, je voudrais un peu mettre en question l’idée encore trop répandue dans les milieux « bobatiens »que le « travail à la barre » chez l’hémiplégique gauche aide trop le patient, lui apprend surtout à s’agripper avec sa main droite lorsqu’il est debout, l’empêche de « charger » le poids du corps sur son membre inférieur gauche, et ne le prépare pas à la locomotion sans appui manuel .
A mon expérience, On peut aménager toutes sortes d’exercices gradués en difficulté, (qu’on peut considérer comme acrobatiques compte tenu des habiletés résiduelle des patients), avec l’aide d’une simple barre fixée au mur. Il ne faut pas sous-estimer l’intérêt pratique d’une situation où le sol, le mur,le siège, et la barre forment un cadre de références perceptives assez précises et un support de sécurisation mécanique parfaitement fiable rendant possible des séances d’entraînement standardisées.
Qu’on pense aux nombreuses heures quotidiennes passées à la barre par les danseurs professionnels; si ces exercices à la barre étaient nuisibles à la carrière des danseurs, ça se saurait !
Définition et intérêt de l’auto-entraînement.
Dans la pratique traditionnelle de la neurorééducation, l’approche par lauto-entraînement consiste à confier au patient une tâche « facile » et bien délimitée, qu’on estime à la portée de ses compétences mécanique et cognitive.
Le patient va devoir gérer cette tâche sans surveillance directe, ce qui comporte un risque non négligeable d’incident et notamment de chute.
le rééducateur doit donc examiner au plus près le niveau fonctionnel du patient, avant les séances d’exercice, par test et retest, et après l’exercice, par des entretiens avec le patient.
Bien que cette approche soit une routine de la rééducation motrice, elle n’est pas toujours réalisée avec la rigueur nécessaire.
Je voudrais montrer que la situation de « non surveillance » que rééducateur et patient conviennent de mettre en œuvre, peut devenir très technique .
Si elle est vraiment prise au sérieux, la situation d’auto-entraînement confère au patient un statut de responsable très valorisant.
Cette situation contraint aussi le rééducateur à définir les tâches avec beaucoup plus de rigueur et à mieux écouter les suggestions de « son » patient.
L’autoentraînement n’est pas sans danger : l’aborder sans précaution est accepter de prendre avec le patient des risques majeurs, notamment dans un contexte de lésion cérébrale droite récente, où en plus de l’hémiparésie, l’anosognosie, l’impulsivité, , la négligence unilatérale, l’extinction sensitive et motrice, l’hypokinésie directionnelle, et ce que j’appelle l’hémirétropulsion ou la déviation rigide du membre inférieur sain, peuvent être autant de facteurs critiques de son incompétence fonctionnelle.
Il appartient au rééducateur de décider, au vu de l’importance éventuelles de ces troubles, si la situation d’auto-entraînement convient ou non à son patient et en tous cas d’organiser dans un programme cohérent et hiérarchisé la prise en compte thérapeutique de ses déficits.
La pratique de l’auto-entraînement permet évidemment d’augmenter la quantité de travail quotidien du patient,(sans augmenter celle du rééducateur dans les mêmes proportions) mais aussi de distendre opportunément le fil de dépendance réciproque qui s’établit nécessairement entre patient et rééducateur au fil des semaines.
La question de la quantité des activités motrices est cruciale et parfois méconnue : la journée d’une personne normale comporte un nombre de pas, de transferts assis-debout, de minutes de maintien postural, etc très importants, qui renforcent continuellement la disponibilité des réseaux nerveux correspondants : la rééducation doit intégrer dans ses objectifs fonctionnels celui d’amener le patient à un niveau d’efficience suffisant, un certain seuil quantitatif en de ça duquel une relative pérennisation des acquis sera impossible.
Le traitement par stimulation individuelle directe (de type Bobath) mis en œuvre par un rééducateur spécialiste est notoirement irremplaçable , mais généralement plus limité en quantité en regard de ce que peut apporter l’auto-entraînement dans des tâches simples, comme la recherche insistante u passage assis-debout, ou de l’appui sur le membre inférieur genou fléchi.
Je précise cet argument économique: l’aménagement d’une quantité relativement importante d’auto-entraînement permet au rééducateur de rentabiliser son temps de présence auprès du patient en le consacrant plus particulièrement à l’exploration de ses capacités de pointe, notamment dans des épreuves provoquant systématiquement des chutes, exercices qui seuls permettent d’en analyser les facteurs critiques (cf mon étude sur ce thème).
L’un des pièges les plus classiques en neurorééducation, consiste pour le rééducateur , à tenter d’obtenir d’excellentes performances dans la situation de stimulation et surveillance directe, mais en oubliant de faire progresser chez le patient, non seulement la réactivité, mais l’initiative et la compétence, c'est-à-dire des aptitudes qui permettront au patient de se passer du rééducateur.
AUTO-ENTRAINEMENT D’UNE « TACHE FACILE », LE PASSAGE ASSIS-DEBOUT.
Le passage assis-debout, tel que le réalise une personne non lésée, est typiquement une tâche posturogestuelle automatique et très peu conscientisée.
A la simple observation, c’est une séquence de mouvement de tous les segments du corps à travers un fondu enchaîné subtil dont il est difficile de rendre compte par des mots, surtout si cette description prétend à une exactitude quantitative.
Il est intéressant de décrire le phénomène en prenant comme point de départ la position d’un sujet demi couchée sur un fauteuil confortable dont le dossier assez incliné et munie d’un appui-tête.
Sur un tel fauteuil, le corps repose par sa face postérieure et dorsale sur le siège et le dossier; la charge du corps est répartie plus ou moins également sur l’occiput,le dos, le sacrum, les ischions, les cuisses , tandis que les bras,les mains et les jambes sont libres dans des positions variables .
On perçoit d’emblée que la séquence de mouvement qui permet de passer de la position demi couchée à la position assise redressée, puis à la position debout ne sera pas strictement la même selon la taille, le poids , la condition physique du sujet, la position de départ des segments de son corps, la hauteur et la profondeur du siège, l’inclinaison du dossier et de l’appui-tête, la présence de points d’appui secondaires(utilisation des mains pour l’appui ou la traction etc.
Une observation précise de la séquence permettra aussi d’objectiver certaines variations individuelles Tenant à l’âge, au sexe ou à certaines prédispositions cognitives ou affectives à se mouvoir lentement, brusquement, ou de telle ou telle « manière ».
Contrôle central de la séquence.
Comme la majorité des séquences posturogestuelles humaines, le passage assis-debout est contrôlé (par défaut) sur un mode essentiellement automatique,et pour ainsi dire « somnambulique » ; sa réalisation laisse donc un large champ libre à la réalisation simultanée d’autres activités, notamment proprioceptives, optiques, verbales ou cognitives.
Plus précisément, comme c’est la règle dans le système musculo-squelettique, la séquence de mouvement assis-debout n’est pas exclusivement monopolisée par un automatisme nerveux opaque et intangible ; alors que nous « assistons » à son déroulement sur nous-mêmes, elle demeure tout à fait perméable à une multitude de sondages perceptifs et de modulations motrices, en provenance de notre exécutif conscient.
Nous sommes ainsi capables, à un instant choisi, , de focaliser notre attention sur les actions de telle ou telle segment, et d’en modifier à volonté les paramètres de déplacement spatio-temporels et intensifs, mais sans pour autant pouvoir nous affranchir de certaines limitations qui encadrent sans distinction nos actions , des plus automatiques aux plus conscientisées.
on connaît Les contraintes spécifiques de tout mécanisme posturo-gestuel: il s’agit de constantes physiques, anatomiques , et psychophysiologiques, au premier rang desquelles on doit considérer le champ de la gravité, la masse comparée des différents segments du corps, l’effet de la composition dynamique des forces musculaires et non musculaires, le critère d’économie de l’énergie et l’exigence de minimisation de la charge attentionnelle et computationnelle pesant sur le système nerveux central.
Essai de description (intuitive) du passage demi-couché, assis, debout.
Par commodité, je me réfère à un sujet adulte en bonne santé,réalisant le passage assis-debout en n’étant ni accaparé par une autre tâche perceptuo-motrice, ni spécialement attentif au détail de ses mouvements.
Notre sujet est confortablement installé sur un fauteuil, tête et dos appuyés sur un haut dossier très incliné : la séquence commence par un balayage du regard depuis l’horizon vers le niveau du sol proche, immédiatement suivie par l’inclinaison en avant de la tête qui se libère de son appui occipital.
Le menton s’abaisse, le cou se fléchit en avant dans une sorte d’enroulement qui se poursuit au tronc supérieur par une flexion dorsolombaire : Le dos commence à se détacher du dossier.
Dans le même temps, les pieds ont réduit leur appui au sol ou même brièvement quitté le sol par une extension des genoux, les cuisses se sont allégées ou même ont décollées de leur zone d’appui sur le siège par une flexion SYNCHRONE des hanches contre la pesanteur .
Le tronc bascule en avant autour des hanches par la contraction (+ ou – brusque) des fléchisseurs des hanches et des muscles abdominaux ; le dos est totalement décollé du dossier.
A cet instant, le corps ne s’appuie plus sur le siège que par le sacrum et les ischions .
Résumé et commentaire sur cette première phase du passage assis-debout.
Il est important de noter que les différents modules reliés du corps, tête, cou, segment dorsal et segment lombaire du tronc, membre supérieur, cuisses, jambes, pieds, qui n’étaient, dans la position de repos initiale, physiquement rattachés que par des ligaments et un très faible tonus musculaire de base, sont à présent étroitement solidarisés en un système mécanique cohérent. Le raidissement de ce système complexe est réalisée par une contraction antigravitaire efficace des muscles qui croisent ses articulations notamment dans le plan antérieur. Le mouvement de chaque module va donc pouvoir interagir dynamiquement avec le mouvement de tous les autres.
On note par exemple que les membres inférieurs, légèrement soulevés du sol, et/ou de l’assise du fauteuil, peuvent à travers un ajustement postural anticipateur, faire contrepoids à la partie supérieure du corps durant son mouvement d’enroulement et de bascule en avant.
On observe aussi sur soi-même que lorsqu’on choisis, au début de la séquence, de Geler en position orthostatique les degrés de liberté de la tête, du cou et du tronc supérieur, ce maintien en rectitude nous prive de l’énergie cinétique qui était générée par l’enroulement progressif de ces trois modules.
On perçois clairement que Ce déficit d’énergie cinétique nous oblige à contracter plus fortement les abdominaux et les fléchisseurs des hanches pour « détacher « en bloc le haut du corps du dossier.
On observe aussi que la vitesse de la séquence a une influence directe sur ses caractéristiques spatiales:si l’on choisit une stratégie très lente (énergie cinétique faible) , on ne peux se lever qu’après avoir basculé complètement le tronc en avant ; si à l’inverse on commande un mouvement de bascule antérieure du corps d’emblée très rapide «(acquisition d’une grande énergie cinétique) , on pourra se lever du siège en gardant le tronc presque vertical.
Retour à la description du passage assis-debout.
Lors de la première phase du passage assis-debout, la paume de la main droite a glissé (+ ou - en avant) le long de la barre, par l’antépulsion extension du bras combinée à la flexion du tronc, jusqu’à une position où la main s’est agrippée ou simplement appuyée sur ce point fixe.
A l’instant suivant, les genoux se fléchissent rapidement, les jambes reviennent vers le sol et les cuisses augmentent leur appui sur le siège; les pieds glissent au sol (+ ou - en arrière) , jusqu’à s’engager un peu sous le siège, talons décollés, avant-pieds de plus en plus adhérant au sol .
Bilan des deux premières phases du passage assis-debout.
, le corps, était initialement demi couché et presque étendu dans le fauteuil sur une très grande base de support , la presque totalité de sa face dorsale .
Par la contraction de la musculature du plan antérieur et sous l’action de la gravité, il a enroulé, basculé, et regroupé tous ses segments en passant à une base de support provisoire plus en avant et beaucoup plus étroite, les ischions et le tiers supérieur des cuisses en appui sur la partie antérieur de l’assise du siège . Sans transition,, l’ensemble du système articulé s’est ensuite transportés au dessus de la base de support définitive du passage assis-debout, ( une petite zone du sol en avant du fauteuil où les pieds se sont rapidement placés « en position d’attente »).
Description de la phase finale du passage assis-debout.
La pression des pieds au sol augmente à mesure du basculement antérieur du corps: Tandis que le haut du corps s’avance, le bassin se décolle de l’assise du fauteuil et les cuisses basculent en avant sur le bord antérieur du siège qu’elles quittent à leur tour .
A ce point de la trajectoire, le r’égard est dirigé vers le sol, le tronc finit de basculer en avant, les épaules sont proches des genoux, le bassin est proche des talons.
Les avant-pieds puis les talons ont progressivement récupéré la totalité de la charge du corps ( si on néglige la contribution du bras et de la main droite en appui à la barre) .
Un mouvement des hanches vers l’avant et des genoux vers l’arrière commence à soulever le bassin et le tronc: simultanément, Chevilles, genoux et hanches se déplient (+ ou –rapidement) . Le soulèvement du tronc contre la gravité est combiné avec une inversion du sens de sa bascule : le bassin s’avance et les épaules reculent.
Le regard commence un balayage de la scène optique du sol vers l’horizon, la tête le cou et la colonne vertébrale se redressent.
En fin de course, les membres inférieurs et le haut du corps s’alignent en freinant simultanément la vitesse de leur avance et de leur ascension .
Tous les modules du corps s’immobilisent finalement en douceur dans la position orthostatique , à l’aplomb des pieds, et passent sous le contrôle du système d’équilibration caractéristique de la station debout.
Remarque finale sur la séquence assis-debout.
J’ai conscience du caractère intuitif et qualitatif de cette description,mais je laisse ce chantier aux physiologistes et aux biomécaniciens.
Il est hors de question de me lancer dans une analyse quantitative dont je ne possède pas les instruments techniques et mathématiques, il me faudrait pourtant essayer d’interpréter cette description qualitative dans des concepts plus rigoureusement définis :
Analyse de la trajectoire du centre de gravité du corps considéré comme système de « modules«articulés cf gurfinkel 1973,
Distinction entre centre de gravité et centre de pression,
Distinction entre mouvement balistique et mouvement en rampe,
Etude des échanges d’énergie potentielle et cinétique des différents modules en mouvement
, description de la coordination posturogestuelle en termes d’ajustements anticipateurs et réactionnels cf Massion 1992 et de régions de réversibilité cf Kelso, Fitch, Tuller et Turvey 1982 : cf citation : « une région de réversibilité est une région (de l’espace accessible) dans laquelle pour tout mouvement que vous faites et qui perturbe votre équilibre , il y a un autre mouvement que vous pouvez faire , et qui restaure votre équilibre . « fin de citation.
Mais je dois avouer que ce type d’analyse compréhensive dépasse aussi mon niveau scientifique.
Je me limiterait donc à quelques remarques qui me sont suggérées par l’étude clinique des patients hémiplégiques, notamment les cérébrolésés droits récents.
Si nous résumons la masse du corps à son centre de gravité (g), le passage demi-couché, assis-debout correspond à un déplacement de g d’un point initial A , à un point B .
Nous voyons q’à l’évidence, B se situe en avant et au dessus de A, et que ces deux écarts correspondent à peu près à la longueur de la cuisse.
La première question à poser est alors la suivante : Quelle trajectoire de g de A à B sera la plus efficace , compte tenu de toutes les contraintes biomécaniques et psychophysiologiques qui s’exercent sur le sujet qu’il soit ou non cérébrolésé?
£££Prenons d’abord comme référence théorique un cas extrême, celui d’un soldat de plomb qu’un enfant manipule:
si le petit soldat est allongé sur un fauteuil incliné par exemple à 40 degrés sur l’horizontale,les talons touchant le sol, l’enfant pourra d’une main caler au sol les talons de la figurine en un point P, et la relever en position debout à l’aide de l’autre main par une simple rotation de 50 degrés autour du point P.
la trajectoire du centre de gravité g entre le départ sur le fauteuil A, jusqu’à l’arrivée verticale B décrira un arc de cercle parfait AB ; le centre de ce cercle est le point P et son rayon le segment de longueur constante PG .
Pourquoi le sujet humain n’utilise-t-il pas cette stratégie circulaire en bloc?
Avant tout parce qu’il est articulé, et qu’il peut fragmenter le mouvement en masse de la figurine rigide en une série très riche de mouvements élémentaires.
contrairement au soldat de plomb, le sujet humain ne procède pas par une lévitation utilisant une force extérieure, (la main de l’enfant) ;
il ne peut compter que sur ces propres forces pour obtenir le résultat final : la translation de g vers l’avant, la prise d’appui des pieds au sol, et le mouvement de g vers le haut .
La composante vers l’avant du déplacement de g ne consommera pas beaucoup d’énergie puisqu’elle s’effectue à altitude constante contrairement à la composante vers le haut qui s’effectue directement contre la gravité.
Or, il est clair que le soldat de plomb, totalement rigide, ne peut adopter qu’une stratégie dans laquelle la composante ascensionnelle du déplacement de g est prédominante dès le début de la séquence , alors que sa composante horizontale n’est à son maximum qu’à la fin.
On observe que le sujet humain procède exactement à l’inverse : il commence par avancer g en direction de la future base de support des pieds, et ne réalise qu’ensuite l’ascension de g dans la phase finale de la séquence.
Chez l’humain, l’allure d’ensemble de la trajectoire de g n’est pas un arc de cercle de rayon constant, mais une courbe de type hyperbole, dans laquelle la distance des pieds au centre de gravité, d’abord assez grande dans la position du corps demi--couchée, régresse vers un minimum dans la position regroupée, et croit ensuite jusqu’à un maximum dans la station debout finale.
Cette stratégie présente plusieurs avantages : tout d’abord, elle permet l’acquisition initiale d’une forte énergie cinétique par le pesant module tronc-tête-bras sans exiger la mise en jeu d’une trop grande force musculaire (cf infra l’enroulement bascule en avant de la partie supérieure du corps) .
D’autre part, elle n’exige pas , dans la portion finale de la trajectoire, un freinage musculaire actif de la composante horizontale du déplacement de g, puisqu’à cette phase, cette composante est très minime et presque totalement dominée par la composante ascensionnelle.
Notons aussi que cette courbe dont l’allure évoque une hyperbole, très progressive à son début et à sa fin, présente dans sa zone moyenne une forte inflexion qui fonctionne comme une zone d’adaptation spatio-temporelle: cette inflexion sera plus accentuée si le déplacement de g est lent et/ou si le recul des pieds vers le siège n’est pas maximum ; elle sera moins creusée si le déplacement est rapide, et /ou si les pieds choisissent une zone d’appui au sol plus en arrière sous le siège.
Remarquons enfin que lorsque le déplacement de g de A à B est très rapide,(mouvement balistique, sur une trajectoire hyperbolique faiblement creusée), il n’est pas possible de l’interrompre à n’importe quelle position intermédiaire ou d’abréger sa trajectoire sans briser son élan ( perte de l’énergie cinétique).
privé de son énergie cinétique, le centre de gravité est alors abandonné en un point situé en « porte à faux » trop en arrière de l’étroite région de réversibilité définie par la zone des pieds au sol, ce qui entraîne nécessairement un échec du redressement par chute du corps en arrière.
Cependant, un déplacement de g très lent, sur une trajectoire hyperbolique très creusée (mouvement en rampe), rendra possible sans aucun risque de chute, l’immobilisation du corps à n’importe quel point de sa trajectoire, ce qui ne sera pas sans utilité lorsqu’il s’agira de fractionner dans un but thérapeutique la séquence en plusieurs sous-tâches.
DESCRIPTION SOMMAIRE DU RETOUR DEBOUT-ASSIS-DEMI-COUCHE.
LA TOTALITE DE LA SEQUENCE DEBOUT-ASSIS-DEMI-COUCHE S’EFFECTUE SOUS L’ACTION DE LA GRAVITE, LA FORCE MUSCULAIRE N’ETANT MISE ENJEU QUE POUR FREINER ET CONDUIRE LA PERTE D’ALTITUDE ET LE DEPLACEMENT EN ARRIERE DES SEGMENTS DU CORPS.
LA PHASE INITIALE EST UNE INCLINAISON DU REGARD VERS LE BAS, UNE FLEXION ANTERIEURE DE LA TETE ET DU COU, SUIVIE IMMEDIATEMENT D’UNE BASCULE DU TRONC EN AVANT PAR FLEXION DES HANCHES ASSOCIEE A LA FLEXION DES GENOUX ET DES CHEVILLES.
CE MOUVEMENT D’ENSEMBLE ASSURE UN ABAISSEMENT VERTICAL CONTROLE DU CENTRE DE GRAVITE DU CORPS.
MALGRE CES IMPORTANTES ROTATIONS SEGMENTAIRE, LA PROJECTION VERTICALE DU CENTRE DE GRAVITE EST MAINTENU A L’INTERIEUR DE L’ETROITE ZONE DE SUPPORT DES PIEDS AU SOL, PRINCIPALEMENT GRACE A UN AJUSTEMENT EN FLEXION EXTENSION DES CHEVILLES QUI CONTROLE LES DEPLACEMENTS DE G DANS L’AXE SAGITTAL.
CONTREBALANCE PAR L’AVANCEE DE LA TETE ET DES GENOUX, LE BASSIN EST CONDUIT PROGRESSIVEMENT EN ARRIERE AU VOISINAGE DE L’ASSISE DU FAUTEUIL QU’IL ATTEINT TANGENTIELLEMENT SANS CHOC.
DES LE CONTACT AVEC L’ASSISE DU FAUTEUIL, LA REGION DU SACRUM, LA COLONNE LOMBAIRE PUIS DORSALES BASCULENT EN ARRIERE ; LE TRONC SUPERIEUR, LE COU PUIS LA TETE SE DEROULENT, ET PRENNENT APPUI SUCCESSIVEMENT SUR LE DOSSIER.
DURANT LA SEQUENCE DEBOUT-ASSIS-DEMI-COUCHE, LA TRAJECTOIRE DE G PRESENTE UNE ALLURE HYPERBOLIQUE : UNE PHASE INITIALE OU PREDOMINE LA PERTE D’ALTITUDE DE G, ALORS QUE LA COMPOSANTE HORIZONTALE DU DEPLACEMENT EN ARRIERE DE G RESTE MINIME,
UNE INFLEXION PLUS OU MOINS CREUSEE DE LA PARTIE MOYENNE DE LA COURBE,
PUIS UNE PHASE FINALE OU PREDOMINE LA COMPOSANTE HORIZONTALE DU DEPLACEMENT EN ARRIERE DE G.
SI NOUS REVENONS UN INSTANT AU MODELE THEORIQUE DU SOLDAT DE PLOMB, NOUS OBSERVONS CHEZ LA FIGURINE RIGIDE UNE STRATEGIE STRICTEMENT INVERSE A CELLE DU SUJET HUMAIN:
UNE PHASE INITIALE OU DOMINE LA COMPOSANTE HORIZONTALE DE DEPLACEMENT EN ARRIERE DE G, UNE TRAJECTOIRE MOYENNE EN ARC DE CERCLE UNIFORMEMENT ACCELEREE,
UNE PHASE FINALE OU PREDOMINE LA COMPOSANTE VERTICALE AVEC UNE PRISE D’APPUI SUR LE FAUTEUIL MASSIVE ET A GRANDE VITESSE.
LE CORPS DU SOLDAT DE PLOMB, EN CHUTE LIBRE, TRANSFORME SANS FREINAGE TOUTE SON ENERGIE POTENTIELLE DISPONIBLE EN ENERGIE CINETIQUE ET LA CONCENTRE A L’INSTANT DE LA BUTEE FINALE DE SA FACE DORSALE SUR LE FAUTEUIL.
CETTE DESCRIPTION SOMMAIRE NOUS PERMET DE METTRE EN VALEUR DEUX ASPECTS IMPORTANT DE LA SEQUENCE DU RETOUR EN POSITION ASSISE :
DANS LA SEQUENCE DEBOUT-ASSIS, LE DEPLACEMENT DE G N’EST PAS DE TYPE BALISTIQUE ; SA VITESSE RESTE CONSTAMMENT MODEREE ET CONTROLABLE A CHAQUE INSTANT : IL S’AGIT D’UN MOUVEMENT EN RAMPE QUI PEUT ETRE STOPPE ET REDEMARRE EN N’IMPORTE QUEL POINT DE LA TRAJECTOIRE SANS MODIFICATION DE SES PARAMETRES SPATIAUX.
D’AUTRE PART, NOUS OBSERVONS QUE CE CONTROLE PERMANENT DU DEPLACEMENT DE G EST RENDU POSSIBLE SEULEMENT SI LA PERTE D’ALTITUDE DE G DEPUIS SON POINT HAUT (EN STATION DEBOUT) JUSQU'A SON POINT BAS OU LE CORPS ATTEINT LE NIVEAU DE L’ASSISE DU FAUTEUIL SOIT REALISE A L’INTERIEUR DE LA REGION DE REVERSIBILITE CORRESPONDANT A LA ZONE DES PIEDS AU SOL.
SI CETTE CONDITION N’EST PAS RESPECTEE, PAR EXEMPLE LORSQUE LA PROJECTION VERTICALE DE G S’ECHAPPE VERS L’ARRIERE DE LA ZONE DES PIEDS AU SOL, LA PERTE D’ALTITUDE DE G DEVIENT UNE CHUTE LIBRE UNIFORMEMENT ACCELEREE QUI NE POURRA S’INTERROMPRE QU’A LA BUTEE FINALE DU CORPS SUR LE FAUTEUIL.
DIFFICULTE DU PASSAGE ASSIS-DEBOUT ET RETOUR CHEZ LE CEREBROLESE DROIT.
Pour le rééducateur, le problème n’est pas simple : Le cycle de passage demi-couché-assis-debout et retour doit pouvoir être réalisé dans des conditions confortables, et sûres, par des organismes vieux, présentant, en plus d’une parésie de l’hémicorps gauche, une faible capacité de recrutement instantané de la musculature restante, et/ou des troubles de la régulation posturo-gestuelle, comme c’est souvent le cas chez les patients cérébrolésés droits récents.
Lorsque le cerveau gauche est privé du concours du cerveau droit récemment lésé, une tâche comme le passage assis-debout et retour place effectivement le patient devant un problème de coordination posturogestuelle très difficile.
Par exemple, la main droite saisit bien la barre, mais s’y agrippe au lieu de s’y appuyer, le membre supérieur agit alors en traction et s’oppose statiquement à la poussée du membre inférieur droit, avec comme résultante un blocage de la trajectoire ;
Le pied droit se place trop en avant et à droite au lieu de se caler sous le siège en position médiane;
le membre inférieur droit repousse le sol très énergiquement sans y avoir complètement pris appui ;
L’effort de redressement global est insuffisant pour atteindre la station debout complète ;
parfois le tronc bascule en avant à la fin de la phase de verticalisation, parfois le corps interrompe sa trajectoire et retombe en arrière et à gauche ;
Dans le retour au fauteuil à partir de la station debout, le tronc recule sans s’incliner suffisamment en avant, le corps accélère son recul et chute lourdement en arrière.
Je n’analyserai pas en détail les raisons multiples de toutes ces erreurs .
Schématiquement, le patient parait affronter une double impossibilité :
1. Depuis la lésion, son système nerveux central moins performant n’est plus capable de réguler comme un tout, sur un mode automatique et inconscient, le fondu enchaîné des trajectoires de tous les segments du corps: Il s’agit ici d’une habileté posturogestuelle de haut niveau qui est particulièrement fragilisée par les atteintes de l’hémisphère droit, surtout durant les premiers mois après la lésion.
2. Le patient ne peut pas non plus « faire attention » à chacun des éléments de la séquence , ou comme on dit « en prendre conscience », car à l’évidence, le trop grand nombre des degrés de liberté et la densité du flux d’événements à gérer excèdent totalement la capacité de contrôle de son exécutif conscient (BERNSTEIN, KELSO 1982).
Il suffit pour s’en convaincre, d’essayer de lui décrire « ce qu’il devrait « faire » pour ne pas chuter : « faites plus attention, prenez conscience de votre côté gauche, ne chargez pas trop sur la jambe droite, reculez bien vos pieds, ne vous redressez pas trop tôt, penchez-vous plus loin, penchez-vous moins rapidement, etc » .
Ces conseils injectés en temps réel par le rééducateur peuvent ponctuellement avoir la chance d’atteindre leur but, mais la mémorisation de ce type de liste de règle floue ne garantit pas que le patient, lorsqu’il sera livré à lui-même, fera toujours fonctionner la bonne règle, au bon moment, avec la bonne intensité.
A chaque instant de la trajectoire du passage assis-debout, une petite erreur localisée de paramétrage spatial, temporel, ou intensif, exigera de lui une détection immédiate , suivie sans retard d’une correction subtile dans les autres segments en mouvement(cf plus haut les incertitudes paramétriques de notre essai de description) .
cette commande de correction pourra bien, par chance, obéir à l’une de nos recommandation pertinente, mais elle arrivera généralement trop tard, sans d’ailleurs être elle-même à l’abri d’une nouvelle erreur de paramétrage.
Des erreurs en cascade produiront ainsi des écarts cumulés qui mèneront presque nécessairement le corps en dehors de son équilibre (G en dehors de la région de réversibilité), c'est-à-dire à une chute.
Pour insister sur le caractère péjoratif de cette situation floue , j’ajoute que chez ces cérébrolésés récents, la chute est rarement un échec instructif comme le sont les erreurs dans un cycle d’apprentissage.
La chute est plutôt une petite ou grande catastrophe inutile au patient, puisqu’il lui sera impossible d’en interpréter les causes précises.
A mon expérience, les patients cérébrolésés droits ne peuvent pas aisément être placés dans des situations d’apprentissage assurant leur sécurité, dont les conditions mécaniques et perceptives soient assez stables et temporellement gérable pour qu’un feed back externe(Adams 1971) clair puisse les aider à discriminer la qualité de leurs performances et à capitaliser leurs réussites.
En bref, je viens de démontrer qu’il est vraiment difficile ou même périlleux d’exposer un patient cérébrolésé droit récent à ce que j’appelle la situation d’auto-entraînement ; C’est pourtant ce dont certaines équipes de rééducation se permettent parfois informellement lorsqu’elles confient ces patients sans surveillance à la seule garde de leur incompétente spontanéité. Dans ma perspective, l’autoentraînement est une approche qui permet de techniciser et rationaliser la « déprise en charge » du patient, qui se produit tôt ou tard au cours du traitement rééducatif, mais parfois de manière insuffisamment maîtrisée .
Dans sa totalité, le traitement rééducatif doit être un composite obligatoirement fait d’étroite prise en charge et de situations calculées où le patient est « livrer à lui-même » : en bref, il nous faut pouvoir techniciser aussi bien la prise que la déprise en charge de nos patients.
COMMENT AMENAGER LES TACHES D’AUTO-ENTRAINEMENT CHEZ LES CEREBROLESES DROITS?
Les cérébrolésés droits récents sont réputés « chuteurs » ou au moins fragilisés dans le domaine de la régulation posturogestuelle et locomotrice.
Mais ils conservent aussi de manière caractéristique, dès les premières semaines après la lésion, des habiletés verbales, motrices et perceptives analytiques, largement suffisantes pour réussir de bonnes performances, si du moins les tâches qu’on leur propose tiennent compte de ces habiletés restantes.
Une approche logique dans ce contexte consiste à s’appuyer très précocement sur ce potentiel neuropsychologique résiduel, afin d’obtenir une verticalisation et une locomotion autonomes les plus précoces possibles.
Pour être utiles au plan rééducatif, ces tâches aménagées devront être à la fois compatible avec les habiletés actuelles du patient, et suffisamment proche de la tâche prise comme objectif final pour en constituer une préparation efficace. Les subtilités du contrôle posturogestuel normal ne peuvent être exigées d’un patient récemment lésé à droite, , alors même que chez le sujet non lésé, elles ne sont rendues possibles que parce qu’elles ont été au cours de l’enfance, parfaitement automatisées par une coopération du cerveau et du cervelet (KAWATO 1987, cité par DUFOSSE et MASSION 1992).
La tâche proposée au patient dans la perspective de l’auto-entrainement devra donc nécessairement être réinterprétée « dans le style» des capacités de gestion typique de l’hémisphère gauche .
,Les rééducateurs ont depuis longtemps approché la solution que je propose : le fondu enchaîné posturogestuel du passage assis-debout peut, sans être complètement dénaturé, être découpé en unes série stéréotypée de quelques phases gestuelles perceptuo-motrices distinctes, verbalement identifiables, et exécutables sous guidage mémoriel dans un ordre strictement défini (cf. VAN DER LINDEN à propos du réentraînement des fonctions exécutives » …il pourra être utile de leur (ré)apprendre certaines séquences d'actions correspondant à des activités à haute valeur fonctionnelle… Les différentes étapes de l'activité à apprendre pourront être présentées l'une après l'autre par écrit, et les indices externes progressivement estompés, jusqu'à ce que le patient puisse réaliser l'action sans aide et de manière relativement automatique ».
Mais comment espérer passer d’un contexte d’exercice segmentés, analytiques et attentif au contexte d’une pratique journalière banalisée, dans laquelle les séquences posturo-locomotrices se présenteront nécessairement comme des actions unitaires , sous le contrôle d‘un exécutif conscient minimalement intelligent intervenant minimalement? (cf Kelso 1982)
L’expérience clinique des rééducateurs est encore assez confuse en ce domaine ; on peut cependant penser que la répétition attentive sur plusieurs semaines de ce type de tâches verbomotrices analytiques (cf. LURIA 1963 cité par VAN DER LINDEN, et ADAMS 1971)peut favoriser la découverte par le patient de stratégies de simplification du modèle segmenté qu’on lui a initialement proposé.
Sous la pression de la situation d’apprentissage à laquelle il est exposé de manière insistante,et notamment sous la contrainte d’accélérer, le patient va mobiliser les capacités résiduelles de ses réseaux neuronaux disponibles et, sans qu’on sache bien comment, va trouver avantageux de réaliser des fusion, deux à deux, de certaines sous tâches (SCHMIDT), de la série initiale.
Remarque : considérons deux sous-tâches A et B d’abord apprises lentement, séparément et l’une après l’autre ; La sous-tâche a ne sera pas seulement soudée bout à bout avec la sous-tâche b, mais b pourra commencer par anticipation avant que a soit totalement réalisée, ou dans d’autres cas a et b finiront par fusionner et s’effectueront en parallèle.
Dans le cas précis du passage assis-debout, la situation d’apprentissage et les consignes définissant la séquence de tâches devront aider le patient à découvrir implicitement que lorsque la composante horizontale du déplacement de g en avant(sous-tâche a) possède une énergie cinétique suffisante, les extenseurs des membres inférieurs peuvent parfaitement commencer à raidir le genou et la hanche (sous-tâche b) sans pour autant rejeter G en arrière, comme ce serait le cas si G se déplaçait à vitesse très lente ou était immobilisé en arrière de la base de support des pieds.
L’intérêt thérapeutique de cette approche est évident : a chacune de ces fusions-anticipations, on observe un gain de vitesse, de fluidité, et un allègement corrélatif de la charge computationnelle incombant à l’exécutif conscient.
MISE EN ŒUVRE PRATIQUE DE L’AUTO-ENTRAINEMENT.
Description de la tâche remaniée.
La neuropsychologie nous apprend que Le cerveau gauche est spécialisé dans la pensée verbale , l’analyse, et la gestion locale et séquentielle des perceptions et actions motrices fines, telles que les habiletés des mains.
En revanche, le cerveau gauche maîtrise beaucoup moins bien que le cerveau droit, la perception et la gestion globale et simultanée des relations et orientations tridimensionnelles entre des éléments multiples ; cette difficulté est clairement supra modale (SPRINGER et DEUTSCH) , et intéresse l’espace du monde extérieur visible, mais aussi, les neurorééducateurs en sont convaincus, un espace interne, celui de la régulation mécanique du corps propre dans son fonctionnement posturogestuel.
Ce schéma est bien entendu une épure qui ne fonctionne pas totalement pour chaque patient singulier; il s’agit pourtant à mon avis d’une base de réflexion et d’un guide de l’observation clinique puissant, qui peuvent aider les rééducateurs à structurer leurs projets de prise en charge.
Notre projet thérapeutique n’attaquera pas de front les points les plus faibles du patient, mais mettra au service des fonctions posturolocomotrices de base ces habiletés résiduelles, perceptives, motrices et de gestion les plus disponibles.
Le concept de l’aménagement thérapeutique de la séquence assis-debout dans un contexte d’autoentraînement peut se résumer en quelques principes :
-Nous ne devons pas demander d’emblée au patient de gérer simultanément les caractéristiques spatiales, temporelles, et intensives de la tâche.
- Dans la ligne de la théorie en boucle fermée d’Adams (1971) nous devons fixer à l’apprentissage un objectif simple et clair : construire une première image spatiale d’une séquence de référence.
au cours des premières séances d’entraînement, le patient devra répéter des mouvements dont les paramètres seront le plus possible identiques d’une séance à l’autre.
, A cette fin, Les gestes élémentaires du patient seront étroitement encadrés par des repères fixés dans l’environnement proche.
D’autre part, et toujours dans la perspective de la stabilisation initiale d’une image spatiale de référence, la vitesse moyenne des mouvements sera suffisamment réduite pour que de petites variations d’un essai à l’autre n’aient aucune incidence sur l’amplitude des mouvements élémentaires, et donc sur l’allure et les dimensions de la trajectoire du centre de gravité du corps.
De plus, cette vitesse très lente permettra, à des moments utiles, de stopper complètement le mouvement et d’intercaler dans la tâche des activités cognitives de contrôle conscient.
Remarque : La limitation systématique de la vitesse des mouvements réduira fortement la part utile de l’énergie cinétique et imposera au patient des efforts musculaires relativement importants ; ces efforts seront éventuellement inconfortables, mais perceptibles comme étroitement corrélés aux caractéristiques spatio-temporelles de la séquence de référence.
Le développement de l’apprentissage permettra au mieux l’adoption par le patient de stratégies dérivant de la séquence de base, mais progressivement modifiées : stratégies moins fragmentées, plus rapides, plus fluides, moins coûteuses en effort musculaire et en contrôle attentif, tous changements qui pourront être ressentis comme des progrès par le patient et finalement être adoptés et consolidés sur un mode automatique.
Contrôle spatial de la séquence thérapeutique initiale .
La tâche est référencée et guidée par un strict encadrement des positions de départ et d’arrivée du corps : Le patient est placé dans un espace structuré et simplifié par l’ajout de quelques cibles visibles placées en des points stratégiques.
Contrôle temporel :
on découpe le flou enchaîné rapide caractéristique de la séquence normale en une série strictement ordonnée de quelques sous-tâches lentes détachées l’une de l’autre et séparées par de courtes pauses.
Contrôle verbo-cognitif.
la liste des consignes concernant chaque sous-tâche est préalablement mémorisée par le patient , récitée à haute voix avant chaque tentative ou au moins au début de chaque séance; elle assiste pas à pas le patient qui doit à chaque pause du mouvement, alterner rigoureusement le rappel verbal d’une consigne et la vérification sur lui-même de l’acte qui lui correspond, (ce qui remarquons-le, peut être en soi une difficulté pour un hémisphère gauche privé de l’assistance critique de l’hémisphère droit.
Contrôle dynamique:
L’organisation spatio-temporelle et le mode de gestion verbomoteur discontinu définis ci-dessus impose clairement un ralentissement systématique de tous les gestes ; les mouvements conduits, «en rampe » remplacent la projection « balistique » qu’on observe dans la séquence normale.
MISE AU POINT DES DETAILS PRATIQUES.
La tâche de passage assis-debout et retour doit avoir été réalisée assez régulièrement par le patient sous la surveillance du rééducateur avant qu’on puisse tenter de la mettre en jeu dans un contexte d’auto-entraînement .
Si l’on garde à l’esprit qu’on ne peut se permettre aucune chute du patient, on ne trouvera pas exagéré un certain luxe de précision dans l’encadrement de la tâche.
Dans la séquence remaniée, on a réduit cette tâche complexe en quelques (5) gestes choisis comme stratégiques correspondant à autant de points de passages obligés d’une partie du corps facile à identifier -Pied gauche, pied droit, main droite, tête, épaule droite.
Mais pourquoi ce recours à des cibles ?
L’approche et l’atteinte d’une cible visuelle fixe par une partie bien individualisée du corps, est le but perceptuo-moteur le plus simple qui puisse être aménagé pour un patient cérébrolésé droit souffrant de troubles visuospatiaux:Les mouvements segmentaires requis peuvent être nombreux et complexe, mais l’important reste qu’au plan subjectif, la tâche puisse clairement se résumer à La réduction de l’écart linéaire entre deux points.
On peut faire l’hypothèse que les sous-tâches linéaires de la séquence thérapeutique, contrôlables l’une après l’autre en tout ou rien, seront beaucoup plus facile à verbaliser, mémorisées et à rappeler dans l’ordre par le cerveau gauche que les phases floues de la séquence normale, qui impliquent des mouvement assez voisins, mais finement gradué et corrélés dans un flux continu de gestes et d’ajustement posturaux anticipateurs intervenant dans le corps entier.
MISE EN PLACE DES CIBLES.
Sur la base d’une série de séquences surveillées de la tâche assis-debout réussies plusieurs jours de suite par le patient, on détermine, par tâtonnement :
-la position de référence du fauteuil callé le long de la barre d’appui,
-la place de la main droite sur la barre convenant le mieux à l’avancée initiale du tronc et au maintien confortable de la position finale debout.
-La meilleure position au sol de chacun des deux pieds(par exemple fente antérolatérale modérée pied gauche un peu avancé) lorsque le patient aura atteint la position finale debout.
-et enfin le point du mur situé en regard de l’épaule droite du patient lorsqu’il est stabilisé en position debout.
Ces 5 points seront matérialisés par des petites gommettes de couleur formant autant de cibles bien contrastées.
LISTE DES CONSIGNES.
La liste des consignes doit être courte,stéréotypée, et facile à mémoriser.
Avant d’essayer de me lever, je dois vérifier les points suivants:
- vérifier que ma chaise est callée correctement près de son repère sur la barre.
avancer ma main droite jusqu’à la cible sur la barre en me décollant du dossier du fauteuil,
-rectifier la position de mon pied gauche au sol en le plaçant sur sa cible,
- rectifier la position de mon pied droit au sol en le plaçant sur sa cible,
-avancer ma tête jusqu’au dessus de ma main droite,
-Enfin seulement, me mettre debout en rapprochant mon épaule droite de la cible collée en haut et à droite sur le mur.
La liste de consignes à mémoriser pour le retour en position assise sera du même style :
-Je ne dois pas essayer de m’asseoir avant d’avoir vérifié les points suivants:
- vérifier que le fauteuil est bien à sa place derrière moi le long de la barre.
- vérifier que mes deux pieds sont à leur place sur leur cible au sol,
- vérifier que ma main droite a bien saisi la barre au niveau de sa cible.
-Je peux alors rapprocher au plus près mon front de ma main droite
-seulement alors je peux descendre mon corps puis le reculer et m’asseoir.
ORGANISATION DES SEANCES d’auto-entraînement.
Typiquement,les séances d’auto-entraînement doivent être courtes 5 à 10 minutes deux fois par jour), et n’impliquer aucune fatigue, aucune frustration, angoisse, etc., qui pourraient être induites si on prolongeait l’important effort psychique qu’elles mobilisent chez le patient.
Elles doivent se répéter régulièrement, par exemple au domicile en fin de semaine, en obéissant à un rituel bien établi : relecture préalable de la fiche de consignes, récitation de mémoire, exécution, interview autocritique et recueil des propositions du patient sur des modification de la consigne initiale.
Développement de l’apprentissage.
La transformation de la séquence de base assis-debout et retour s’opère progressivement sous un contrôle étroit du rééducateur qui devra valider et encourager chaque initiative du patient.
Par exemple, dans la séquence assis-debout, l’avancée de la main droite sur la barre pourra fusionner avec l’inclinaison du tronc, l’abaissement de la tête vers la main, et le recul du pied droit vers sa zone d’appui.
Dans un second temps, le sous-ensemble des mouvements réalisant le déplacement de g vers la zone d’appui des pieds pourra être soudé bout à bout avec la sous-tâche finale d’élévation de l’épaule vers sa cible au mur.
Plus tard, l’application d’une plus grande vitesse aux mouvements initiaux de la tête, du tronc et du membre supérieur induira, par l’acquisition d’énergie cinétique, un démarrage plus précoce de l’ascension finale vers la cible de l’épaule droite.
Dans la phase de retour en position assise au fauteuil, la mise en place de la main droite pourra fusionner avec l’inclinaison du front vers cette main .
Plus tard, le recul du bassin vers le siège pourra succéder sans pause à la flexion des genoux.
La suppression progressive des pauses cognitives intercalées entre les sous-tâche, l’accélération moyenne des mouvements, puis la suppression de certaines cibles, contribueront à l’approche d’une séquence plus élégante et moins liée à un cadrage artificiel.
REMARQUE FINALE.
Cet encadrement strict du passage assis-debout autonome chez un patient cérébrolésé droit récent peut paraître parfaitement obsessionnelle.. on ne doit pourtant pas s’en étonner .
Il s’agit en effet de structurer chez un patient cérébrolésé droit récent et son entourage humain un désir constructif d’autonomie fonctionnelle couplé à une attitude de maîtrise rigoureuse des causes de chute .
Si le patient, ou son entourage humain ne sont pas prêts à assumer cette espèce de contrat, il vaut mieux s’abstenir, car l’auto-entraînement du transfert assis-debout tel que je le décris reste une technique rééducative dangereuse.
Lorsque le patient et son entourage réussissent cette première épreuve, et deviennent capable de gérer sur quelques semaines un auto-entraînement régulier, dans une tâche simple comme le passage assis-debout, on peut passer à des tâches plus diversifiées menant à une plus large compétence posturo-locomotrice (SCHMIDT.
On explorera par exemple la recherche de l’appui complet du corps sur le membre inférieur gauche, genou légèrement fléchi, le lâcher de la barre par la main droite, le rattrapage réflexe de la chute latérale, en avant et en arrière par des réactions de pas du membre inférieur sain, la marche généralisée dans toutes les directions, l’adaptation aux obstacles etc. La consolidation d’une compétence posturo-locomotrice généralisée à des environnements de plus en plus variés et à des contextes cognitifs de plus en plus exigeants sera seule à même de fonder rationnellement la décision si délicate, d’autoriser la marche sans surveillance, l’un des enjeux les plus difficiles de la prise en charge de ces patients cérébrolésés droits.
Marseillejeudi 24 janvier 2008.