Marche précoce et contrôle du genou chez les hémiplégiques droits et gauches.
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Rééducation précoce à la marche et contrôle du genou chez les hémiplégiques.
Ce document étudie comment préparer les patients au contrôle de l’articulation du genou dans la phase d'appui du cycle de marche.
Les débuts de chapitres sont marqués par les signe ££.
££
**1). Contexte pratique de cette réflexion: La kinésithérapie chez des patients cérébrolésés récents, souvent âgés, avec un objectif de verticalisation, mobilisation locomotrice et d'autonomisation posturale précoce, dans une fenêtre de temps limitée à quelques mois.
Il faut bien comprendre que ce cadre pratique est singulier, et n'est pas strictement superposable à d'autres cadres ayant donné naissance à un savoir, comme la pratique neurologique classique(pierre Marie, etc.), ou, dans les années 60, le CRF de Nancy : la pratique rééducatives d'un centre réservé aux patients de moins de 60 ans, (à l'exclusion de la gériatrie qui était prise en charge au centre spécialisé de Bainville), ou encore le cadre expérimental organisé par Basaglia au centre de Ferrare. **2). Les trois niveaux d'analyse du comportement moteur. *A) Niveau élémentaire d'observation. analyse des déficits sensorimoteurs locaux, en faisant mieux que du temps de Kabat, la part des choses entre: -a)les "schèmes" observés et -b) les conditions neuropsychologiques de leur production. *b) Niveau global: s'interroger sur Les modes d'adaptation de l'organisme entier du patient à ces déficits primaires. Il s'agit ici d'observer les "compensations", les "boiteries", avec l'ambiguïté de leur avantage adaptatif et de leur potentiel d'aggravation . *C) Les interrogations de troisième niveau, portant sur le déficit éventuel affectant la gestion de ces mêmes stratégies de compensation, de boiterie, d'acquisition d'habiletés nouvelles. Il s'agit ici d'une interrogation sur l'état fonctionnel de l'exécutif central, c'est à dire la prise en considération de la réduction des capacités de calcul d'un cerveau massivement amputé, dans les cas de lésion hémisphérique récente, (pénombre et sidération de l'hémisphère lésé), mais également, prendre en considération l'hémisphère "sain", qui , en cas de grosse lésion corticale (remarque de A.SZCZOT), peut être plus ou moins massivement désafférenté, (corps calleux), notion d'une déprivation en chaîne atteignant les circuits nerveux des systèmes de l'hémisphère non lésé. **3) Pourquoi s'intéresser prioritairement au genou lorsqu'on veut préparer utilement le contrôle de la phase d'appui de la marche
?
On pourrait montrer que le pied en tant qu’extrémité distale est généralement trop parétique et présente un problème de contrôle trop complexe pour être à la portée des moyens actuels du réentraînement moteur.
D’ailleurs le pied est plus aisément traitable par une orthèse astep, voire par une alcoolisation du triceps ou même une transplantation tendineuse de Bardot ; j’ai renoncé par exemple à entreprendre une longue rééducation active de la flexion dorsale éversion assistée par orthèse mixte combinant la sef sur le nerf SPE, et le goniomètre de cheville construit par Bussière .
la hanche n’est pas non plus une très bonne candidate pour une rééducation reconstructive , étant donné le mécanisme trop complexe de la synergie des muscles fessiers dans le pas pelvien ; on doit reconnaître d’autre part que la phase d’appui de la marche est assez facilement améliorable par l’utilisation d’une canne en « T» .
Donc le pied et la hanche sont à la fois des problèmes trop difficiles pour qu’on puisse véritablement apprendre quelque chose au patient à leur sujet , et plus facilement améliorables par des aides externes efficaces et peu coûteuses .
On ne peut "traiter" chaque symptôme sur le même plan, ni simplement appliquer en parallèle toutes les techniques qui "font du bien". Tous les aspects du handicap d'un patient ne sont pas également perméables à un réentraînement fondé sur l'apprentissage. Pour apprendre quelque chose à quelqu'un, il faut avant tout choisir ce quelque chose avec pertinence, choix lourd, qui engage plusieurs semaines d'entraînement cohérent. Il s'agit d'un choix de compromis, dans lequel on cherche à se placer à l'intersection de plusieurs exigences d'ordre différent: (Pour le moins, on doit en effet choisir à l'intérieur des capacités d'acquisition non spontanée du patient, ce qui sera à la fois le plus utile, mais aussi le plus perceptible et le plus faisable, soit, se mettre dans les conditions de réussir le franchissement (compromis entre le "meilleur" et l'"irréversible") d'un seuil fonctionnel, , et au moindre coût objectif et subjectif. Le nombre des critères de décision est effrayant, du moins si on met tout à plat... En tous cas, on met ainsi en évidence la fausse simplicité du principe juridique d'"obligation de moyen": Les services de rééducation ont aussi une quasi-obligation d'aboutir à un "résultat" dans les domaines où la probabilité de réussir est grande, et aussi quasi-obligation de ne pas choisir mécaniquement l’objectif le plus difficile, si c'est aussi l’objectif le plus coûteux, surtout si, faute de temps, on est, par suite de ce choix, amené à négliger des objectifs fonctionnels qui était relativement plus accessible: On ne peut donc esquiver le choix d'un compromis entre Utilité, capacité, perceptibilité, faisabilité, et nuancer le principe trop simple d'"obligation de moyen": Nous sommes placés pratiquement devant une obligation de mise en jeu des moyens les plus pertinents dans un contexte flou, que nous avons collégialement à évaluer en fonction de critères consensuels.(£ ici, ^penser à la notion d’efficacité étudiée par François Jullien.)
*1) Critère de capacité: Seul le genou possède un potentiel de changement relativement rapide, dans la mesure où à son niveau il existe une alternative, lors de la mise en charge, entre flexum et recurvatum. Notion d'existence, au niveau du genou, de deux attracteurs fonctionnellement utilisables, le "recurvatum", et l'appui actif en "flexum modéré". Il semble bien que de nombreux patients puissent, même sans bénéficier d'une véritable "normalisation du tonus", au sens où l'entendait Bobath, acquérir ce contrôle de la mise en charge en genu flexum par un entraînement qui se réalise sur la base de la seule poussée de triple extension, évoquée dans les expressions classiques: -" marcher sur sa spasticité"(E.VIEL), ou -"domestiquer ses syncinésies" (J.P.HELD). En revanche, les systèmes complexes du pied au sol et de l'articulation hanche-tronc , à cette phase initiale de la récupération, ne pourront que s'"écraser" sous le poids du corps, et rejoindre leur unique point bas, comme le ferait une bille au fond d'un bol,(existence d'un seul attracteur). On observe ainsi très régulièrement, lors de la mise en charge, l'écrasement en pied plat valgus, et la bascule du bassin en Trendelenbourg et salutation. Il faut bien mesurer l'importante différence de difficulté selon qu'il existe, au niveau d'un système biomécanique donné, Un seul, ou plusieurs attracteurs. *2) Critère de faisabilité: En station debout bipodale, seul le genou, bien que très parétique peut être assez facilement piloté indirectement par le patient, à partir du bassin, grâce à la mobilité résiduelle du tronc et du membre inférieur non parétique. *3) Critère de perceptibilité: En station debout bipodale, le genou est remarquablement observable par le kiné, et également par le patient, même en cas de déficit kinesthésique, grâce à la comparaison en miroir avec le genou sain, qui peut jouer le rôle d'un senseur d'altitude dans les tâche faisant appel à un contrôle postural du bassin et du tronc. b) On sait de plus que le passage d'un attracteur à l'autre, passage du flexum au recurvatum durant la mise en charge unilatérale, ne peut se réaliser, chez l'hémiparétique, que de manière très brusque, incident articulaire très perceptible, (stimulation attentionnelle). On sait qu'on ne peut aussi clairement réafférenter le patient, par exemple, lorsqu'on recherche un meilleur contrôle de la verticalité du tronc, à moins de mettre en jeu un dispositif de rétro-information artificiel. C'est ici le problème du feed back "enrichi", naturel ou artificiel (plates-formes, orthèse de BONSAINCOME, etc.).
*4) Critères d'utilité: l'appui unilatéral sur le membre inférieur genou fléchi, en réduisant le freinage intempestif des muscles jumeaux, rend possibles d'autres affinements de la marche, notamment en favorisant le déversement antérieur du centre de gravité en fin de phase d'appui sur le membre parétique, et donc l'économie d'énergie liée à une meilleure continuité de la progression.
*5) critère d'improbabilité. Enfin, il parait clair que pour de nombreux patients , l'acquisition de l'appui en flexion du genou n'est pas très probable en l'absence d'une rééducation assez précise, (ce qui n'est pas le cas pour d'autres fonctions habiles, que le patient a toutes chances de récupérer à la longue spontanément, ou grâce aux programmes d'autres intervenants de l'équipe. Le kiné est sans doute, dans l'équipe, plus directement responsable d'une modification avantageuse de la boiterie spontanée en genu recurvatum, au moyen de stratégies d'apprentissage parfois assez "retorses", qui mettent en jeu différentes "boiteries thérapeutiques", : Je veux parler notamment de la "boiterie thérapeutique" orientée vers un abaissement coulé de la trajectoire du centre de gravité du corps durant la phase de double appui précédant la mise en charge unilatérale sur le membre inférieur parétique. **4).Les observations cliniques.
Le comportement posturolocomoteur est déterminé par une pluralité de facteurs, les symptômes sont surdéterminés, on doit toujours faire l'hypothèse pluricausale. *1)Troubles orthopédiques et trophiques. *2) Troubles du tonus et des réflexes. *3) Troubles du mouvement et de la sensibilité. *4) troubles neuropsychologiques. *5) Troubles affectifs motivationnels et d'adaptation personnelle. Mais au delà des "troubles", de l'inventaire des déficits, on doit, comme rééducateur, faire l'inventaire des points forts, des "habiletés résiduelles", des portes d'entrée plus ou moins largement ouvertes dans le système de contrôle du patient. En neurorééducation, le pathologique n'est pas un pur désordre, mais un ordre différemment régulé, dont nous devons tenter, même si c'est très hypothétique et simplificateur, d'analyser l'architecture modulaire(X.SERON) . Quelques exemples sur lesquels on pourra revenir: La déviation rigide du membre inférieur sain, "latéropulsion", à rapprocher de la rétropulsion observée en gériatrie. . Les troubles exprimés classiquement par de longues expressions composées (problématique de la dissociation et de l’association) , traduisant d'un seul coup ce qui est perdu et ce qui est épargné, comme La *dissociation automatico-volontaire, l’association de *l'habileté verbomotrice ££ corriger découplage posturogestuel en dissociation posturogestuelle ;et du *découplage posturogestuel££ conserver découplage posturo-émotionnel, désynchronisation entre incident postural et bouffée émotionnelle. et émotionnel, *L'effondrement en flexum des troubles du type négligence, basse vigilance, manque d'anticipation, (souvent cérébrolésés droits récents, ou cérébrolésés gauches très négligents et/ou détériorés. ) *Le récurvatum et l'habileté posturale des hyperanticipateurs anxieux et simplificateurs, (souvent cérébrolésés gauches récents, ou cérébrolésés droits plus tardifs.) **5) Les approches rééducatives. Pour essayer de "savoir où l'on va", on a intérêt à bien faire la distinction entre trois niveaux d'analyse de l'action rééducative *Le niveau des stratégies, des intentions thérapeutiques à long terme, comme par exemple le choix stratégique entre une approche visant la "restitution fonctionnelle", ou la "substitution fonctionnelle". *Le niveau des techniques spécifiques à un aspect clinique particulier, voir par exemple les approches fondées sur l'apprentissage de type "verbomoteur" ou de type "perceptuomoteur". Autre exemple, dans la rééducation locomotrice, a) La technique mettant en jeu une marche guidée analytique et lente dérivant directement du réentraînement préalable de la posture debout mobile, b)La technique de marche assistée rapide qui donne la priorité au déplacement à grande vitesse du corps entier, en remettant à plus tard la recherche d'un contrôle de la station debout autonome(par analogie, penser à l’apprentissage de l’écriture par opposition à celui de la bicyclette).
. *Le niveau des procédures de détail, les "tours de main". Importance d'une description précise de la position du kiné, de ce que voit et prévoit le patient, de la nature des points d'appui, des apports sensoriels et verbaux, en temps réel ou en différé, du climat affectif des séances, etc. Ces trois niveaux de description sont également importants, "le bon dieu est dans le détail", car c'est le détail (fermer les yeux, se taire, s'écarter d'un mur, etc.)qui change profondément les conditions physiologiques d'une technique et la fait basculer dans des conditions toutes autres, avec peut-être une efficacité toute différente. *On peut donner l'exemple de l'approche rééducative différenciée de l'extension précoce du membre inférieur, selon qu'il s'agit *d'une lésion cérébrale gauche récente, présentant une dissociation automatico-volontaire combinée à une relative habileté posturale: Dans ce cas, on pourra rechercher, chez un patient debout sans appui manuel, 'une "réaction" posturale, par une manœuvre rapide de transfert guidé du bassin au dessus du membre inférieur parétique, (technique Bobath classique. ) On pourra ainsi "obtenir" la première petite contraction du quadriceps et de ses synergistes extenseurs( premier petit contrôle de l'appui en léger flexum du genou) , alors que ce même patient pourra très bien demeurer incapable, et pour plusieurs semaines, de réaliser des extensions "volontaires" du genou dans le cadre d'une stimulation manuelle sur table(y compris selon l'approche de Kabat). On est alors dans un contexte d'apraxie idéomotrice et/ou idéatoire : le patient ne fait rien, ou fait "autre chose", par exemple gonfle les joues, souffle sur sa jambe, répète verbalement l'ordre de "pousser", mais ne peut agir "volontairement" sur son membre inférieur) . soit *Dans le cas d'une lésion cérébrale droite récente, conservant une habileté verbomotrice relative associée à un déficit postural marqué et un découplage posturo-émotionnel, :
La technique de l’ »estrade ».
approche de l'extension du membre inférieur dans un cadre verbomoteur et "gestuel", On demande au patient (debout, main droite appuyée sur le bord d'une table placée contre lui, à sa droite), de réaliser l'ascension du corps par une poussée du pied gauche sur une petite estrade, avec comme objectif de ce déplacement "volontaire" une arrivée assis (en amazone) sur le bord de la table . - Ici, l'exercice est "construit" par le kiné à partir d'un raisonnement indirect, on part de l'hypothèse que Le patient est davantage capable de réaliser l'extension du membre inférieur parétique, si son attention et son intention volontaire sont orientées spécifiquement sur une initiative gestuelle de ce membre, et entraînant un déplacement finalisé et perceptible du corps. , , Chez ce type de patients, on peut observer par contre l'incapacité, ou la grande difficulté à produire un maintien en extension antigravitaire du genou, lorsque cette activité est de type statique et postural, comme par exemple lorsqu'on oriente l'intention du patient vers le soulèvement du pied non parétique, dans un exercice d'appui standard sur le membre parétique. C'est dans ces cas qu'on peut invoquer l'extinction sensitive, l'héminégligence, la négligence motrice et ses contractions volontaires évanescentes et sous-dosées en intensité (cf. ce contrôle de l’intensité de la mélodie chez les musiciens dans cerveau droit, cerveau gauche) , la dissociation posturo-gestuel et le découplage posturo-émotionnel. revoir : Il faut parler au cerveau gauche le langage du cerveau gauche : le lésé droit perçoit mieux la partie que le tout, l’événement ponctuel que son contexte durable, les fréquences hautes que les fréquences basses, il perçoit mieux, comme on dit, l’arbre que la forêt, la forme que le fond (gestalt théorie ) le détail des éléments saillant au premier plan que leur position relative sur l’arrière plan, la partie isolée plutôt qu’en rapport avec le tout dont elle « fait partie », cf. les performances caractéristiques des lésés droits dans la copie de la figure complexe de Ray, dans cd,cg, » L'hémisphère gauche semble davantage impliqué dans l'identification des détails et des éléments intra-figuraux alors que l'hémisphère droit est plus impliqué dans l'orientation, la localisation et la dimension des stimulus.18 » . Le cérébrolésé droit est aussi plus habile à manipuler ce qui est nommable, facile à désigner verbalement, chouter dans ce ballon-, que ce qui est plus complexe et implicite , -transférer préalablement le poids du corps sur le pied gauche, prendre en charge tout le corps sur le seul membre gauche, anticipation posturale ou versant erismatique de l’action, afin de libérer le membre inférieur droit pour l’action dirigée vers un but, versant téléologique.
Dans cette problématique, le geste est du côté de la partie, et l’ajustement posturale du côté du tout, le geste est au premier plan, il attire l’attention verbale, alors que l’ajustement postural reste en arrière plan, dans l’implicite.
Pour entrer plus efficacement en relation avec le cerveau gauche privé des habiletés que lui apportait le cerveau droit, il faut lui faire percevoir l’ajustement postural comme un geste en lui-même, comme un événement visible, verbalement saillant et caricatural, et ne pas exiger d’emblée qu’il sache le réaliser comme une activité implicite et demeurant en arrière plan de son attention.
On peut rapprocher la technique de l’estrade de la stimulation verbale d’un geste fictif, mais verbalement accrocheur de « toucher le plafond avec les cheveux » utilisé chez Azru pour lutter contre l’effondrement de son genou en phase d’appui de la marche rapide.
Dans ces deux techniques , on essaye d’obtenir du cerveau gauche un effort d’extension du membre inférieur plus intense que ce à quoi le patient, négligent perceptif et moteur, s’attend à devoir produire dans ce genre de situation.
Dans les techniques conventionnelles de transfert du poids du corps en station debout, le passage de relai entre les deux membres portants est parfaitement progressif et donc dépourvu de tout incident qui pourrait accrocher l’attention, ce qui permet d’approcher ce que cette action présente de difficulté pour le cérébrolésé droit, et nous rend moins paradoxal l’approche technique consistant à commencer par gravir une marche d’escalier avant de simplement marcher en terrain plat.
**En conclusion, * Importance de ne pas considérer seulement les mouvements réalisés, les "schèmes" au sens de la rééducation neuromusculaire classique, mais aussi les conditions neuropsychologiques de production de ces mouvements: Considérer le comportement total, et pas l'abstraction spatio-temporelle qu'on appelle "le mouvement", ou l'abstraction structurelle qui parle de muscle, tel que l'extenseur "de service", le quadriceps. * Cette rééducation adopte la stratégie de "substitution fonctionnelle", recherchant d'abord les systèmes fonctionnels préservés par la lésion, ce qui n'est pas pour autant une capitulation, par rapport aux techniques classiques, apparemment plus ambitieuses. En fait, on cherche réellement à obtenir le franchissement de certains seuils fonctionnels irréversibles, et cela implique une grande technicité, mais pas la même réflexion ou la même habileté manuelle que lorsqu'on pratiquait Kabat. Quant-à Bobath, on montrera ultérieurement que si sa stratégie de restitution était trop ambitieuse, ses techniques de mobilisation active globale du corps entier, en revanche, sont en grande partie réintégrées dans la perspective présentée ici. ££ seconde partie.
Apprentissage du contrôle de la mise en charge genou fléchi, chez les hémiplégiques âgés récents. Pour comprendre le sens général de cette approche technique, on reviendra sur la théorie de BERNSTEIN concernant le contrôle moteur humain, et sur la notion d'"attracteur", qui est particulièrement éclairante dans le cas du genou des hémiplégiques. Introduction. Après avoir, dans le texte précédent, posé le problème suivant: Comment décidons-nous d'appliquer une technique rééducative connue, pour une certaine catégorie de patients, et dans quel domaine de leur comportement moteur, Nous devons poser un second problème: Dans quel cadre théorique, selon quels critères, pouvons-nous élaborer une technique rééducative originale, adaptées plus précisément à un patient singulier. L'idée développée ici est que la conception implicite que nous avons du fonctionnement du corps humain peut avoir des conséquences importantes sur les exercices que nous imaginons, ce qui accroît l'intérêt, pour nous, d'avoir une théorie explicite sur la question. 1) La théorie de BERNSTEIN. On peut citer KELSO 1982, dans un chapitre collectif consacré au contrôle moteur humain. Une théorie propose toujours des réponses claires, à une question fondamentale, elle même posée le plus clairement possible. Début de citation de Betty TULLER 1982 résumant la thèse de N.BERNSTEIN : "Comment les nombreux degrés de liberté du corps peuvent-ils être régulés systématiquement, dans des contextes variables , par un exécutif minimalement intelligent , intervenant minimalement ?" fin de citation. Cette citation très dense mérite un commentaire. a) Le premier point important pour le rééducateur, est que cette théorie tente de poser le problème du mouvement humain totalement , en intégrant dans la même réflexion le "corps", et son "exécutif", soit, dans un autre langage, le point de vue biomécanique et le point de vue neuropsychologique. Ce n'était pas le cas, par exemple, pour les approches de SHERRINGTON ou de MAGNUS, qui partaient d'un modèle d'organisme privé d'une partie de son exécutif, l'animal "décérébré». On sait que les approches rééducatives dites "neuromusculaires" étaient essentiellement encadrées par la vision "stimulus-réponse, de la neurophysiologie classique. b) Autre aspect moderne de cette théorie, BERNSTEIN introduit, au delà du couple traditionnel: Structure-Fonction de Claude BERNARD, , (les "nombreux degrés de liberté du corps", qui sont "systématiquement régulés"), un troisième terme, qu'on peut désigner comme le point de vue écologique, : les "contextes variables" dans lesquels l'homme évolue. c) Enfin, BERNSTEIN propose à l'effort scientifique de reconstituer le puzzle gigantesque et tout à fait paradoxal et étonnant du comportement moteur humain, sans pour cela reprendre à son compte certaines facilités théoriques de la pensée classique sur la division du travail entre "esprit" et "corps, ainsi qu'un ensemble de théories "cognitives" illustrées notamment par ADAMS et SCHMIDT", : Il met en valeur un double paradoxe: a) d'une part, un contraste entre le caractère "systématique" de l'ordre apporté au système par la "régulation, "et les "nombreux" degrés de liberté, dans des contextes "variables", soit une énorme masse d'événements d'une étonnante complexité b) et, d'autre part, l'étonnante complexité des événements ainsi "régulés», et unifiés biologiquement, contrastant avec le caractère "minimal" de l'intelligence, et de la prise de contrôle "individuel" de l'exécutif conscient indispensable (et suffisant) à cette unification. * Importance de la théorie de BERNSTEIN pour le rééducateur. Il faut bien saisir l'intention scientifique de BERNSTEIN, car elle peut servir de modèle à une approche neurorééducative qui cherche à bien cadrer son action sur la réalité: Par le passé, (et encore actuellement chez les élèves kiné que nous "formons"), on a souvent pratiqué une manipulation théorique implicite afin de plus facilement résoudre le casse tête de BERNSTEIN, 1) soit, en direction du corps, en réduisant le nombre des degrés de liberté du système, ( par exemple, en ne voulant considérer que le couple agoniste-antagoniste, comme dans certaines techniques de Kabat, pourtant déjà très "globaliste" par ailleurs), 2)soit en direction de l'"exécutif", en attribuant au "contrôle volontaire "et à la perception des "information "afférente consciente un pouvoir exorbitant d'effectuer des calculs rapides simultanés en temps réel, (comme chez C.PERFETTI). 3) Soit, en direction du contexte, en méconnaissant la variété des situations concrètes dans lesquelles les contenus de l'apprentissage doivent pouvoir être "transférés". , *Note. Il ne faut pas faire un contresens sur le concept d'un exécutif "minimalement intelligent" intervenant "minimalement". BERNSTEIN ne veut pas dire que l'humain est idiot, il veut dire seulement qu'il est doté d'un extraordinaire équipement d'automatismes, et que, pour bien comprendre, expliquer comment fonctionnent ces automatismes, il ne faut pas commencer par attribuer ce qui se passe dans le système moteur à une entité fantomatique qui tirerait les ficelles, tel que le petit "homonculus" qu'on plaçait jadis dans la tête pour expliquer le mouvement volontaire. Il faut déblayer une fausse explication pour commencer à rechercher les explications plus fidèles aux faits. D'autre part, BERNSTEIN n'exclut pas que l'humain soit capable de placer "sous contrôle individuel" des sous-unités très petites du système moteur, comme c'est le cas, par exemple, lorsqu'on sélectionne volontairement (grâce au feed back EMG, une seule unité motrice parmi les unités voisines (BASMADJAN): Ce pouvoir de pénétration (motrice et perceptuelle), attentive et sélective à l'intérieur de notre organisme existe, il a ses limites, mais il faut voir qu'il n'est pas requis en permanence, bien au contraire, dans les conditions habituelles de fonctionnement du système moteur. BERNSTEIN propose donc, en bonne méthode, qu'on cherche à expliquer les automatismes sans recourir au départ à la mise en jeu maximale d'un exécutif maximalement intelligent, (ou, aussi, maximalement informé. * Pour montrer l'intérêt de ces concepts théoriques comme arrière plan nécessaire à la mise au point d'exercices pertinents en neurorééducation, il n'est pas inutile de perdre un peu de temps par un détour dans la littérature française.*µCe qui va nous intéresser ici, c'est une description qui aurait pu n'être que cinématographique, des gestes et des postures d'un être humain, alors que nous tombons brutalement sur une audacieuse divination des processus intime à l'œuvre dans la machine humaine. L'auteur, CLAUDE SIMON,(prix Nobel de littérature), ne connaissait sans doute pas le travail que BERNSTEIN réalisait à la même époque. Etonnante convergence entre la littérature et la science, subtilité du romancier, qui démontre en quelques mots une clairvoyante intuition des problématiques neurologique et cognitive de son temps, décrivant tout à la fois la coordination des actions musculaires automatiquement adaptées au contexte, coopérant dans une relation mutuelle hétérarchique, et la conduite simultanée d'actions perceptives multi-orientées, subconscientes et autonomes, et pourtant convergentes et unifiées autour de la même pulsion biologique d'autoconservation. Début de citation de Claude SIMON: (il s'agit d'un militaire traqué qui est en train de sauver sa peau grâce à une retraite acrobatique. ) "... Georges ne répondant toujours pas, commençant à reculer le long de la haie sans quitter un seul instant des yeux le coin de la maison de brique là-bas, obscure entre les ténébreuses branches des pommiers : mais il ne passait plus de camions maintenant et tout ce qu'il pouvait voir c'était la tache claire que faisait le chiffon rose accroché à la haie, non loin du cheval, mais pas le cheval, et pas la sentinelle non plus, seulement la tache rose luisant faiblement dans la pénombre, puis même plus le chiffon parce qu'ils avaient franchi encore une autre haie, toujours à reculons, la tête toujours tournée du côté de la route, se heurtant du dos à la haie, la main tâtonnant derrière eux, levant la jambe, un moment à cheval sur la haie, le buste couché dessus, et retombant de l'autre coté sans qu'un seul instant ils aient cessé de surveiller l'angle de la maison, leurs têtes et leurs corps absorbés pour ainsi dire par des problèmes différents, agissant chacun pour leur compte ou, si l'on préfère, se répartissant les tâches, leurs membres accomplissant spontanément et sous leur propre autorité et contrôle la suite des mouvements auxquels leurs cerveaux ne semblaient pas prêter attention, la nuit presque complète à Présent. " fin de citation de C. SIMON. * La théorie de BERNSTEIN pose la bonne question. Pour faire écho à ce texte littéraire, on peut citer Kelso 82 qui distingue clairement une conception naïvement hiérarchique, aux conceptions plus hétérarchiques de l'approche de BERNSTEIN: . Début de citation: "Par la nature même du système nerveux , il n'est pas possible que les impulsions venant du cortex et allant vers les muscles, soient transmises fidèlement , c'est à dire sans modification . La moelle spinale ne relaie pas simplement les instructions provenant du cerveau : Quelles sont les influences non corticales qui s'exercent sur les motoneurones qui constituent les segments neuraux finaux entre le cerveau et les muscles? A l'intérieur de la moelle spinale , il existe un grand nombre d'entités neurales appelées -interneurones- , qui interconnectent les parties de la machinerie spinale . Les interneurones se connectent avec d'autres interneurones à l'intérieur d'un segment de moelle spinale , et entre ses différents segments (étagés). Ces connections horizontales et verticales entre les interneurones , donnent à la moelle spinale une intégrité et une organisation propre . Agissant sur n'importe quel interneurone , il y a des inputs provenant d'un grand nombre de localisations de la moelle spinale : L'état de la moelle spinale déterminera ce qui se produit effectivement au niveau du motoneurone . Par conséquent , le signal vers le motoneurone ne dépend pas uniquement du message provenant du cortex : Le motoneurone est sensible à , mais pas -soumis au signal provenant du cerveau . Le point crucial , c'est que nous ne voulons pas concevoir les mécanismes supra-spinaux comme dominant les mécanismes spinaux . La moelle spinale et le cerveau sont liés l'un à l'autre comme deux diagnosticiens, deux personnes hautement qualifiées , essayant de résoudre un problème . Ce n'est pas l'un d'eux qui commande à l'autre . Leur relation est celle de deux experts coopérant au problème" fin de citation * Le couplage posturo-gestuel, exemple de coopération hétérarchique. Autre passage de Kelso 82, évoquant le couplage posturo-gestuel: "Dans la perspective poursuivie dans ce chapitre et les deux précédents , les sous parties des systèmes de perception et d'action sont pensées en termes de pièces de puzzle , qui sont faites pour s'emboîter les unes dans les autres . Examinons cette congruence dans les deux systèmes à grande échelle : 1.Le système de préservation de la posture . 2.Le système de transport . Le premier système définit une classe de mouvements qui sont concernés par le maintien du corps redressé . Surimposés sur ces mouvements posturaux , il existe des mouvements du corps et des parties du corps par rapport aux parties de l'environnement , on les appelle mouvements de transport . Toute activité est accomplie en termes de ces deux classes de mouvements . Vous êtes sensibles au fait que les mouvements sont possibles étant donné votre état postural : Par exemple , vous appréciez que vous ne pouvez pas frapper une balle de tennis si votre corps est en train de rouler sur la pelouse . Pour frapper effectivement la balle , il est requis une posture plus redressée (!)... Mais chaque fois que vous bougez , ce mouvement agit pour perturber la posture redressée : Vous devez être sensible à ce que vous pouvez faire pour rester droit . Vous avez une certaine compréhension de la limite jusqu'où vous pouvez aller sans tomber . En bref , en produisant des mouvements de transport , vous respectez ce qu'on peut appeler la région de réversibilité , une région dans laquelle pour tout mouvement que vous faites et qui perturbe votre équilibre , il y a un autre mouvement que vous pouvez faire , et qui restaure votre équilibre " fin de citation de Kelso 82. * Pas de hiérarchie entre posture et mouvement. Enfin une dernière citation de Kelso 82 qui précise bien la théorie de la "dominance libre": "début de citation Etant donné un système conçu pour maintenir la posture redressée , on doit choisir des mouvements de transport qui ne violeront pas la région de réversibilité . Pensez de nouveau à une activité comme le jeu de tennis : , (une habileté ). : Le joueur doit choisir des mouvements de transport par rapport à la région de réversibilité pour cet acte , et découvrir les conséquences posturales des différents mouvements de transport . Une certaine action pour amener un coup "for hand" µ aura certaines conséquences pour la relation posturale du joueur avec l'environnement . Ce qui définit la région de réversibilité est spécifique à l'habileté réalisée au niveau de la main . Les mouvements de transport doivent être "taillés sur mesure" pour le système de préservation de la posture . De la même manière , le système de préservation de la posture, est taillé sur mesure pour les mouvements de transport . Toutes les fois que vous faites un mouvement de transport , il est anticipé par des ajustements du reste du corps qui garantissent que le mouvement ne perturbera pas l'équilibre global . Quand vous levez votre bras à l'épaule , le premier signe d'activité dans les muscles adéquats du bras , est précédé par des changements d'activité des groupes musculaires de la jambe et du dos . (BELENKIY 1967) Différents mouvements de transport sont précédés par différents ajustements posturaux ; tout mouvement de transport est anticipé par exactement les ajustements nécessaires à la préservation de la posture . Ainsi , les systèmes de transport et posturaux se contraignent l'un l'autre : La relation entre ces deux systèmes n'est pas que l'un commande ou domine l'autre , mais ils sont dans une relation qu'on peut appeler dominance libre " fin de citation de KELSO 82. Fin de la deuxième partie. ££ Marche précoce des hémiplégiques, troisième partie. notion d'attracteur, comment concrétiser cette théorie en pratique neurorééducative. Avant d'aller plus loin, voyons comment BERNSTEIN répond lui-même à la question qu'il pose: "Comment les nombreux degrés de liberté du corps peuvent-ils être régulés systématiquement, dans des contextes variables , par un exécutif minimalement intelligent , intervenant minimalement ?" fin de citation. Suite de la citation de KELSO 1982, rapportant la théorie de BERNSTEIN: "Une hypothèse raisonnable, est que la nature résout ce puzzle, en ne conservant qu'un minimum de degrés de liberté sous contrôle individuel, et en utilisant des unités , définies sur l'appareil moteur , qui s'ajustent automatiquement les unes aux autres , et aux changement dans le champ des forces externes " fin de citation de : Comportement moteur humain, La perspective de BERNSTEIN, Syntonisation de structures coordinatives avec référence spéciale à la perception. . FITCH H.L., TULLER B., TURVEY M.T. The Bernstein Perspective: Tuning of Coordinative Structures with Special Reference to Perception. In: HUMAN MOTOR BEHAVIOR: An Introduction. J.A.S.KELSO ed. L.ERLBAUM Ass.Publish, 1982, Hillsdale, New-Jersey.273-281 * La réponse théorique de BERNSTEIN. Cette réponse théorique réclame elle aussi un commentaire. Si la "nature" a réussi le miracle de rassembler ce gigantesque "puzzle", c'est que l'exécutif conscient, minimalement intelligent, a la possibilité de ne pas intervenir directement et au niveau élémentaire (le contrôle "individuel" des degrés de liberté), pour contrôler les innombrables actions résultant de l'interaction des degrés de liberté du corps et des variations du contexte environnemental des actions. La nature a structuré l'organisme en un ensemble d'"unités", de sous-systèmes coopératifs, les "structures coordinatrices, "qui sont agencées de manière à s'accorder, se syntoniser (tuning), de manière automatique, un peu comme le tuner d'une chaine HF s'accorde sur une certaine fréquence radio. Cette syntonisation automatique résulte de l'arrangement interne du système vivant, et travaille à la fois entre les sous-systèmes internes au corps, et entre ces sous-systèmes et le milieu extérieur ("les changements dans le champ des forces externes"), environnement inséparable de l'organisme, (puisque le vivant n'est ce qu'il est que dans un milieu écologique donné). Un bon exemple de cette mise en accord de deux sous-systèmes moteurs : ce que je propose d'appeler Le couplage posturo-gestuel. Ce qu'il faut bien voir ici, c'est qu'en l'absence de cette possibilité de «minimisation" du "contrôle individuel «il n'y aurait pas de contrôle du tout, le système nerveux n'est pas construit pour travailler autrement, notamment, l'échelle de vitesse de gestion des 'informations conscientes est de l'ordre de la seconde, alors que l'échelle de traitement des interactions neuronales motrices sont de l'ordre de la milliseconde. Ces considérations vont nous orienter dans certains de nos choix pratiques: A)la sélection de conditions spécifiques d'entraînement moteur de nos patients, B) lorsque nous devrons apprécier le caractère "fonctionnel" ou purement décoratif d'une motilité mise en évidence, chez un patient donné, par une situation donnée de test clinique. (ici, revoir les questions et objections de M.TRIVES et L.MAYNARD sur le type d'intervention de l'"exécutif" au cours des apprentissages, notamment chez l'enfant, et non plus lors de l'activité habituelle voir notamment aussi à ce sujet l'article de HAUERT, les praxies chez l'enfant, cité plus loin.) Les "attracteurs" au niveau du genou. * Un attracteur est un système matériel monté de telle sorte qu'il admette une variabilité, des mouvements, des degrés de liberté, mais aussi qu'il tende à rejoindre un certain point d'équilibre, quel que soit le point de départ loin de l'équilibre où on l'a abandonné. Exemple de la bille dans un bol: Le système admet une infinité de trajectoires de la bille, mais, quoi qu'il arrive, il se stabilise finalement dans un état identique: la bille au fond du bol. µµµ * Les cognitivistes commencent à se poser des questions.. On peut se référer à une analyse de A.HAUERT :
Début de citation de A.HAUERT, dans l'Apraxie, par Legal et AUBIN. " IL s'agit de la théorie des systèmes dynamiques qui suggère que l'organisation des mouvements est une propriété émergente du système perceptivo-moteur, donc qu'elle ne dépend pas de processus cognitifs de traitement de l'information. Une façon simple d'entrer en matière sur cette perspective consiste à emprunter l'image suivante à Kugler (1986). Si l'on place une bille dans un bol arrondi et qu'on la lâche le long d'une de ses parois, elle sera attirée vers le fond du bol, quel que soit d'ailleurs son point de lâcher. Après quelques oscillations qui la feront remonter et redescendre, elle se stabilisera au fond du bol. Or, on remarquera que le comportement de la bille est très comparable à celui d'un sujet humain visant une cible, comme par exemple le sujet de l'expérience évoquée ci-dessus : Il ira rapidement dans la région de la cible, oscillera éventuellement une ou deux fois de part et d'autre de cette cible, puis se stabilisera. Pourquoi dès lors attribuer au sujet humain des capacités de calcul, de contrôle et de correction qu'il ne viendrait à l'idée de personne d'attribuer à la bille. Le comportement du sujet humain peut tout à fait économiquement être décrit comme celui de la bille : le fonctionnement du système est déterminé, par l'effet d'un attracteur vers lequel il tend naturellement à se stabiliser. (Pour accepter ce raisonnement, et c'est précisément ce qui pose problème du point de vue des conduites psychologiques, il faut oublier pour l'instant que le sujet peut très bien décider de s'arrêter à côté de la cible, pour une raison ou pour une autre ! En d'autres termes, si le comportement de la bille est strictement déterminé par les contraintes physiques auxquelles elle est soumise, le sujet humain a quant à lui une quasi infinité de façons d'atteindre ou de ne pas atteindre une cible.) Imaginons maintenant que des perturbations sont appliquées au système bille-bol. Deux cas de figures se présentent. Soit, après ces perturbations, la bille retourne à un état stable au fond du bol, soit elle sort du bol. Dans ce dernier cas, son comportement aura présenté un bruit tel qu'elle aura échappé à l'attracteur. Il s'ensuit qu'elle se stabilisera alors sur un nouvel attracteur, après ce que les dynamiciens appellent une transition de phase. Une transition de phase exprime donc l'effet d'un paramètre de contrôle (les perturbations) sur un paramètre d'ordre (le comportement observé) dont il augmente l'instabilité. Enfin, la diminution de cette instabilité rend compte du fait que le paramètre d'ordre est soumis à un nouvel attracteur. L'illustration expérimentale la plus simple et la plus classique de tels processus dans le domaine moteur est due à Kelso et collaborateur. (1986). Ils font effectuer à des sujets adultes des mouvements simultanés opposés et répétitifs de flexion-extension des poignets (flexion gauche/extension droite, extension gauche/flexion droite, etc. ... ). Au début de l'observation, le sujet produit ses mouvements à une fréquence spontanée. La consigne lui demande ensuite d'accélérer continuellement cette fréquence. Le paramètre d'ordre mesuré est la phase relative entre les deux mains : si un mouvement de flexion/extension décrit un cycle de 360 °, la phase mesurée entre les mains au début du protocole est proche de 180 °. Lorsque le paramètre de contrôle (la fréquence des de phase caractérisée par une augmentation de la variabilité de la phase entre les mains, puis par une stabilisation du comportement autour d'une phase de 0 °. La phase de 0 ° constitue un attracteur plus puissant que la phase de 180 °. on remarquera que la transition de phase est irréversible et a lieu à l'insu du sujet, voire contre son gré. Son système moteur présente ainsi un fonctionnement incompatible avec l'idée de l'existence d'un programme sous-jacent, correctement paramétré en fonction de la consigne. De tels effets sont très robustes et ont été largement documentés pour ce qui concerne essentiellement des activités répétitives. Ils montrent bien comment le fonctionnement du système moteur, ou du moins certains de ses aspects, peut être décrit en faisant l'économie de l'appareillage théorique des conceptions instructionnelles. L'apprentissage et le développement sont considérés par les dynamiciens comme le passage d'un pattern comportemental stable à un autre pattern stable sous l'effet de la variation d'un paramètre de contrôle (par exemple l'âge, la vitesse des mouvements, ou les masses corporelles). " fin de citation de HAUERT, Les praxies chez l'enfant, Evaluation Interprétation, dans l'ouvrage collectif : L'Apraxie, de Le Gal et Aubin. * * La théorie dynamique du contrôle moteur, résumée par SEMJEN (1994). . Début de citation de SEMJEN: " L'approche dite "dynamique" du contrôle et de la coordination des activités motrices avait inspiré, depuis une quinzaine d'années, des critiques, parfois virulentes, de la notion de programmation motrice. Trois type d'arguments furent avancés. $d$ $(a) Si le programme moteur est une représentation symbolique, comment ce symbolisme, par essence pauvre en détails, parvient-il à imposer aux systèmes effecteurs les innombrables configurations qui peuvent exister dans leur fonctionnement dynamique (Cf. $ref$ Turvey et Kugler, 1984) ? $(b) Même en admettant la possibilité que la coopération harmonieuse entre les différents segments du corps, leur coordination, soit représentée dans un programme, on est loin de pouvoir résoudre l'énigme de l'origine de cette information. D'où vient-elle ? En postulant qu'elle est extérieure au système observé, on prend le risque de devoir réitérer cette question jusqu'à l'infini $d$ $ref$ (Kugler et Turvey, 1987). $(c) Les échanges perceptifs et comportementaux avec le milieu naturel permettent aux êtres vivants de trouver toutes les informations nécessaires à la sélection et au contrôle de leurs mouvements. Ainsi, on peut faire l'économie de l'hypothèse selon laquelle des "représentations" prendraient en charge l'organisation du mouvement (Cf. Gibson, 1979). A ces critiques fut assortie $d$ la proposition d'une perspective différente de celle de l'approche cognitive : "Les systèmes naturels sont constitués d'un ensemble d'oscillateurs couplés et en interaction mutuelle. L'ordre spatio-temporel est une conséquence de ce fait. Cette façon de voir ... diffère remarquablement $d$ d'une conception de la programmation selon laquelle il existe une prescription a priori qui est indépendante du comportement du système et en constitue l'antécédent. L'ordre est considéré comme une propriété émergente, comme un fait a posteriori, qui dépend de la dynamique du système" (Kelso, 1981) " fin de citation de SEMGEN?, Approches cognitives de l'organisation du mouvement humain, dans l'ouvrage collectif L'apraxie, de Le Gal et Aubin. Importance des concepts d'instabilité et de stabilité. Kelso 84, dans de la citation de S.KELSO et B.TULLER, UNE BASE DYNAMIQUE POUR LES SYSTEMES D'ACTION. Manuel de sciences cognitives, sous la direction de GAZANICA, 1984. .* Justification de ces détours théoriques. On doit pousser l'approche théorique suffisamment loin pour en tirer des conséquences pratiques, et notamment pour des décisions ou des interprétations cliniques ; il n'est pas inutile de s'arrêter un instant sur les concepts, envisagés du point de vue du physicien, qui cherche avant tout à situer les phénomènes en fonction des manipulations, des mesures, et des prévisions qu'il peut opérer à leur propos: il s'agit d'une attitude éminemment interventionniste, qui doit dire quelque chose à ces autres interventionnistes que sont ceux qui soignent. * La définition de MAXWELL des concepts de stabilité et d'instabilité. En 1876, MAXWELL écrivait: «Quand l'état des choses est tel qu'une variation infiniment petite de l'état présent n'altérera l'état futur que d'une quantité infiniment petite, l'état du système, au repos, ou en mouvement, est dit stable. Mais quand une variation infiniment petite de l'état présent peut causer une différence finie en un temps fini, la condition du système est dite instable. Il est évident que l'existence de conditions instables, rend impossible la prévision d'événements futurs, si notre connaissance de l'état présent est seulement approchée, et non exacte". fin de citation, dans R.THOM, Paraboles et Catastrophes: Entretiens sur les mathématiques, la science et la philosophie, Flammarion, 1983). * Une expérience gymnique interprétable en termes d'attracteurs. Faute de moyens d'analyse plus quantitatifs, nous décrirons une petite expérience gymnique en essayant d'en tirer tous les enseignements: Le sujet, se place en station debout unipodale, l'équilibre assuré par un appui manuel à une barre d'espalier. Il s'agit d'un sujet (sain) un élève kiné par exemple(!!), entrainé à observer et ressentir ce qui se passe dans son corps et son esprit au cours des activités posturo-gestuelles.. Le sujet, placé dans cette position de départ dans laquelle il conserve une altitude constante de son centre de gravité, (maintien naturel de la station debout), , va observer ce qu'il se passe lorsqu'il joue à entrer et sortir du recurvatum, par de petits mouvements avant-arrière du genou porteur. Ces petits mouvements alternés du genou sont réalisés dans une certaine attitude motrice, que nous définirons comme suit: Le sujet cherche à se mouvoir avec le moins possible d'"effort volontaire", et notamment en minimisant le plus possible l'accompagnement tonique postural de ce geste de va et vient: Il pense à mobiliser son genou, mais en "laissant aller" totalement son genou en charge du poids du corps dans le champ de la pesanteur. A partir de la position zéro du genou, (alignement strict en rectitude du tibia et du fémur), nous laissons partir l'articulation en recurvatum: il s'agit d'une brève chute libre brusquement bloquée par la tension des ligaments, au "point bas "du genou, (, on pense à l'analogie de la bille qui roule au fond du bol dans le système bol-bille. ) *Puis, dans le retour du mouvement vers l'avant, nous notons : 1) dès la sortie du recurvatum, nous franchissons très rapidement la position de rectitude du genou, (sans freinage tonique, puisque nous avons décidé de minimiser notre participation posturale continue ,). 2) puis, 'une chute libre s'amorce, vers la flexion du genou, chute elle même brusquement bloquée par une contraction statique très sèche du quadriceps, (peut-être aussi d'autres muscles),dans une position légèrement fléchie qui est toujours (à peu près) identique à chaque essai. Fait important au niveau psychologique, nous ressentons que la stabilité de ce blocage musculaire du genou en légère flexion est aussi parfaite, et subjectivement pas nettement plus coûteuse en effort que celle obtenue par l'appui ligamentaire du recurvatum, qui comportait pourtant une relaxation du quadriceps (testable par mobilité latérale de la rotule). *(note sur le rôle éventuel d'autres muscles, comme par exemple le triceps: Ce dispositif de blocage antérieur ne semble pas reposer essentiellement sur le triceps, mais plutôt sur le quadriceps. Il est vrai que pied à plat au sol, le triceps est en situation de freiner la bascule en avant du tibia, comme l'a bien expliqué J.GUERIN dans son étude de la marche, cf. sa thèse de doctorat 1988. Mais on peut encore vérifier sur soi-même le parfait fonctionnement de ce système de blocage en légère flexion du genou, lorsqu'on est debout au sol sur la pointe des pieds, ou les pieds à plat, mais sur un plateau de frieman axé transversalement, , soit des conditions où l'action disto-proximale du triceps sur le genou est supprimée). *On a ici l'impression que durant ce jeu postural (en condition d'intervention minimale de notre exécutif conscient), notre cerveau, (façon de parler), se fie autant, pour préserver la station debout, à cette position "active" en légère flexion du genou, qu'à la position d'hyperextension. "passive" en appui ligamentaire. De plus, cette confiance dans la fiabilité du blocage musculaire antérieur parait liée au fait que nous "assistons un peu comme des spectateurs " à la contraction automatique de notre quadriceps, plutôt que nous ne la commandons activement: Notamment lorsque nous agissons rapidement, nous avons le sentiment paradoxal et pourtant familier que nos mouvements s'effectuent sans être conduits degrés par degrés par notre propre volonté, mais qu'ils vont leur chemin, qu'ils "font ce qu'il faut" étant donnée la situation de notre organisme,, (compte tenu de notre intention initiale qui, rappelons-le, consistait à mobiliser alternativement notre genou tout en maintenant naturellement la station debout à altitude constante du centre de gravité). * Blocage du genou et locomotion. On notera aussi que durant la marche en terrain plat, le genou adopte également cette position légèrement fléchie à l'instant du passage en appui unilatéral(ce qui a pour effet de réduire un peu l'altitude du centre de gravité du corps à un instant où le membre inférieur portant, vertical, se trouve au sommet de sa course d'arrière en avant cf. GUERIN 88). * Les deux dispositifs de blocage du genou. Notre genou dispose ainsi de deux systèmes de blocage, en deçà et au delà de la position zéro, et nous pouvons le faire "jouer entre ces deux butées, sans freiner le mouvement , sans le conduire par un accompagnement tonique. Mais nous pouvons aussi, "à volonté", décider que nous allons passer de manière fluide et sans ressaut, très lentement ou à diverses vitesses, de l'hyperextension à la rectitude puis à divers degrés de flexion. La butée antérieure, (musculaire), disparaît alors totalement: la flexion du genou se prolonge sans incident en conduisant le centre de gravité du corps vers le bas: notre genou peut donc adopter instantanément deux modes différents de fonctionnement, l'un destiné à la préservation de la posture redressée standard, l'autre servant au mouvement d'abaissement du bassin.
Il nous parait que l'angle de butée antérieure est établi de manière à permettre la conservation d'une certaine altitude du centre de gravité, comme si l'organisme avait trouvé une "bonne" position de compromis entre a) La préservation de l'altitude de g, (préservation de la posture redressée en rapport avec un impératif d'économie énergétique), et, b) Une position articulaire admettant un débattement bidirectionnel, apportant un avantage mécanique, utilisé par exemple au cours de la marche pour compenser les petits changements d'altitude de g liés à l'ouverture et la fermeture du compas des membres inférieurs( extension du genou à l'attaque du talon, légère flexion lors du passage à la verticale , cf. GUERIN 88.
* Il est intéressant de comparer ces deux attracteurs: Le récurvatum est très stable, mais il s'accompagne d'une relaxation musculaire, notamment au niveau du quadriceps, ce qui peut être un facteur de retard à la mise en jeu d'actions rapides. Différemment, l'attracteur antérieur place la musculature dans un état de contraction permanente, avec sans doute comme conséquence un système neuromusculaire plus en alerte pour entreprendre d'autres actions (on pense à la position de garde des judokas) D'autre part, le recurvatum interdit le débattement arrière, par définition, ce qui correspond à une limitation importante de la liberté d'action: cet attracteur n'est donc pas couramment utilisable pour préparer n'importe quel mouvement. Il est mis en jeu plutôt dans des situations de repos attentionnel relatif, station debout prolongée, (les enfants dans la cour de récréation, les badauds, penser aussi aux chevaux, qui dorment debout grâce à un genou bloqué passivement). *L'attracteur musculaire et l'exécutif conscient. Faisons à présent fonctionner notre capacité de "pénétration" consciente (PAILLARD) de ce mécanisme automatique: Nous ressentons clairement que l'arrêt dans la position de légère flexion du genou n'exige pas une intense mobilisation de notre exécutif conscient, mais au contraire, qu'il existe, au sein de notre système moteur, un automatisme tout monté pour que toutes sortes de mouvements puissent venir se bloquer à cette amplitude de légère flexion, (tout comme les trajectoires de la bille , quelle que soit leur point de départ, rejoignent finalement le fond du bol. Ce fonctionnement de type "attracteur" est surtout évident lorsqu'on passe du recurvatum à la flexion: On ressent nettement la brusque entrée en jeu du quadriceps, sensation d'une butée qui semble s'imposer à nous, et nous dispense totalement de décider de l'instant et du point de l'amplitude où nous allons stopper. Cette impression est beaucoup moins nette lorsqu'on vient d'une position fléchie du genou, et qu'on remonte activement vers l'extension( dans ce cas, il n'existe pas de brusque variation de l'état du quadriceps, mais une modification progressive, imperceptible de sa force de contraction : pourtant, l'arrêt se fait bien au même angle, soit d'emblée, soit après une première butée en recurvatum, suivie d'un retour à cette position de légère flexion. *Une "contrainte temporaire". Le blocage antérieur en légère flexion du genou se présente comme un mécanisme flexible, présent transitoirement lorsqu'on en a besoin: Il s'agit d'un automatisme qui n'est opérationnel que dans les conditions de mise en charge du poids du corps sur le membre inférieur, lorsque notre "intention" explicite ou non, est de rester debout. Citons à ce propos Kelso 84, qui pointe ici un caractère essentiel des automatismes moteurs, appelées "structures coordinatives": "Les structures coordinatives sont des unités d'action, centrées sur les aspects fonctionnels du mouvement. Les contraintes sont supposées survenir temporairement, et expressément, pour des buts de comportement particuliers(BOYLLS 75, FITCH et TURVEY 78). Les mêmes degrés de liberté, peuvent être contraints de différentes façons, pour accomplir différents buts, et différents degrés de liberté, peuvent être contraints à obtenir le même but . Ainsi, les structures coordinatives sont des unités significatives, non en vertu des degrés de liberté qu'elles partagent, mais par leur capacité d'atteindre un but commun". fin de citation de Kelso 84. Réfléchissons avec un peu de recul: Cette notion permet, remarquons-le, de répondre à l'objection présentée par HAUERT dans Les praxies chez l'enfant 94, où il affecte de comprendre, en prenant à la lettre l'analogie de l'attracteur bille-bol, que pour Kelso, le mouvement est purement déterminé par des contraintes physiques, : citation de hauert: "si le comportement de la bille est strictement déterminé par les contraintes physiques auxquelles elle est soumise, le sujet humain a quant à lui une quasi infinité de façons d'atteindre ou de ne pas atteindre une cible" fin de citation. Il reste sans doute à élucider les rapports entre l'"exécutif" et les structures coordinatives, base de l'automatisme (vivant). Le fait de reprendre au sérieux l'automatisme moteur, comme le fait l'approche dynamique, met en valeur l'excès du cognitivisme, mais n'a pas encore tout expliqué, bien entendu. *En conclusion de ces observations, on peut admettre que cette position du genou en légère flexion, fonctionne, au moins dans certains contextes, comme un attracteur, au même titre que le système bille-bol: En effet, notre genou rejoint systématiquement la même position, sans que nous ayons à intervenir dans le détail pour ajuster l'angle articulaire . (Cette position, d'ailleurs, n'est pas précise au degré près, mais présente sans doute une microvariabilité qui, à l'évidence, n'a pas à être gérée par l'exécutif conscient). Notre système moteur paraît avoir privilégié la position articulaire la plus favorable ; il a établi à ce niveau un dispositif automatique permettant à l'individu de minimiser son intervention exécutive, le rendant ainsi disponible pour des activités de supervision ou d'orientation motrice d'ordre plus général. * Essai de forçage volontaire du système de blocage antérieur. Certes, il nous est possible, à la rigueur, de jouer à bloquer volontairement notre genou à des angles plus proche de la position zéro, mais, dans ce cas, nous ressentons immédiatement que nous sommes beaucoup moins à l'aise, les points d'arrivée sont plus variables, nous avons besoin d'une plus grande attention, nous ressentons cet exercice comme beaucoup moins "naturel". * essai d'interprétation de ces sensations. On peut penser que si notre genou se place dans un angle proche de la rectitude, notre appareil sensorimoteur se trouve devant un problème particulier: Etant donné que la gravité a essentiellement pour effet d'augmenter la coaptation longitudinale entre fémur et tibia, et qu'elle ne sollicite pratiquement pas la musculature, rendue quasiment superflue, Il semble bien que notre "cerveau" soit très embarrassé, alors, pour régler les changements de force des contractions (très subtils) nécessaires à bloquer le mouvement dans telle ou telle position "choisie". On verra plus loin que cette difficulté de contrôle volontaire statique du genou dans le débattement proche de la position zéro, se retrouve, mais exagéré de manière caricaturale, chez les patients présentant des troubles du tonus, de la sensibilité, de la commande fine de la musculature, comme c'est le cas notamment chez les hémiparétiques. * Dans la perspective de la théorie des attracteurs, le comportement du genou au voisinage de la position zéro peut être décrit comme une transition de phase entre deux attracteurs, zone de mobilité où l'articulation est typiquement instable, au sens de MAXWELL, c'est à dire où, un changement aussi minime qu'on veut, de tonus musculaire, ou de toute autre force non musculaire, (énergie cinétique, force de réaction, de frottement, etc.), peut avoir un effet maximal, (concept de catastrophe), soit, la bascule en flexum, ou en recurvatum. Cette observation a des conséquences importantes pour le rééducateur: En pratique rééducative, on devra donc s'attendre à ce qu'aucune prévision fiable, ni aucune consigne d'action en direction du patient, ne puissent être pertinentes, dès lors que le genou est amené dans cette zone de transition et d'instabilité, tandis qu'au contraire, si on trouve le moyen de conduire l'articulation au voisinage de l'un ou l'autre attracteur, on pourra prévoir et donc agir, puisque le genou sera efficacement et à coup sûr capturé par l'attracteur dont il est le plus proche. *Modification du calibrage du dispositif de blocage du genou. Certes aussi, nous pouvons "choisir" de nous bloquer à un angle plus aigu du genou, mais alors, plus nous descendons vers la flexion, plus nous observons une tension, une tendance à l'inconfort, nous ressentons que le jeu devient beaucoup moins économique, tant du point de vue énergétique que psychique. *Conclusion sur le système de blocage antérieur du genou. L'attracteur "actif", en flexion du genou, parait bien présenter un compromis assez avantageux entre stabilité et disponibilité au mouvement (finalisme!):
a) Il offre à la fois une conservation de l'altitude du centre de gravité du corps, et un débattement du genou dans deux directions,(ce qui n'est pas le cas du recurvatum),
b) Subjectivement, il est presque aussi peu coûteux en effort que le recurvatum. c) Il peut favoriser l'initiation d'actions rapides et précises, (quadriceps déjà actif dans une position standard simplifiant le calibrage des actions(?). d) Il fournit peut-être aussi une meilleure proprioception, la liaison entre action volontaire et résultat en terme d'angle articulaire étant sans doute plus étroite, et simple à établir genou en légère flexion, que ce n'est le cas au voisinage immédiat de la position zéro, (où la difficulté de contrôle, du point de vue computationnel, parait avoir découragé "la nature".)
*Conclusion de ces quelques expériences gymniques sur le sujet sain: Le sujet humain normal peut compter, au niveau du genou, sur un système de blocage antérieur très efficace. Son exécutif conscient peut donc n'intervenir que "minimalement" dans la tâche biologiquement essentielle consistant à assurer la permanence de la distance bassin-sol. Ce dispositif est d'autre part, parfaitement flexible, de sorte que le sujet n'a pas non plus besoin d'une grande intervention "exécutive" pour inhiber ce système de blocage postural, par exemple lorsqu'il a l'intention de mobiliser son centre de gravité vers le bas, pour s'asseoir, descendre des escaliers, etc. L'humain non lésé est évidemment capable de contrôler activement, en charge, et de manière totalement fluide et continue, toute l'amplitude du genou, depuis le recurvatum jusqu'à la flexion complète, mais sur cette grande amplitude, nous avons vu qu'il est possible d'identifier des secteurs différents quant-aux conditions de fonctionnement, du point de vue biomécanique, sensorimoteur, et neuropsychologique. Ce "système de blocage antérieur "parait se situer (remarque finaliste?), à un point favorable de la course articulaire, mécaniquement énergétiquement et sensoriellement, il est sans doute sous-tendu par un réseau neuronal très performant, dans lequel la boucle myotatique et des boucles plus longues(transcorticales?) sont probablement impliquées. * Objections... Ce type de considérations "compréhensives" ne peuvent répondre, à des questions scientifiques importantes, et que nous laissons allègrement de côté: Quelle est la structure intime de ce ou ces réseaux neuronaux, existe-t-il effectivement un dispositif spécial, au service du contrôle du genou en station debout, ou faut-il penser que nous avons affaire à une régulation posturale globale du corps, dont nous isolons arbitrairement la portion qui nous intéresse? On parle toujours à partir d'une action: la présente mise en valeur du système de blocage du genou fonctionne-t-elle comme une justification a posteriori d'une option thérapeutique plus centrée sur le genou que sur d'autres relais, comme le pied, (on trouve un biais différent dans l'étude podométrique des effets de la SEF réalisée par J.GUERIN). Il est vrai que les problématiques posture/mouvement, statique/cinétique, stratégies posturales ascendantes/descendantes, stratégies posturales globale/modulaire, ainsi que la difficile question de l'interprétation "causale" des "boiteries en neurologie, reste encore un sujet de débats assez confus parmi les rééducateurs qui s'intéressent au détail des problèmes. ££Marche précoce des hémiplégiques, partie trois, Etude clinique des cérébrolésés gauches. Avant d'aborder de front les comportements pathologiques, et spécialement le contrôle du genou en charge chez les hémiplégiques récemment lésés, remettons-nous dans la perspective théorique évoquée précédemment à propos de BERNSTEIN, en citant cette fois le texte d'un auteur de référence, J.PAILLARD: Début de citation de J.PAILLARD 1985: "La vigoureuse poussée de la biologie moderne et le développement actuel des neurosciences laissent entrevoir de nouvelles perspectives. Ayant désormais exorcisé les démons du vitalisme et de la finalité qui entravaient sa progression, la biologie se sent désormais davantage portée à lever les interdits qui pesaient sur les notions de conscience, de volonté, d'objets mentaux, d'individualité autonome : elle est désormais mieux armée, méthodologiquement et technologiquement, pour commencer a investir certains terrains jusqu'ici traditionnelle ment réservés aux investigations du psychologue ou du neuropsychiatre. Les discussions qui confrontent actuellement, précisément sur le terrain des activités physiques et sportives, les spécialistes des neurosciences et les psychologues qui se qualifient de "cognitivistes" me paraissent assez illustratives de ce point de vue. Les premiers ont beaucoup progressé dans la connaissance des mécanismes nerveux qui sous-tendent la production "machinale" des activités motrices. Ils en découvrent la subtilité d'organisation, la flexibilité des autoréglages et les surprenantes capacités auto adaptatives dont ils paraissent dotés sans avoir à recourir à une quelconque surveillance attentionnelle ou à mobiliser la vigilance consciente du sujet producteur de cette activité. Ils s'engagent donc activement dans l'exploration des potentialités et des limites de ce pilotage automatique de l'action sans, bien entendu, sous-estimer l'importance du contrôle des niveaux supérieur (Paillard, 1982a). Les seconds, sans ignorer le rôle des régulations automatiques dans l'exécution des mouvements, ne manquent certainement pas d'arguments pour dé montrer la puissance d'intervention des contrôles "psychiques" de l'action et le rôle déterminant des opérations mentales supérieures dans l'apprentissage, la conception, la planification, voire l'exécution des productions motrices (Pailhous, 1985 fin de citation de PAILLARD.J, Les niveaux sensorimoteur et cognitif du contrôle de l'action. In : M. LAURENT et P. THERME (Eds.) Recherches en A.P.S. 1. MARSEILLE : Publication du centre de recherche de l'U.E.R.E.P.S., 1985, 147 163 ) .
*Que devient le systÈme de blocage antérieur du genou chez les hémiplégiques? *1) Facteurs mécaniques. Chez les patients hémiplégiques très récents, la mise en charge du membre inférieur paralysé est impossible, en raison du déficit de recrutement du triceps, du quadriceps, et des ischio-jambiers.
Il n'est donc simplement pas possible de poser le problème d'un mécanisme de blocage du genou, faute d'un dispositif neuromusculaire périphérique sur lequel s'appuyer. Dans cette phase initiale de la récupération fonctionnelle, on n'envisagera pas non plus les cas de développement précoce d'un triple retrait actif du membre inférieur,(hémiplégie en "flexion"), où le pied ne peut pas rejoindre le sol). * La première mise en charge active après l'ictus. Pour un assez grand nombre de patients hémiplégiques récents, la première station debout réussie, (avec l'aide d'un appui secondaire sur la main saine), mettant en charge le membre parétique, se réalise grâce à un verrouillage du genou en recurvatum: Il est assez clair qu'il ne s'agit pas alors de l'effet "triceps", (mécanisme ascendant, mais d'un verrouillage en appui ligamentaire résultant de la mise en tension des ischio-jambiers, associée à un recul du centre de gravité du corps en arriÈre de la cheville: Ce recul est associée à une bascule du bassin en avant avec salutation, c'est la classique position en "C" des hémiplégiques). Cette salutation avec antéversion du bassin met en tension les ischio-jambiers, et favorise ainsi l'effet distal de leur contraction active, le recul du genou jusqu'à la butée ligamentaire du recurvatum, (mécanisme descendant) . On est parfois étonné d'observer que cette contraction des ischio-jambiers, (palpable sous l'ischion), soit la première manifestation de récupération de l'hémiplégie, le quadriceps n'apparaissant que plus tardivement. Traditionnellement, la récupération motrice de l'hémiparésie devait commencer par un "extenseur" officiel du membre inférieur, le quadriceps! * Première contraction du quadriceps en charge. * Réaction posturale. Chez les patients posturalement habiles, (généralement cérébrolésés gauches), on a vu précédemment qu'une première contraction du quadriceps peut être déclenchée,(Bobath), lorsque le rééducateur provoque manuellement une brusque mise en charge du membre parétique, tout en soutenant manuellement le genou en légère flexion. L'angle du genou est un peu plus fermé ( légère descente du bassin), que l'angle où on observe le blocage automatique chez le sujet sain. La contraction du quadriceps, perceptible sous le doigt qui comprime le tendon sous-rotulien, peut être très faible, mais démontre très précocement son caractère de réaction automatique d'appui: son instant d'apparition est remarquablement identique à celui observable chez le sujet sain. * ajustement anticipateur. Une observation de la contraction du quadriceps (généralement contemporaine de la réaction posturale décrite ci-dessus) peut être faite dans le cadre d'un ajustement postural anticipateur (MASSION 92) : Si le rééducateur maintient le genou parétique en léger flexum, puis demande brusquement au patient de soulever son pied sain du sol, on perçoit très nettement une légère mise en tension du tendon sous-rotulien, immédiatement avant le début du soulèvement du pied sain, exactement comme chez le sujet sain, à l'intensité de la contraction musculaire près. Mais là encore, ces contractions précoces du quadriceps ne sont observées que chez les patients "posturalement habiles", le plus souvent chez les cérébrolésés gauches. **b) troubles en hyper. *1) Chez les patients précocement spastiques, le recurvatum du genou est classiquement provoqué par un mécanisme "ascendant", la raideur du triceps,(spasticité et/ou rétraction). La tension du triceps entraine un recul de l'extrémité supérieure du tibia, tous chefs confondus, les jumeaux ne pouvant, dans cette situation, exprimer leur action théorique de fléchisseurs du genou. *2) En cas de spasticité du quadriceps, la survenue de contractions " volontaires" mal dosées agissant sur un genou proche de la position zéro, peuvent très facilement produire le peu de force nécessaire à sa bascule vers le recurvatum. (Bobath décrivait ainsi l'effet du "schème spastique" de triple extension, en attribuant le recurvatum à une hyperactivité du quadriceps spastique). En fait, ce n'est pas parce que le genoux se met en hyper-extension que l'agent actif, dans ce cas, doit être une "hypertonie" du quadriceps: le récurvatum, nous l'avons vu, est produit avant tout par une force non musculaire, la gravité. Ce n'est pas d'abord l'hyperactivité du quadriceps qui nous gêne ici, mais le manque de finesse de graduation de ses contractions. Au risque de nous répéter, rappelons donc que le quadriceps (même très spastique) ne demeurera jamais actif au delà du passage du genou à la position zéro, ni a fortiori en situation statique de recurvatum, c'est à dire en appui ligamentaire: Chez les patients "simplement" spastiques, le recurvatum (en charge )n'est pas maintenu par une contraction permanente du quadriceps, ce qui est vérifiable par le test clinique le plus simple, une mobilisation latérale de la rotule, tout comme chez le sujet sain. *2) Aspect neuropsychologiques. * Contrôle du genou et déficit sensitif. On admet que des troubles de la sensibilité articulaire peuvent rendre difficile le contrôle du genou. Mais il faut essayer d'explorer un peu plus précisément les faits cliniques, dans un domaine généralement mal examiné en pratique quotidienne. Cette imperfection chronique de nos explorations de la sensibilité est liée, sans doute, à la difficulté d'interpréter les réponses verbales du patient, (fluctuations attentionnelles, difficultés fondamentale d'expression verbale de ce qui "se passe" dans le corps", ), mais aussi sans doute par un certain manque de clarté des questions que nous nous posons cliniquement. Notre peu de compréhension théorique des rôles respectifs de la sensibilité consciente et des sensibilités inconscientes dans le fonctionnement moteur. * Une idée absurde. Parler de sensibilité inconsciente n'est-il pas absurde? On sent, ou on ne sent pas!! Mais pourtant on est assez habitué à parler de motricité involontaire, on agit, sans avoir voulu agir. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir "senti" sans le savoir? (problÈme notamment des perceptions "subliminaires ou aveugles£(revoir l’hémianopsie) ?). En fait, il se pourrait bien qu'on ne "comprenne" pas beaucoup mieux la motricité que la sensibilité, à ceci près que la motricité se traduit par un spectacle extérieur, le mouvement du sujet, dont la visibilité nous donne au moins l'impression d'atteindre quelque chose de "vrai" au sujet du patient, ce qui n'est pas le cas, évidemment, pour la sensibilité, où nous ne voyons rien, et où nous devons interpréter ce que le patient nous dit "ressentir". * Le point important, sans doute, serait de tenter une étude des fonctions de réceptions qui soient aussi sérieuse que celle qu'on a mené sur la motricité depuis 150 ans. Les physiologistes, les spécialistes des fonctions "intégrées", commencent à dire des choses importantes pour les rééducateurs, qui ne vont pas forcément révolutionner nos techniques rééducatives, mais qui vont peut-être nous éviter de nous leurrer sur certains espoirs vains: On ne pourra pas trouver la méthode royale, grâce à la "sensibilité", mais on pourra acquérir certaines convictions cliniques négatives, permettant d’écarter certaines hypothèses , ou illusions quant-à notre pouvoir de modifier profondément le comportement des patients neurolésés. * Mon hypothèse en 1997 sur la question est en résumé la suivante: La sensibilité proprioceptive et extéroceptive consciente est une capacité de luxe, une aptitude de notre système nerveux à orienter la conscience vers des secteurs précis de notre corps, pour en scruter le fonctionnement, au cours même de son activité: Paillard évoque cette capacité de "pénétration" attentive, en posant d'emblée la question de "limites" de cette pénétration. (Paillard 1997 distingue schématiquement un "compartiment sensorimoteur" et un compartiment "idéomoteur", et décrit les méthodes permettant d'explorer les voies de communication entre ces deux compartiments, et notamment la pénétration depuis le compartiment idéomoteur vers le compartiment sensorimoteur. (Noter un changement de termes chez Paillard, qui parlait, en 1985, de compartiment "cognitif"). De son côté, (note aa : £ donner la ref de l’erreur de Descartes)
DAMASIO développe ,dans une perspective ascendante, les processus de communication entre les systèmes sensorimoteurs et viscéraux et les systèmes les plus raffinés de la pensée, en insistant notamment sur le rôle du corps, des émotions, et de leur perception, sur les processus les plus élaborés de prise de décision et de travail intellectuel, avec, notamment, le lobe pariétal droit comme point de passage stratégique des influx afférents provenant de tout le corps. *reprenons la discussion de la "pénétration " consciente, plongeant du compartiment idéomoteur au compartiment sensorimoteur: Rappelons-nous le passage clé de PAILLARD 85: début de citation: "Ils en découvrent la subtilité d'organisation, la flexibilité des autoréglages et les surprenantes capacités auto adaptatives, dont ils paraissent dotés, sans avoir à recourir à une quelconque surveillance attentionnelle ou à mobiliser la vigilance consciente du sujet producteur de cette activité" fin de citation de Paillard 85. On peut remarquer d'emblée que la "pénétration" consciente du système moteur est un processus psychiquement coûteux, , lents, limités à des secteurs locaux de notre espace intérieur. *Il est clair qu'il nous est impossible de "prendre conscience" du mouvement rapide de chute en recurvatum, au moment même de la phase rapide de cette chute, ce qui laisse à penser que les patients hémiplégiques en seront eux-aussi incapables.(A ce sujet, on doit penser aux obstacles théoriques de la notion de "prise de conscience" entretenue durant des décennies par les enseignants kinés!) *b) d'autre part, nous ne pouvons pénétrer attentivement le fonctionnement de tout notre corps à la fois. Nous nous focalisons sur telle ou telle activité, telle zone du corps, et rejetons le reste de l'espace en arrière plan de notre conscience. (* (notion d'attention flottante, de l'attention "diffuse", qui serait sensée "veiller au grain", sans justement s'appliquer à un secteur ou à une modalité sensorielle particuliers). *c) D'autre part, ce pouvoir de "pénétration " focalisée n'est pas très perforant: il vient buter sur des systèmes sensorimoteurs doués de leur propres réseaux neuronaux, (boucles sensorimotrices), et qui conserve une presque totale opacité. Ces systèmes automatiques sont disposés dans notre corps pour agir utilement, mais de manière parfaitement autonome et auto-organisé. (pour faire une comparaison militaire, on peut penser à l'officier supérieur qui dit au caporal: "je ne veux pas le savoir, débrouillez-vous!). Les segments articulés mobiles du corps ont la capacité de se laisser contempler, de se laisser partiellement moduler par la volonté du sujet conscient. Une capacité "de luxe": Mais cette pénétration consciente est simplement possible, facultative, aucunement nécessaire au fonctionnement sensorimoteur lui-même. Lorsque nous pratiquons l'introspection de nos mouvements rapides, nous avons une étrange impression d'assister à nos mouvements, et non de les commander, de les pousser, (penser à l'écriture automatique des surréalistes). Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la majeure partie de notre mobilité, y compris au membres supérieurs, n'a aucunement besoin de cette surveillance-commande permanente pour se développer de manière adaptée au contexte local et à notre intention générale d'action. *S'agit-il de notions banales? citation de J.GUERIN, dont la formulation peut montrer qu'il subsiste un problème au moins sémantique autour des termes "automatisme" et "volonté". début de citation de J.GUERIN 1988: "Chez l'hémiplégique , il n'existe pas une paralysie à proprement parler , mais plutôt une difficulté , voire une impossibilité de commande de certains muscles , associée à une perte de sélectivité du mouvement . La perte de sélectivité du mouvement , appelée syncinésie de coordination , est particulièrement nette , et invalidante, au niveau des membres où l'automatisme , à l'état normal , est le moins marqué , c'est à dire au membre supérieur . En effet , à ce niveau , l'activité motrice est asservie au contrôle permanent de la volonté." fin de citation de J.GUERIN THESE 88. * En conclusion, notre sensibilité consciente est un équipement de luxe, capable d'assister(en spectateur plus ou moins acteur), , au fonctionnement courant des territoires musculo-articulaires dont nous modulons les mouvements. ( en restant à leur surface,) Ces territoires musculo-articulaires sont pilotés de façon autonome par des systèmes de sensibilité inconsciente et de motricité involontaire, et notre "exécutif" conscient compte fermement sur l'efficacité de ces systèmes autonomes pour expédier les affaires courantes au mieux de nos intérêts fonctionnels. Il faut essayer d'imaginer, lorsqu'une lésion cérébrale désorganise les réseaux neuronaux sensorimoteurs, le désarroi profond de l'exécutif conscient, dès lors qu'il ne peut plus se fier à des systèmes parfaitement auto-organisés, et n'a plus la liberté de choisir le mode d'intervention "minimale" qui lui est le plus habituel. Encore faut-il que la lésion cérébrale n'ait pas altéré aussi sa capacité d'évaluer les changements profonds que son système nerveux a subi, ce qui peut justement ne pas être le cas chez les patients lésés au niveau pariétal droit, (DAMASIO ibidem). . * Impact fonctionnel de la perte de sensibilité.
Pour le rééducateur, qui se donne pour tâche d'aider le patient à retrouver une certaine habileté motrice, la perte de la sensibilité consciente représente bien entendu un obstacle. Mais le fait que cette sensibilité consciente ne soit pas, chez le sujet non lésé, d'une importance décisive au cours du comportement habituel, va peut-être relativiser l'impression très péjorative dont ce symptôme fait l'objet en pratique clinique habituelle. Certes, il se peu qu'une bonne sensibilité consciente puisse aider un patient hémiplégique à réapprendre de nouvelles habiletés au niveau du membre inférieur parétique. Mais, pour autant, il ne faudrait pas croire qu'il est possible de baser la restauration de la motricité automatique, sur l'utilisation de la sensibilité consciente. Or, nous savons bien que seule la motilité automatique peut acquérir les critères de vitesse compatibles avec une réelle efficacité fonctionnelle. Il faut bien comprendre que la sensibilité consciente n'a pas chez le sujet humain non lésé, pour fonction stratégique de mener, d'instant en instant, l'activité motrice adaptée aux variations du contexte physique de notre action motrice: elle peut éventuellement "assister à", contempler, introspecter, le fonctionnement de nos automatismes bouclés sur l'environnement, mais ses délais de fonctionnement ne sont absolument pas à l'échelle de ceux qui sont nécessaires pour assurer les actions (fines et multiples) sensorimotrices efficaces: il se peut que le rapport d'échelle soit de 1 à 1000, en termes de temps de traitement des informations. C'est ce que ne semble pas avoir vu Perfetti, et c'est sur ce point que je fais certaines réserves sur la portée de son approche rééducative, (voir aussi à ce sujet la querelle ayant eu lieu au sein du GERNA à propos de Perfetti, lors de sa conférence de Lyon). Pourtant, chez les patients cérébrolésés, les rares cas que j'ai rencontré de perte grave (isolée)de la sensibilité articulaire, testée par l'épreuve de l'imitation de gestes passifs du membre parétique par le membre sain, ne s'accompagnaient pas de troubles particuliers du contrôle du genou, ni d'ailleurs d'autres articulations, dès lors bien entendu que ces troubles sensitifs ne s'accompagnaient d'aucun déficit de contraction musculaire. Par contre, chez ces mêmes patients cérébrolésés, en cas de trouble moteur associé à un grave trouble proprioceptif, la rééducation du contrôle du genou en charge paraissait très nettement entravée. Comment expliquer, chez les patients cérébrolésés, l'absence d'effet moteur sur le contrôle du genou , en cas de perte isolée de la sensibilité articulaire consciente? On peut penser que chez le sujet sain, le contrôle du genou n'a absolument pas besoin d'une intervention sensorielle consciente pour s'effectuer parfaitement. D'ailleurs, il est fort probable que , chez le sujet en appui unipodal, les mouvements de passage de la position zéro du genou, soit vers le recurvatum, soit vers le verrouillage en léger flexum, se réalisent à des vitesses telles que les informations proprioceptives éventuellement générées n'auraient pas le temps de parvenir au cortex cérébral et d'y être traitées en vue d'une éventuelle réponse corrective. On gardera donc à l'esprit que la sensibilité proprioceptive consciente ne peut jouer un rôle important, en temps réel, que si elle opère sur des activités lentes. A ce sujet, on peut citer un passage instructif de Kelso 82, qui rappellera les données précédentes sur les "attracteurs", en montrant l'inutilité-inefficacité de la boucle longue de proprioception dans le contrôle habituel des automatismes en condition de mouvement rapide. (le thème de l'"homonculus", le "petit homme dans la tête", est utilisé par KELSO pour critiquer les conceptions anciennes d'un contrôle conscient et volontaire permanent de la motricité: Début de citation de Kelso 82: "La notion d'homonculus aide-t-elle notre compréhension du contrôle du mouvement ? Au 19 iÈme siÈcle , pour comprendre la coordination du mouvement , on a proposé un certain "truc" dans le cerveau , un homonculus , qui recevait une information sur le monde , et produisait des mouvements appropriés . Notez que c'est précisément le problème que celui qui étudie le mouvement coordonné essaye de comprendre . Comment un agent peut-il recevoir une information , et produire le mouvement requis. Quand on essaye d'expliquer , par exemple , comment une personne peut jouer au tennis , on ne se met pas , pour fournir l'explication , à l'intérieur de la tête de la personne qui joue au tennis . Notre compréhension du contrôle et de la coordination du mouvement sera directement corrélée avec le degré auquel nous pouvons éliminer de notre explication, une entité , qui a des capacités qui approchent celle d'un animal très (adjectif non traduit), æ , c'est à dire au degré où nous pouvons éliminer le concept d'homonculus " fin de citation de Kelso 82. Pour Kelso, on ne fait que repousser le problème à l'infini lorsqu'on postule, dans la tête, une entité consciente, le "fantôme dans la machine " de KOESTLER (1969), à la manière d'un petit homme, qui s'occuperait de tout; il faudrait en effet expliquer ensuite qu'il existe, dans la tête de cet "homonculus", un autre petit homme, qui ferait le même travail, et ainsi de suite à l'infini.
Kelso traite cela humoristiquement dans le passage suivant: début de citation de Kelso 82: "Nous sommes en train d'éviter une théorie dans laquelle un homme, ( ou un chat), dans la tête , reçoit une information en différents langages , des muscles , des yeux et des oreilles , agit comme un interprète polyglotte , décide ce que toutes les sources d'information combinées signifieront pour chaque groupe de muscles spécifiques , puis , envoie différents messages , peut-être aussi dans un autre langage , à destination de chaque unité" fin de citation de Kelso 82.
* Pour commencer à comprendre, décrire l'automatisme comme systÈme d'allègement de la tâche de l'homonculus. Début de citation de Kelso 82: " Un systÈme masse-ressort, est simplement constitué d'un ressort fixé à un support par l'une de ses extrémités , avec une masse fixée à l'autre extrémité .
Quand la masse est tirée, on étire le ressort . Quand on la laisse aller , la masse et le ressort oscillent , en revenant à une certaine position de repos. Quand la masse est poussée , on comprime le ressort. Si on relâche à nouveau le ressort , cela amène la masse et le ressort à osciller de nouveau . Cependant , le systÈme se retrouvera au repos, exactement à la même position d'équilibre qu'il avait prise après que le ressort ait été tiré. Etant donné un systÈme de masse-ressort , si on déplace la masse, en la tirant ou en la poussant , cela n'affecte pas la position d'équilibre finale , la longueur du ressort au repos. Et cette position d'équilibre finale, n'est pas affectée par la quantité de déplacement préalable de la masse. En somme , le systÈme s'équilibre à une certaine longueur constante du ressort , quelles que soient les conditions initiales . - Il existe une autre caractéristique du systÈme masse-ressort : Non seulement il fonctionne sans tenir compte des conditions initiales , mais il le fait sans aucun homonculus , ou contrôleur externe pour le diriger . Le ressort s'ajuste automatiquement aux changements de contexte . Figurez-vous la situation dans laquelle les ajustements du ressort ne seraient pas automatiques , mais devraient être contrôlées directement par le "petit homme" dans la tête . L'homonculus , assis en dehors du systÈme masse-ressort , doit détecter les changements dans les conditions initiales , et comparer la situation présente du systÈme masse-ressort à une certaine valeur de référence , représentant la position finale désirée du ressort . L'homonculus doit calculer la correction nécessaire de la trajectoire du systÈme masse-ressort , et puis, envoyer les commandes appropriées au systÈme masse-ressort , de façon que "l'erreur" , la distance par rapport à l'équilibre , soit réduite . ); Un systÈme de cette sorte impose une énorme charge de réflexion à l'agent contrôleur du ressort. Malheureusement , toute information valable pour le contrôleur , arrivera toujours trop tard pour être utile : Au moment où le contrôleur reçoit une information concernant le point où est le ressort dans sa trajectoire , le ressort aura déjà pris une nouvelle position . Ainsi , le contrôleur aura à corriger plus que la différence entre l'endroit où est le ressort , et l'endroit où il devrait être . Le contrôleur devra aussi avoir à corriger la différence entre son information sur la position du ressort , et la position vers laquelle le ressort a bougé , depuis que l'information a été échantillonnée. La réalité du systÈme masse-ressort et d'autres systÈmes oscillatoires, consiste dans le fait qu'aucune correction d'erreur de cette sorte n'est nécessaire : Le systÈme s'ajuste automatiquement, sans choix ou réflexion , et sans accroître le nombre de degrés de liberté qui doivent être régulés de façon indépendante " fin de citation de Kelso 82. * Une autre citation sur le même thème, nous fera avancer un peu plus loin dans la compréhension du rôle de "la sensibilité", dans le contrôle moteur: Début de citation de Kelso 1984: "Un travail récent sur les systÈmes moteurs, a identifié des unités fonctionnelles d'action, avec les systÈmes "masse-ressort non linéaires". Une caractéristique attractive, parmi d'autres, de ces systÈmes, est qu'ils sont intrinsèquement "auto-équilibrants": Quand le ressort est étiré ou comprimé, puis, relâché, il s'équilibrera toujours à la même longueur de repos. Ainsi, la position finale d'équilibre, n'est pas affectée par la quantité de déplacement de la masse, propriété appelée "équifinalité"(CF VON BERTALANFFY 73). Dans sa version plus détaillée, mais, ajouterions-nous, inégalement interprétée, un angle articulaire donné, peut être spécifié selon une série de longueurs d'équilibre des muscles(FELDMAN 66). Une fois que celles-ci sont spécifiées, l'articulation obtiendra, et maintiendra un angle final désiré, pour lequel les torques générées par les muscles, sont égales à zéro. Un tel systÈme, présente une équi-finalité, en ce que les positions désirées, peuvent être atteintes à partir d'angles initiaux variés, et en dépit de perturbations non prévues rencontrées au cours de la trajectoire de mouvement. Ainsi, si la longueur d'un muscle, à une articulation, est momentanément plus longue que la longueur d'équilibre, une tension active se développe dans le muscle. Si la longueur momentanée est plus courte que la longueur d'équilibre, le muscle se relâche. Nous pouvons voir, comment ce concept est apparenté à une structure de coordination: Le contrôle de nombreuses variables, à savoir le degré d'activation dans différents muscles, à une articulation, est simplifié par l'établissement d'une contrainte. Etant donnée une série de longueurs d'équilibre de muscles, la torque générée par la tension dans chaque muscle, est dépendante de sa longueur momentanée. Une preuve récente de cela, vient en premier lieu du travail sur les mouvements des membres et de la tête, par exemple, KELSO, HOLT, et FLATT 80, ont montré, que, chez l'homme normal et l'homme fonctionnellement désafférenté, la reproduction de la position finale d'un membre est plus précise, à partir de positions initiales variées, que la reproduction de l'amplitude de mouvement. En plus, BIZZI 78, a montré que les singes normaux et radiculotomisés, peuvent reproduire des positions cibles apprises, de la tête ou du bras, même lorsque la trajectoire du mouvement est perturbée par l'application d'une charge(suppression de la boucle de feed back périphérique). Des résultats semblables, ont été trouvés chez l'homme(KELSO et HOLT 80), et des effets prévisibles de changement de la masse effective d'un membre, ont été observés(FELDMAN 66, SCHMIDT MC GOWN 80). Ces découvertes ne sont pas facilement prises en compte, par les modèles traditionnels du contrôle moteur: Par exemple, les modèles en boucle fermée, peuvent rendre compte de la reproduction précise de la position finale, en dépit des changements de la position initiale du membre, ou les perturbations de sa trajectoire, mais ils ne pourraient pas expliquer pourquoi, l'équifinalité se maintient, lorsque le membre est désafférenté. Théoriquement, les modèles de programmation en boucle ouverte, pourraient permettre d'organiser les résultats observés en situation de désafférentation, mais, au moins dans leur forme conventionnelle, ils sont incapables d'expliquer de façon satisfaisante, les ajustements aux perturbations non anticipées. Un point fondamental, dans notre perspective, est que, le fait de considérer la position finale du membre, comme l'état d'équilibre d'un collectif de muscles contraints, permet l'indépendance de la position finale, par rapport à la position initiale, sans requérir des processus de mesure et de comparaison, " fin de citation de S.KELSO et B.TULLER, UNE BASE DYNAMIQUE POUR LES SYSTEMES D'ACTION. Manuel de sciences cognitives, sous la direction de GAZANICA, 1984. . * Cas des patients cérébrolésés gauches (très schématiquement). Dans la période de temps qui suit immédiatement la lésion de l'hémisphère gauche, une tentative de verticalisation précoce peut être décevante, notamment lorsque le patient "adopte" une stratégie de latéropulsion-extension –DRMS- du membre inférieur gauche, (déviation rigide du membre inférieur sain), qui s'accompagne d'un effondrement du membre inférieur droit. Le test classique consiste à tenter de verticaliser le patient en station debout, en le plaçant latéralement par rapport à une barre d'appui ou un espalier situé à sa gauche. On permet au patient de saisir la barre de sa main gauche, on observe son attitude, puis on lui fait signe de supprimer l'appui manuel: Malgré leur grand désarroi, ces patients peuvent déjà être pressentis comme posturalement habile, s'ils manifestent une appréhension( anticipation du danger mécanique) du lâcher de leur prise manuelle de la barre: le patient, presque toujours aphasique, parait parfaitement lucide sur la situation mécanique de son corps, il hésite, ou parfois refuse catégoriquement de lâcher cette barre, et lutte contre le geste de décrochage de ses doigts ébauché par le kiné. C'est aussi souvent un excellent indice d'habileté posturale, s'ils apprennent assez rapidement à venir s'appuyer à gauche sur une cloison ou sur le bord d'une table, retrouvant ainsi presque spontanément la stratégie posturale de gestion mobile de leur centre de gravité au dessus du pied gauche (la classique station « hanchée »). ** Habileté posturale et recurvatum. On peut penser que, dès la récupération d'un contrôle moteur minimal, les patients posturalement habiles, dont le tronc et le membre inférieur sain suppléent activement à l'hémiparésie, et qu'on identifie comme de bons anticipateurs du danger de chute, vont chercher à défendre très activement le mécanisme automatique ayant pour valeur de référence (MASSION 92, ) la préservation d'une altitude constante du centre de gravité du corps. Cette sensibilité des patients vis à bis de la préservation posturale, parfois angoissée et/ou obsessionnelle, peut les conduire à rechercher plus précocement et systématiquement une garantie totale de stabilité dans le recours au genu recurvatum. Effectivement, bon nombre de ces patients, en phase précoce de la récupération, bien que grands aphasiques et apraxiques, démontrent une habileté à déceler (sans qu'on ait besoin de le leur enseigner), le caractère instable et posturalement dangereux de l'effondrement du genou en flexum: Certains de ces patients, dès les premières mises debout qui suivent l'ictus, paraissent déjà "comprendre" très spontanément les garanties de stabilité offertes soit par l'esquive pure et simple de l'appui sur le membre parétique, soit par le recurvatum obtenu par la position en "C", , et, notons-le bien, y compris en l'absence de spasticité ou de rétraction du triceps sural. Selon cette interprétation, le genu recurvatum précoce, chez des patients ayant une cheville souple, et un triceps encore très déficitaire, doit être considéré comme une manifestation d'habileté posturale, comme un comportement adaptatif exprimant une première compensation du déficit primaire d'extension du membre inférieur.
* Evolution: On sait que ce sont aussi ces patients cérébrolésés gauches aphasiques qui risquent ultérieurement de fixer de manière préoccupante cette stratégie de blocage trop stable, dont les inconvénients pour l'articulation, et surtout pour la dynamique de la marche, sont bien connus. Ces patients cérébrolésés gauches, posturalement habiles, présentent souvent une tendance à simplifier et à standardiser leur stratégie de marche: leurs mouvements, d'un cycle de pas à l'autre, sont remarquablement stéréotypés, en comparaison avec les variations métriques typiquement erratiques de la marche précoce de certains cérébrolésés droits. *On peut risquer un commentaire: le recurvatum, on le sait, présente l'avantage de ne pas demander(dès lors que le blocage est réalisé), une intervention continue de "l'exécutif conscient" , ce qui n'est évidemment pas le cas du flexum(à un angle un peu trop fermé), , dans le contexte d'une parésie récente, où un gros effort et une focalisation de l'attention sont requis pour soutenir le poids du corps contre pesanteur. Ces patients, posturalement habiles, ayant le choix entre deux attracteurs d'inégale fiabilité, paraissent avoir une tendance spéciale à choisir le comportement le plus immédiatement efficace, la solution la plus simple et la plus directe. (certains de ces patients ressemblent un peu à ceux que décrit SABOURAUD : citation de SABOURAUD et LE GAL, APRAXIE ATECHNIE, dans l'Apraxie, de Le Gal et Aubin. "'ils n'enchainent pas plusieurs tâches et.. dans la poursuite d'un résultat, ils vont aux tâches les plus directement utiles, sans l'accompagnement (ou la préparation) indispensable" fin de citation de Sabouraud . *On peut aussi penser que ces patients, qui ont conservé une émotivité riche et normalement couplée à leur activité motrice, n'auront pas trop de difficulté à adopter et fixer ce qui leur apparaitra comme "la bonne solution"(voir DAMASIO, l'Erreur de Descartes), d'autant qu'ils conservent intact leur cortex pariétal droit, zone stratégique pour les fonctions somatosensorielles et perceptives multimodales. *En bref, essayons de nous mettre à la place de l'exécutif d'un cérébrolésé gauche récent: Cet exécutif, compte tenu des habiletés cognitives et émotionnelles qui restent à sa disposition malgré la lésion hémisphérique gauche, adopte spontanément le recurvatum comme stratégie de blocage du genou, dans la mesure où cette stratégie lui permet d'atteindre immédiatement ses buts fonctionnels fondamentaux, tenir debout en sécurité, se déplacer sans perdre d'altitude, en modifiant le moins possible le type d'intervention exécutive minimale auquel il était "habitué" avant la survenue de la lésion cérébrale. Cette exigence de minimisation de l'intervention exécutive consciente se manifeste sans doute aussi dans l'acquisition et la fixation précoce d'un schème de marche stéréotypé, (automatisation précoce sur la base d'une stratégie simplifiée), qui aboutit souvent, chez ces hémiplégiques droits, à l'acquisition assez précoce d'une locomotion fiable et autonome, mais très marquée par une boiterie spectaculaire. * Conséquences pour la rééducation. En corollaire de cette interprétation, on ne devrait s'attendre à obtenir de ces patients qu'ils "acceptent" de recourir à l'autre solution, le blocage en flexion de genou, qu'après qu'ils aient éprouvé(spontanément ou grâce à un traitement rééducatif spécifique), que le blocage en flexion pouvait leur offrir une stabilité et une efficacité, (dans le cadre d'une intervention minimale de leur exécutif),au moins égale à la stabilité obtenue en recurvatum.
On devrait cependant pouvoir compter, chez ces patients posturalement habiles, sur une sensibilité aux différences d'altitude de g, et donc sur une certaine capacité à régler, durant les exercices attentifs de mise en charge, l'angle de flexion de leur genou. On peut enfin penser que la capacité de ces patients à automatiser une stratégie locomotrice donnée, et à la fixer sans pour autant absorber leur attention dans l'autocontrôle, pourra être mise au service d'une stratégie de marche plus dynamique, pour peu qu'on puisse les convaincre que cette stratégie est plus avantageuse, en termes de confort et de dynamique, que leur schème de marche spontané: On sait que ce schème se rapproche toujours plus ou moins de la classique "marche intermittente à demi pas" (et genu recurvatum, CF PESZCZYNSKI ). - Exercices for hemiplegia. In : Thérapeutiques Exercise. S. Licht éd., Baltimore, 1958) .
*Habileté posturale exagérée comme handicap à la locomotion. Dans notre interprétation de l'état clinique des cérébrolésés gauches récents, nous avons insisté sur la conservation d'un haut niveau d'habileté posturale, avec conservation d'une anticipation des dangers liés à la station redressée. Il semble que dans certains cas , notamment chez des grands aphasiques, l'habileté remarquable du patient à maintenir et défendre la station debout, y compris sans appui manuel, se double d'une sorte de réticence, ou d'angoisse, lorsqu'on cherche à guider le corps vers l'avant, afin d'obtenir les "premiers pas". Le patient se comporte comme s'il était exagérément "conscient" de l'insuffisance de stabilité en extension de son membre inférieur parétique, qui, à ce stade précoce de la récupération, est effectivement très déficitaire. Cette réticence se traduit dans certains cas par un refus d'avancer le bassin (et le tronc), et donc, un refus d'avancer le centre de gravité au dessus du pied parétique. Dans d'autres cas, on à l'impression qu'il s'agit plus clairement d'une sorte de refus angoissé de toute tentative de mise en charge sur le membre inférieur parétique. Il faut bien comprendre que cette sorte de refus d'initier le premier transfert qui introduirait le "premier pas" ne résulte pas d'une hypothétique perte du schème alterné de la marche, mais plutôt d'une exagération des mécanismes normaux de conservation de la station debout, fonction pour laquelle ces patients présentent une habileté très remarquable. Je fais un rapprochement entre ces patients qui refusent la marche au nom de la défense statique de la position debout, et des patients, eux-aussi cérébrolésés gauches, qui pratiquent une marche à "demi pas intermittente" caricaturale: ces derniers patients, qui "acceptent" de déplacer leur centre de gravité vers l'avant, le font en réalité avec la plus petite excursion possible de leur centre de gravité en avant de leur base initiale de sustentation. Rappelons que dans ce type très particulier de boiterie, le patient place ses membres inférieurs en position de fente antérieure, le membre sain en arrière, le membre parétique en avant. Le centre de gravité est massivement bloqué au dessus du pied sain, bien en arrière, et soigneusement maintenu à l'intérieur de la base de sustentation. La marche, qui est néanmoins possible, s'opère lorsque le patient consent à pousser son bassin en avant par un mouvement furtif, qui produit une très brève mise en charge du membre inférieur parétique; l'appui antérieur sur ce membre est massivement esquivé, dans l'espace et dans le temps, et le pied sain réalise presque immédiatement un petit saut en avant, reconstituant ainsi une nouvelle base de sustentation qui vient englober la projection verticale du centre de gravité du corps. La marche est alors stoppée un bref instant, puis redémarre, , (d'où ce qualificatif d'"intermittante" qui lui a été appliqué). Je pense qu'il est assez clair que certains patients cérébrolésés gauches réussissent à bien déambuler en utilisant, ou paradoxalement en surmontant leur habileté posturale, alors que d'autre, à des degrés divers, paraissent perdre en fluidité et en régularité du déplacement en avant ce que cette habileté leur fait gagner en stabilité de la station debout.
Les conséquences de cette interprétation sont importantes: Ces patients, souvent grands aphasiques, ne peuvent être instruits à travers des discours ou des raisonnements très élaborés: Le rééducateur doit réussir à parler à leurs automatismes, à "convaincre" leurs réseaux neuronaux sensorimoteurs non conscients, bref, à les placer dans des situations mécaniques capables de "rassurer" totalement leur système trop vigilant de contrôle statique de la position debout. L'une des approches possibles, finalement très simple, tentera de fixer au membre inférieur parétique une solide attelle d'extension, qui replacera le système nerveux du patient, son exécutif minimalement intelligent, dans une situation lui permettant d'"intervenir minimalement" pour assurer le transfert en avant du centre de gravité. *En conclusion, la rééducation locomotrice des cérébrolésés gauches, même entreprise très précocement, doit apporter de grandes satisfactions au rééducateur, en grande partie en raison de l'habileté posturale du patient, et de l'excellente qualité de ses mécanismes de «boiterie" spontanée.
Y compris dans le cas de syndrome de "déviation rigide "du membre inférieur non parétique, la rééducation locomotrice des cérébrolésés gauches aboutit très généralement à une démarche certes "boiteuse", mais remarquablement sûre et efficace.
££Marche précoce des cérébrolésés droits, partie cinq . Avant d'aborder en détail le problème clinique des cérébrolésés droits, et la rééducation précoce du contrôle du genou et de la marche chez ces patients, je veux éclairer un peu brutalement ce qui fait l'essentiel de mes idées: Au delà des troubles strictement moteurs présentés par les hémiplégiques, et même quelle que soit la gravité de ces troubles, ce qui apparait le plus clairement, c'est une différence liée à la latéralité de la lésion cérébrale: Les cérébrolésé gauches "boitent", les cérébrolésés droits "chutent". On comprend qu'il soit nécessaire, pour donner sens à une rééducation locomotrice des hémiplégiques, de tenter d'expliquer pourquoi il en est aussi massivement ainsi.
APPROCHE REEDUCATIVE DES TROUBLES DE LA COORDINATION POSTURO-GESTUELLE DES PATIENTS CEREBROLESES DROITS. Résumé. Chez certains patients hémiplégiques cérébrolésés droits, le retard de l'acquisition de la marche, et dans les cas les plus graves la perte définitive de l'autonomie, sont liés à la survenue de chutes à répétition. L'approche systématisée que nous proposons a pour but de faciliter une exploration du mécanisme des chutes chez ces patients à risque. Nous attribuons les chutes de certains de ces patients non pas à la gravité de l'hémiparésie, ni à un trouble de l'équilibre statique, mais à un déficit de la coordination posturo-gestuelle affectant l'ensemble du corps. Nous organisons l'approche autour de deux axes: -reconstituer systématiquement les conditions dynamiques qui produisent les chutes caractéristiques du patient. -tenter d'identifier des facteurs critiques, dont le contrôle pourrait éventuellement être mieux assuré et ouvrir ainsi une fenêtre vers la thérapeutique. Les items de la grille d'examen modélisent les situations fonctionnelles les plus typiques du risque de chute chez ces patients. On propose au patient de s'engager activement dans un certain nombre de tâches posturo-gestuelles, de sorte que la chute éventuelle puisse survenir à la suite de sa propre initiative motrice, et non comme le résultat inéluctable d'une perturbation d'origine externe qui déborderait ses systèmes de contrôle. Le comportement du patient est alors observé dans ses manifestations sensori-motrices, émotionnelles et cognitives. A l'expérience, cette approche est un stimulant de l'effort rééducatif, dans la mesure où elle permet d'objectiver des progrès discrets, chez des patients dont la récupération est lente, et l'avenir fonctionnel incertain. INTERET D'UNE EXPLORATION SYSTEMATIQUE DES CHUTES.
Dès lors que la "station debout" peut être contrôlée durant quelques secondes par un patient cérébrolésé, il est très habituel d'observer le phénomène de chute, et il devient possible d'étudier le comportement moteur et cognitif du patient, avant, pendant, et après ces incidents significatifs. Nous n'envisageons pas ici ( TINETTI 1990, cité par CHATELAIN), les chutes qui seraient la conséquence directe d'une perturbation externe ou interne majeure, telles que bousculade, syncope, dont l'intensité surpasserait par définition les capacités de préservation posturale du patient.
Il nous parait par contre plus instructif, et plus utile, dans la perspective d'une rééducation de l'autonomie, d'explorer les chutes qui peuvent survenir dans la vie quotidienne, au cours des activités gestuelles familières, dont les postures de départ, l'amplitude et l'intensité sont "choisies" par le patient lui-même. NOTEB La présente étude des chutes des cérébrolésés droits s'inscrit dans la perspective plus large des chutes chez toute personne, et notamment chez les personnes âgées. Pour une revue de ce cadre plus large, lire mon propre rapport sur la question, et aussi l'étude très riche de Chatelain 1991. On trouvera notamment, dans cet intéressant travail, une réflexion approfondie sur les facteurs endogènes, exogènes, et "volatiles" des chutes.
L'observation directe, "en vraie grandeur", des chutes qui surprennent le patient et son entourage, n'est évidemment que très rarement réalisée. Bien que très instructifs pour les rééducateurs, les rapports d'incident de chute ne donne que rarement des informations précises sur le mécanisme immédiat en cause. (FLEMING 1993).
Nous avons donc cherché à simuler des situations critiques permettant de produire et d'examiner les chutes dans des conditions autant que possible contrôlées. Les premiers résultats de cette approche nous conduisent à l'hypothèse que nos patients ne chutent pas de manière aléatoire, mais que chacun d'eux présente des scénarios de chute typiques, qu'il peut être intéressant d'inventorier. LA COORDINATION POSTURO-GESTUELLE NORMALE ET PATHOLOGIQUE.
La mise au point d'un test des chutes des patients cérébrolésés implique une certaine idée du comportement "chuteur" de ces patients.
Mais avant de tenter cette description, nous essayerons de répondre à la question suivante: comment le sujet normal parvient-il à préserver sa posture et assurer son équilibre, dans les conditions fonctionnelles variées où tout son corps est impliqué. LES REACTIONS POSTURALES Les idées traditionnelles des rééducateurs sur la fonction posturale et l'équilibre se fondent encore largement sur les apports de KABAT et de BOBATH , qui remontent à plus de 40 ans. Bien qu'il existe entre ces deux auteurs de réelles différences d'approche technologique ( stimulations lourdes/ tapes discontinues, sol stable/ plateau basculant), le concept central qu'ils ont en commun est celui de "réaction posturale", en tant que réponse spécifique du corps entier à une perturbation mécanique brusque surgie de l'environnement.
Ces notions ont été considérablement enrichies par la posturologie moderne, qui apporte notamment le concept d'une flexibilité fondamentale des synergies motrices en fonction des conditions de support du sujet stimulé, et met en évidence une plus riche diversité des stratégies posturale (GAGEY 1993, MASSION 1992).
Lorsqu'un sujet debout, par exemple, subit une poussée d'arrière en avant au niveau du bassin susceptible de provoquer sa chute, cette perturbation pourra être amortie de plusieurs manières ( cette liste n'est pas exhaustive):
a) Préservation statique de la posture. Les deux pieds restent fixés au sol, les muscles du plan postérieur du corps se contractent statiquement suivant une séquence distoproximale, la géométrie de la position est conservée. Il s'agit alors de la stratégie dite "de la cheville", dans laquelle le corps, rendu rigide par la contraction des muscles du plan postérieur, se comporte un peu comme un "pendule inversé", qui serait empêché d'osciller par l'activité posturale tonique, autour du point fixe constitué par les pieds (HORAK et NASHNER 1986). La technique de "stabilisation rythmique" de KABAT met en jeu ce type de réaction appelée aussi réaction d'arc-boutement.
b) Préservation de l'équilibre. Les deux pieds restent au sol, la tête demeure verticale, le bassin résiste à la poussée tout en se déplaçant en avant. Il y a extension de la hanche, associée à un report compensateur du tronc supérieur en arrière, ce qui préserve une relative stabilité du centre de gravité dont la projection verticale reste à l'intérieur de la base de support des pieds au sol. La position initiale est ensuite rétablie par recul du bassin et redressement du tronc. Il s'agit alors de la "stratégie de la hanche" (HORAK et NASHNER 1986 ). L'entrainement sur plateau basculant proposé par BOBATH met principalement en jeu ce type de réaction.
c) Préservation dynamique de l'altitude de G. Lorsque la poussée s'exerce d'arrière en avant, le bassin s'avance, l'un des pieds quitte le sol, le tronc reste vertical, mais se déplace globalement vers l'avant, tandis que les membres inférieurs se glissent sous le bassin, dans une ébauche de locomotion qui reconstitue une base de support à la verticale de la nouvelle position du centre de gravité. On a comparé cette réaction à l'habileté du jongleur qui suit les mouvements du bâton qu'il tient en équilibre au bout de son doigt, (GURFUNKEL 1981).NOTEB Dans ce dernier cas, le plus habituel dans la vie quotidienne, la valeur de référence régulée n'est pas la position de G, mais seulement la constance de l'altitude de la trajectoire de g , grâce à une coordination intégrée de la préservation de la posture, de l'équilibre, et de la locomotion. Il s'agit d'un mode de réaction aux perturbations externes particulièrement efficace, caractérisé par la fluidité des mouvements, l'absence d'à-coup et d'alerte, l'économie de tension musculaire et d'effort attentif. LES ANTICIPATIONS POSTURALES.
La richesse et l'efficacité de ces différentes stratégies de réponse motrice ne doit pas induire l'idée que l'activité posturale automatique et la défense de l'équilibre, qui nous paraissent les seules garanties d'évitement des chutes, ne fonctionnent que sur un mode réactionnel, en réponse aux seules perturbations issues de l'environnement extérieur. S'il en était ainsi, et les rééducateurs l'ont pensé un certain temps, le point de départ de toute action posturale devrait toujours être un incident impliquant une alerte du système nerveux central, une bouffée d'influx afférents constituant un événement déclenchant, conscientisé ou non.
C'est dans cette perspective Stimulus-Réponse, dominante à son époque, que KABAT, par exemple, concevait le réentrainement de l'équilibre statique, dans la technique de "stabilisation rythmique" évoquée ci-dessus.
Quant à l'analyse des troubles de l'équilibre des patients hémiplégiques, elle consiste encore presque toujours à étudier les réactions du tronc à des poussées manuelles latérales inattendues.
Cependant, sur la base des développements récents de la neurophysiologie, nous pouvons mieux prendre en considération l'autre versant du problème: Les mouvements intentionnels que nous entreprenons au niveau du tronc, de la tête, des membres supérieurs et inférieurs, constituent eux aussi, par le déplacement du centre de gravité et les forces de réaction qu'ils entrainent, des sources de perturbation posturalement très importantes. De plus, dans le cas où la perturbation est interne, notre système nerveux ne se contente pas d'enregistrer l'incident, et d'y "réagir" dans les délais les plus brefs. Des "ajustements posturaux anticipateurs", dont le départ survient avant le début de la perturbation de la posture et de l'équilibre qui résulterait du mouvement, sont commandés parallèlement au geste proprement dit et suffisent à empêcher ces perturbations de survenir.
Pour MASSION (1992), ces actions posturales ne sont pas des réponses dépendant d'un processus de feed back à point de départ labyrinthique, visuel ou proprioceptif, mais des actions feed forward, dont l'effectuation tient néanmoins compte, pour leur réalisation qualitative et leur dosage, de l'état statique et dynamique du corps à cet instant, ainsi que de l'incidence potentielle du mouvement intentionnel sur le point d'être initié. NOTEB Il ne faudrait pas trop dramatiser, et affirmer que dans les réentrainements dynamiques de BOBATH, et dans les stimulations statiques de KABAT, on n'avait affaire qu'à des "réflexes absolus". Chez l'humain, dans toute tâche motrice répétitive, il se développe très rapidement, même en situation stimulus-réponse, une progressive anticipation, un "setting", (au sens où l'entend MASSION 1992), qui oriente incontestablement le système nerveux central vers les stimuli pertinents à recevoir, et vers les réponses pertinentes à "faciliter"; cet aspect n'était pas particulièrement théorisé par les anciens auteurs, mais dans la pratique rééducative quotidienne, les patients nous ont toujours paru capables d'apprendre à améliorer leurs "réflexes".
Examinons par exemple le cas des mouvements des membres inférieurs, dont MASSION (1992) fait une analyse particulièrement instructive pour le problème qui nous occupe"La caractéristique générale du mouvement des jambes, est qu'il consiste en une séquence où le centre de gravité a d'abord à être déplacé vers les membres qui restent en support, le départ du mouvement étant retardé jusqu'à ce que le déplacement du centre de gravité ait atteint une valeur donnée. Le mécanisme inhibiteur par lequel le démarrage du mouvement est retardé, selon la quantité de perturbation associée à la réalisation du mouvement, n'est pas connu. Il est invraisemblable que puisse être impliqué un input sensoriel qui indiquerait que l'ajustement postural a atteint un niveau approprié pour que le mouvement démarre, car, sous la plupart des conditions, le délai entre l'ajustement postural et le démarrage du mouvement est très bref" fin de citation de MASSION 92.
L'existence d'un tel mécanisme d'inhibition de l'action, automatique et non dépendant de notre exécutif conscient, est évidemment d'une importance critique pour l'évitement des chutes. Le geste intentionnel, que nous ressentons comme essentiellement soumis à notre décision volontaire, se trouve en fait préparé, mais aussi contrôlé, et pour ainsi dire autorisé, dans son instant de démarrage, par une activité posturale elle même finement graduée.
Pour reprendre l'exemple de la flexion d'un membre inférieur à partir de la position debout, nous pouvons constater sur nous-mêmes que si notre bassin se trouve bloqué dans sa translation préalable du côté du membre porteur, par un arrêt en butée sur le bord d'une table par exemple, le pied que nous avons l'intention de soulever du sol nous parait tout à coup très lourd, et comme collé au sol. En fait, nous ne pourrons lever ce pied qu'après avoir mis en jeu une stratégie de substitution au mouvement du bassin irréalisable à cet instant, tel qu'une translation anticipatrice du tronc supérieur vers le membre inférieur porteur. Dans un travail collectif dirigé par KELSO( 1982), FITCH décrit cette coordination posturo-gestuelle en la comparant à la collaboration entre deux experts plutôt qu'à une relation de dépendance hiérarchique: ".. Les systèmes de transport et posturaux se contraignent l'un l'autre; La relation entre ces deux systèmes n'est pas que l'un commande ou domine l'autre , mais ils sont dans une relation qu'on peut appeler dominance libre".
Cette rapide revue des données récentes sur la posture et l'équilibre nous conduisent à porter une attention particulière à trois ordres de fait, qui ne peuvent manquer d'influencer notre évaluation du comportement chuteur des cérébrolésés: 1) Les réactions posturales.
2) Les ajustements posturaux anticipateurs.
3) Les actions négatives d'arrêt de l'action sous contrainte posturale.
Il nous parait également essentiel de remarquer que ces trois groupes de mécanismes de préservation posturale sont parfaitement assurés par des automatismes ne faisant pas appel à une perception consciente des situations et des dynamiques, ni à des commandes volontaires de mouvements, qu'ils soient localisés ou généralisés à l'ensemble du corps.
Notre exécutif conscient peut cependant, à tout moment, se donner en quelque sorte le luxe d'intervenir dans le cours de ces automatismes, pour en observer le déroulement, ou en moduler la trajectoire.
Nous pouvons donc aussi, à tout moment, exprimer verbalement une certaine expertise sur nos postures, sur le risque de chute qu'elles impliquent, sur les mouvements locaux ou régionaux qu'elles permettent.
Mais il doit être bien clair que cette prise en compte cognitive de notre coordination posturo-gestuelle est rien moins qu'indispensable, et, dans la vie quotidienne, qu'elle est pratiquement inutile.. CINEMATIQUE DES CHUTES DES HEMIPLEGIQUES.
Nous allons à présent décrire brièvement le phénomène des chutes chez les cérébrolésés, et plus précisément chez les hémiplégiques.
Par définition, la trajectoire d'une chute intéressant le corps entier, suit plus ou moins directement l'axe vertical de la force de pesanteur.
Cependant, lorsqu'il s'agit d'un hémiplégique, le caractère unilatéral du déficit moteur ne peut manquer de restreindre l'éventail des formes de chute, dans le sens de l'asymétrie.
De manière très simplifiée, les mécanismes de chute des hémiplégiques se distribuent principalement autour de deux modèles caractéristiques:
- La chute par effondrement. Il s'agit d'une chute sensiblement "verticale", dans laquelle la partie supérieure du corps se trouve soudainement livrée au seul support du membre inférieur paralysé, par la défection momentanée ( qui reste à expliquer) du membre inférieur sain.
L'absence totale de contraction musculaire d'extension au niveau du membre paralysé, explique que les articulations de la hanche, du genou et de la cheville se fléchissent passivement sous le poids du tronc . Le membre inférieur paralysé ne peut donc ni s'opposer à la perte d'altitude du centre de gravité, ni le faire dévier de sa trajectoire verticale.
En fin de trajectoire, le tronc vient écraser les membres inférieurs fléchis, et poursuit sa course en pivotant vers le sol selon une trajectoire impossible à systématiser.
On peut remarquer que dans ce mécanisme de chute, la projection du centre de gravité du corps peut très bien demeurer à l'intérieur de la base de support (pied parétique), durant la phase initiale du déplacement, de sorte que c'est d'abord la posture redressée qui se brise, et non l'équilibre.
Dans le langage courant, ce type de chute est décrit comme le fait de "s'écrouler sur soi-même".
- La chute par bascule. Il s'agit d'une chute en arc de cercle dans laquelle, ( pour une raison qui reste à expliquer), la partie supérieure du corps se déplace latéralement par rapport à la verticale avant de basculer vers le sol.
Le point relativement fixe du mouvement est constitué par la région des pieds, qui reste au sol, la distance pied-tête (rayon de l'arc de cercle) demeurant sensiblement constante, grâce au maintien d'une rectitude relative du rachis et des membres inférieurs (action des muscles extenseurs de l'hémicorps sain).
On peut remarquer que dans ce mécanisme de chute, la projection verticale du centre de gravité se déverse en dehors de la base de support (pieds au sol), de sorte que c'est d'abord l'équilibre du corps qui est rompu, alors que la géométrie de la posture peut demeurer relativement préservée.
Dans le langage courant, ce type de chute est décrit comme le fait de "s'étaler de tout son long". Dans le cas d'une bascule franche, la chute se fait le plus souvent, ce qui n'est pas très surprenant, dans l'hémi-espace homologue à l'hémiplégie, c'est à dire vers le côté du bras et de la jambe parétiques.
D'autre part, si on se limite aux chutes qui se produisent à partir de la station debout, il semble bien que les bascules soient plus fréquentes vers l'arrière que vers l'avant, fait qui ne trouve pas d'explication immédiate dans la topographie asymétrique du handicap sensori-moteur primaire de l'hémiplégique, mais qui pourrait bien trouver une ligne d'interprétation en termes de stratégie de contrôle postural des personnes âgées. On a montré en effet qu'avec l'accroissement de l'âge, les sujets normaux, debout, tendent à réguler la position de leur centre de gravité autour d'une position moyenne située plus en arrière que chez les jeunes, ce qui a pour corollaire une réduction du tonus des triceps suraux, et une instabilité relativement plus grande de leur posture (GAGEY 1993).
Ce bref inventaire des mécanismes de chute, duquel nous avons retiré les chutes par "dérapage", nous conduit à l'idée que la chute se produit lors d'une défaillance soudaine du membre inférieur non parétique, et plus généralement, des parties du corps non lésées au plan sensorimoteur.
A l'évidence, une chute ne peut être causée que par la défaillance des systèmes qui assuraient la station debout dans les instants immédiatement précédents. Or nous constatons effectivement que l'hémicorps parétique participe de manière nulle ou très minime à la préservation de la posture et de l'équilibre de ce type de patients, , de sorte qu'en aucun cas, on ne peut penser que la chute soit liée à une soudaine défaillance des systèmes posturaux (ou de ce qu'il en reste), au niveau de l'hémicorps parétique. CONDITIONS DE PRODUCTION DES CHUTES.
Les chutes que nous cherchons à modéliser chez nos patients cérébrolésés droits, sont caractérisées par une survenue soudaine et imprévisible, et par un mécanisme causal relativement discret.
Dans les conditions de la vie quotidienne, les patients "chuteurs" sont en effet capables de tenir debout au moins quelques instants, et souvent même, un temps suffisamment long pour faire illusion, et justifier un desserrement de la surveillance du personnel soignant.
Dans sa récente étude quantifiée sur les prédicteurs du risque de chute, L.RAPPORT (1993), montre bien la difficulté d'étudier les chutes en faisant abstraction du rôle de l'équipe de nursing, dont la vigilance peut se relâcher, mais qui peut aussi mettre en œuvre des procédures de prévention "agressives" vis à vis de tous les patients ayant chuté une fois, ou présentant des facteurs généraux ou spécifiques de chute. NOTEB Contrairement aux patients ataxiques sensoriels, cérébelleux, ou hémiplégiques droits verticalisés depuis peu de temps, la station debout de ces patients hémiplégiques gauches se maintient à peu de frais et apparemment sans histoire: ils ne vacillent pas, et ne présentent généralement, ni les contorsions de rattrapage, ni les grands mouvements de balancier de patients immédiatement identifiables comme "instables".
Il est évident que s'ils présentaient de tels « symptômes d'instabilité », l'entourage rééducatif ne permettrait pas à ces patients de rester debout sans une surveillance étroite.
Toute tentative d'explication de la cause des chutes de ces patients, devra donc tout à la fois rendre clair le fait que ces patients chutent, mais aussi qu'avant de chuter, il a bien fallu qu'ils tiennent un peu debout, qu'ils se soient,( ou qu'on les ait) cru capables de le faire, et qu'ils se soient montrés "entreprenants" au point d'accepter, malgré leur handicap sensori-moteur, de s'engager dans cette activité.
Enfin,(contrairement à de nombreuses personnes âgées ayant fait récemment une chute, ils ne présentent pas systématiquement une augmentation spectaculaire des oscillations de leur tronc à l'épreuve de l'occlusion des yeux, (ROMBERG).
Mais cette maitrise de leur équilibre n'est qu'apparente, et une chute brutale peut à tout instant révéler leur profonde instabilité. Ce qui attire alors l'attention du témoin de l'incident, c'est une disproportion notable entre une perturbation mécanique initiale relativement minime, et sa catastrophique conséquence, le décrochage irréversible de l'altitude du centre de gravité du corps soudainement projeté au sol.
En 1876, MAXWELL écrivait: «Quand l'état des choses est tel qu'une variation infiniment petite de l'état présent n'altérera l'état futur que d'une quantité infiniment petite, l'état du système, au repos, ou en mouvement, est dit stable. Mais quand une variation infiniment petite de l'état présent peut causer une différence finie en un temps fini, la condition du système est dite instable. Il est évident que l'existence de conditions instables, rend impossible la prévision d'événements futurs, si notre connaissance de l'état présent est seulement approchée, et non exacte". NOTEB(dans R.THOM, Paraboles et Catastrophes: Entretiens sur les mathématiques, la science et la philosophie, Flammarion, 1983).
Malgré son caractère abstrait, cet énoncé de physique fondamentale nous semble bien contenir un enseignement pertinent pour la question qui nous occupe. On y décrit en effet un état de chose "instable", non par opposition à l'état d'immobilité, mais comme une condition d'un système, dans laquelle un changement majeur de trajectoire, une divergence irréversible par rapport à l'orbite initiale, peut être enclenchée à tout instant par une perturbation du système, qui peut être "infiniment petite". N'est-ce pas un peu ce qui se passe chez nos patients quand ils amorcent une chute?
Et la relative imprécision des instruments de mesure du scientifique, face aux changements infiniment petits d'un système physique, parait bien avoir son correspondant dans la situation subjective de nos patients, à l'instant où s'installent insidieusement les conditions mécaniques qui vont entrainer leur chute.
Il nous apparait que c'est dans cette ligne d'idée que nous devons envisager la modélisation des conditions de chute des cérébrolésés droits, plutôt que de nous focaliser exclusivement sur les traditionnelles "poussées manuelles", qui gardent il est vrai leur intérêt gymnique, mais qui ne cernent pas au plus près la cause du phénomène des chutes de ce type de patients.
Pour créer des situations critiques susceptibles de provoquer la chute, et nous permettre d'en examiner les conditions de production, nous demanderons donc au patient, debout, de s'engager dans des activités sensori-motrices additionnelles potentiellement perturbatrices de sa posture et son équilibre, mais conservant toujours un caractère familier et une intensité modérée.
Nous sommes alors confrontés à ce qui nous apparait comme une méconnaissance, par le patient, des conséquences biomécaniques de son déficit neuromusculaire, qui restreint ou supprime, mais à son insu, toute activité posturale de son hémicorps gauche. Cette méconnaissance se traduit chez le patient, par une tendance à accepter, d'une manière qui nous parait irréfléchie, ou même pleine d'entrain, l'action que nous lui proposons, et une façon particulière qu'il a d'initier sans réticence ni blocage, des gestes outrepassant ses capacités de contrôle postural dans le contexte concret où il se situe à cet instant.
Dans le cas où le patient a accepté d'exécuter une consigne gestuelle proche de la limite de ses capacités, avec comme résultat un début de chute, on peut aussi observer , à cet instant précis, l'absence ou l'insuffisance de la réaction compensatrice qui aurait permis théoriquement de restaurer la posture verticale.
Enfin, dans le cas où le patient a décidé que l'action qui lui est proposée est faisable, on constate souvent qu'il s'y engage malgré l'absence ou l'insuffisance des ajustements posturaux anticipateurs qui la rendraient effectivement réalisable.
Au niveau cognitif, on peut fréquemment observer l'incapacité du patient à anticiper verbalement le caractère possible ou impossible de l'action qui lui est proposée, ce qui n'explique pas, bien entendu, l'absence d'un blocage automatique des actions posturalement dangereuses que nous lui proposons, mais peut expliquer du moins l'incapacité du patient à prendre la décision de les "refuser".
Dans un travail récent, L. RAPPORT et Coll. (1993) ont confirmé statistiquement la solidité de ces impressions cliniques, en identifiant les facteurs critiques permettant de prédire ceux des cérébrolésés droits qui présentent un risque important de chute: " En dépit de la présence de facteurs de risque spécifiques à la maladie, ou généraux, une composante cruciale pour le risque de chute, consiste à savoir si le patient est enclin à initier des comportements qui le placeront en difficulté". L'auteur introduit ainsi un concept opératoire spécifique du comportement chuteur, l'"impulsivité", et décrit une épreuve sensorimotrice permettant de la quantifier.
"La tâche de scanning bilatéral utilisée dans cette étude, apparait échantillonner le domaine des situations de vie réelle, dans l'environnement de réhabilitation, dans lequel le patient doit inhiber le besoin urgent de répondre ou d'agir, tel que le fait d'attendre le moment approprié du transfert, ou de résister au besoin impulsif de se lever du fauteuil pour ramasser un objet". "..
Plus vraisemblablement, les mesures de l'impulsivité comportementale utilisées dans cette étude, étaient sensibles aux types de déficits qui accroissaient le risque de chute dans une population déjà à risque, à cause de la négligence hémispatiale, et/ou de la dysfonction visuospatiale". Dans l'épreuve de scanning bilatéral utilisée pour mettre en évidence cette "impulsivité comportementale" caractéristique des patients chuteurs, le patient était placé devant deux écrans disposés symétriquement à 45°, et devait y déceler l'apparition simultanée de stimuli précis: épreuve de temps de réaction de choix.
Mais la tâche se doublait d'une consigne très contraignante selon laquelle il devait fixer le centre du champ aussi longtemps qu'il n'avait pas entendu le bip sonore de départ. Une camera vidéo enregistrait toute la séquence, et permettait l'analyse quantitative de ces erreurs, ce qui donnait lieu à un score d'inhibition différentiel pour la droite et la gauche »,fin de citation de cerveau droit, cerveau gauche. L'auteur insiste sur l'inaptitude des cérébrolésés droits "chuteurs" à inhiber ce geste exploratoire, (qui restait en lui-même posturalement licite), mais qui, remarquons-le, transgressait une interdiction fondée sur une convention verbale entre patient et thérapeute.
Si nous rapprochons ces observations de celles que nous faisons lorsque nous proposons à nos patients des actions posturalement problématiques ou mécaniquement dangereuses, (et non simplement interdites par convention), nous sommes conduits à imaginer l'existence, chez certains cérébrolésés droits, d'un trouble plus général.
Le découplage toucherait en effet non seulement la coordination entre posture et mouvement, mais aussi la cohérence entre sphère verbale et sphère sensorimotrice, trouble que nous ne pouvons préciser davantage, sauf à recourir à une abstraction du genre: difficulté de coordination entre l'action locale et les différents contextes actuels de cette action. Quoi qu'il en soit, il parait un peu limitatif d'insister sur les connotations d'urgence fébrile et d'intensité véhiculées par le terme français "impulsivité": l'énergie nécessaire à produire une chute chez un sujet debout peut être très minime, et se trouver libérée par une action très discrète, réalisée calmement, et sans l'urgence d'aucune contrainte interne ou externe.
En bref, les conditions de production des chutes que nous cherchons à analyser dans notre grille ne couvre pas toute la variété des syndromes d'instabilité posturale, tels qu'on les observe par exemple en cas de lésion du cervelet, ou des voies de la sensibilité kinesthésique. Il s'agit plutôt ici de suivre l'évolution de la difficulté complexe affectant les processus centraux de coordination posturo-gestuelle, au sens donné à ce terme par MASSION (1992) et GURFINKEL (1973), que nous observons chez les cérébrolésés, notamment lorsque leur lésion est récente, et touche la partie postérieure de l'hémisphère droit. CONSTITUTION DU TEST.
Les questions fondamentales que nous nous posons sont les suivantes:
En présence d'une consigne gestuelle particulière, et compte tenu de la situation de départ de son corps, le patient a-t-il la capacité:
soit de réaliser la préparation posturale ou locomotrice convenant au geste qui lui est demandé,
soit d'adapter les paramètres du geste qui lui est demandé aux contraintes de la préservation de sa posture, ce qui peut aller jusqu'à interrompre ou refuser d'exécuter le geste demandé,
soit enfin, en cas de dérive vers la chute, de réagir efficacement et automatiquement pour reconstituer sa posture.
Nous essayons de répondre à ces questions dans un test dont les résultats peuvent être consignés dans un tableau récapitulatif. La grille comporte 7 items, couvrant divers aspects de la station debout redressée, notés de (A),à(G), et 7 niveaux de performance classés (en principe) par ordre de difficulté croissante.
CONTENU MOTEUR DES TACHES PROPOSEES AU PATIENT.
Dans les items (A), (B), et (C), on explore la capacité du patient à détecter, maintenir, et adopter la position debout verticale, sans appui manuel secondaire.
L'item (A) Lâcher la barre, s'adresse à des patients très handicapés, tout juste capables d'assurer l'extension globale du tronc et du membre inférieur sain nécessaires à la station debout, avec l'aide indispensable d'une barre tenue par la main saine. Il s'agit d'une situation de rééducation standard, que j'ai pratiquée bien entendu durant des décennies, et où j'ai commencé à observer les étonnantes différences de comportement entre les cérébrolésés droits et gauches:
Description: le corps du patient se trouve en extension globale, mais écarté de la verticale.
Dans ce cas, le membre supérieur auxiliaire qui agrippe la barre n'a pas le rôle d'un simple appui secondaire: il fonctionne comme un hauban, en maintenant une traction statique sans laquelle le patient chuterait latéralement sous l'action de la gravité.
Lorsqu'on a affaire à un patient hémiparétique dont le membre inférieur atteint conserve une motilité riche et efficace, il est nécessaire de placer artificiellement le corps en position "oblique, bras en traction", en disposant les pieds joints à la verticale de la barre d'appui manuel. Le patient est donc en station debout, mais sans que le centre de gravité soit correctement, encore moins activement régulé au dessus de la base de support, le pied sain. Le patient est donc littéralement suspendu à la barre, fortement agrippée, et toute sa sécurité dépend objectivement du maintien de cet "ancrage" . Il est très spectaculaire d'observer les cérébrolésés gauches, , y compris au stade ultra précoce de leur récupération, et plongés dans une totale aphasie, se montrer immédiatement capable de "refuser" catégoriquement de lâcher cet accrochage manuel. Il est tout aussi spectaculaire de noter, chez les cérébrolésés droits, la désinvolture attendrissante avec laquelle ils "acceptent" notre périlleuse consigne , continuant souvent, alors qu'ils chutent déjà, leurs rires ou la phrase qu'ils étaient en train de proférer.
Les premiers signes de récupération d'une certaine anticipation posturogestuelle peuvent se manifester, dans cette situation de test très sensible, par un refus, ou une réticence du patient à accepter la consigne de lâcher la barre.
Nos premières observations indiquent en effet que les patients présentant un bon score à cet item se montrent ultérieurement les plus performants dans les items suivants. Les autres items de cette liste, que nous pouvons allonger infiniment, sont tous des transposition de cette épreuve princeps: Etablir une situation redressée du corps sollicitant une fonction de contrôle postural, puis introduire une activité sensori-motrice additionnelle. Ces activités, additionnelles d'allure anodine et proche des actions de la vie quotidienne, deviennent, chez des patients présentant une dissociation posturo-gestuelle, autant de pièges permettant au clinicien de cerner leur handicap et de suivre leur évolution. Plus positivement, on reconnaitra que tous ces items peuvent, sans modification notable, devenir autant d'épreuves ou d'exercices sensibles permettant aux patients de reconstruire des stratégies compensatrices.
L'item (B) Tenir debout, (après positionnement guidé), s'adresse à des patients qui sont incapables de se verticaliser sans l'aide du kiné, mais peuvent tenir debout quelques instants sans appui manuel, lorsqu'on a préalablement modelé leur corps dans la position verticale la plus favorable. Dès que le support du rééducateur peut lui être retirée, le patient reçoit la consigne de "tenir debout" le plus longtemps possible.
Lorsqu'un premier succès relatif est obtenu dans cette épreuve, on demande au sujet de fermer les yeux, et on note, (sans en faire le chiffrage), son comportement postural dans cette nouvelle situation (ROMBERG).
Les cotations 6 et 7 de cet item ne sont obtenues que si le patient contrôle la station debout en conservant les yeux fermés.
L'item (C) Stopper la marche, et tenir debout, explore la capacité du patient à freiner en douceur et de façon synchronisée la progression de son centre de gravité et l'activité locomotrice de ses membres inférieurs, puis à confiner ce centre de gravité à l'intérieur d'une base de sustentation stabilisée.
Il s'agit d'un modèle de chute très typique des patients cérébrolésés droits, qui parviennent à la rigueur à tenir debout ou à marcher durant quelques secondes, mais ne peuvent gérer dynamiquement le passage de la marche à la station debout, que cette locomotion préalable se réalise en avant, ou surtout en arrière.
La réussite à cet item ne suppose pas que le patient soit capable de marcher sans la surveillance, ou l'aide manuelle intermittente d'une tierce personne, soit vers l'avant, soit a fortiori en arrière(niveaux 6 et 7 du test).
Par définition, ces patients "chuteurs" doivent être guidés, et constamment protégés de la chute durant la marche.
Pour standardiser les conditions de cette épreuve, le soutien mécanique du patient, toujours dosé a minima, doit cependant être totalement supprimé à l'instant où la consigne de stopper la marche lui est donnée.
Les items (D), (E), (F), et (G), mettent la station debout à l'épreuve de certains gestes utilitaires: le patient va devoir, sans perdre l'équilibre, réaliser une activité sensorielle et motrice finalisée, par laquelle il entrera dans un rapport plus précis avec certaines cibles de son environnement.
On explore ainsi l'incidence d'un mouvement du membre inférieur (D), du balayage panoramique du regard (E), de la saisie manuelle d'un objet placé au sol (F) et du passage en station assise sur une chaise (G).
Ces demandes additionnelles tendront bien entendu à absorber une partie de l'attention du patient, tout en le plaçant dans l'obligation d'arbitrer tout conflit éventuel entre sa nouvelle tâche et son objectif implicite de préservation de la posture redressée. L'épreuve D (debout, déplacer le pied sain), peut devenir un test standard très fin, y compris pour mettre en évidence un trouble discret du contrôle postural: lorsque le patient tient debout sans appui manuel, on lui demande de réaliser avec son pied sain une série de frappes rythmiques du sol. On vérifie alors si, à chaque retour du pied au sol, le recalage du centre de gravité s'effectue bien au dessus du pied d'appui au sol: en cas de déficit postural, même peu accentué, on notera une sorte de dérive, à chaque frappe, de la position d'atterrissage du pied, signant l'absence d'un recalage efficace, menant éventuellement vers un recalage en catastrophe, ou même à la chute du patient. Un trouble éventuellement discret, sera ainsi rendu plus visible par une épreuve de type cumulatif. Dans les 4 derniers items, la tâche est modifiée aux niveaux 6 et 7 dans le sens d'une plus grande ambiguïté (zone ombrée de la grille). La cible à atteindre, au lieu d'être directement accessible sans modification de la base de sustentation, est placée un peu hors de portée du patient; l'éloignement de la cible (de l'ordre de quelques décimètres), doit être déterminé empiriquement de manière à ce que la stratégie à adopter ne soit pas claire a priori: La cible ne sera donc pas assez hors de portée pour qu'il soit évident qu'une locomotion préalable doive obligatoirement précéder le geste d'atteinte.
Le patient sera alors contraint de choisir entre:
-Une stratégie d'atteinte directe, sans modification de sa base de sustentation(mais dans ce cas la tâche d'atteinte ne sera pas réalisable),
-Une stratégie d'atteinte indirecte, dans laquelle le patient modifiera préalablement sa base de sustentation par un ajustement locomoteur, (ce qui lui permettra en principe de réussir la tâche d'atteinte, mais compromettra éventuellement la préservation de sa posture redressée).
NIVEAUX DE PROGRESSION.
Notre hypothèse sur le classement par ordre de difficulté des niveaux de performance est la suivante: Lorsque le patient est très gravement chuteur, il accepte sans aucune réticence les propositions de tâche additionnelles, et chute immédiatement, sans réaction motrice ni émotion adaptées.
Avec le temps, les premiers signes d'activité posturale et émotionnelle structurées apparaissent sous forme d'une réaction d'alerte à la perturbation mécanique créée par le début d'une chute, comportement qui est généralement récupéré par les patients assez précocement.
Ce n'est qu'ultérieurement que nous observons les signes d'une certaine anticipation, par le patient, du danger impliqué par la tâche additionnelle qui lui est proposée. L'apparition d'un comportement de "refus", ou de réticence à l'action additionnelle, nous parait une étape cruciale sur le chemin d'une récupération de l'anticipation posturale.
Les progrès ultérieurs du patient sont caractérisés par l'apparition d'ajustements posturaux anticipateurs de plus en plus efficaces, régulièrement reproduits, et indépendants de l'attention consciente. Cet ensemble d'hypothèses, qui recoupe assez précisément les conceptions développées par J.MASSION 1992, "Le processus général sous-jacent à l'acquisition de l'ajustement postural anticipateur, implique la transformation des corrections posturales en feed back, vers un contrôle en feed forward associé au mouvement volontaire qui cause la perturbation posturale".NOTEB se vérifie assez clairement, notamment quand on étudie l'évolution de patients cérébrolésés droits récents. Des évolutions paradoxales sont cependant observées: C'est le cas notamment dans le domaine de l'attention, où certains patients sont plus performants au niveau postural lorsqu'ils sont accaparés par la tâche de calcul, qui parait alors canaliser en partie leurs réactions émotionnelles. STANDARDISATION DES CONSIGNES.
Il ne faut pas se faire trop d'illusions sur notre possibilité d'organiser des conditions stables et reproductibles, au plan moteur et cognitif, dans un domaine de comportement aussi complexe que celui de la coordination posturo-gestuelle. On parviendra pourtant à limiter les erreurs en adressant au patient des consignes aussi peu explicatives que possible, de manière à ne pas induire systématiquement telle ou telle stratégie motrice ou perceptive.
Idéalement, on doit tendre à manipuler aussi précisément que possible les conditions objectives et subjectives des épreuves. Nous essayons en particulier de ménager une progression en difficulté, selon la part que les processus cognitifs peuvent prendre dans la performance.
a) Orientation de l'attention sur la double tâche. Aux niveaux 1, 2 et 3, l'attention du patient est attirée sur le fait qu'il ne "doit pas chuter": on propose au patient la tâche additionnelle, en lui rappelant clairement que cette consigne n'implique pas qu'il tente de la réaliser quoi qu'il arrive: la consigne donnée au patient sera par exemple: "Faites ceci, si vous sentez que vous le pouvez, mais attention, vous devez aussi essayer de ne pas tomber.
b) Attention non orientée.
Aux niveaux 4 et 5, on tente de créer une situation attentionnelle neutre: le patient n'est plus prévenu du risque qu'il court, aucune information manipulable ne doit induire chez lui une meilleure focalisation de son attention sur sa double tâche.
c) Diversion de l'attention.
Au niveau 6 et 7, on tente de créer une situation de distraction systématique de l'attention, en imposant au patient une tâche mentale difficile, qui entre en concurrence avec la tâche motrice demandée. On peut commencer par introduire la consigne: «comptez à haute voix, à rebours, de 3 en 3, en partant de 50 jusqu'à 0". Lorsque l'activité de calcul mental est bien établie, on demande au patient de continuer à compter, et on introduit la consigne gestuelle dans les mêmes termes que précédemment, en prenant soin de ne pas suggérer au patient, même indirectement, la meilleure stratégie à utiliser.
EXPLORATION DE LA SPHERE COGNITIVE ET EMOTIONNELLE.
En plus de l'observation objective des mouvements du patient, on explore aussi ses capacités d'anticipation cognitive de la chute, le sentiment subjectif de faisabilité qu'il peut exprimer concernant la tâche proposée, et l'interprétation qu'il donne de la réussite ou de l'échec de sa performance: "pensez-vous pouvoir réussir cela?", "qu'avez-vous cherché à faire?", "à votre avis, que s'est-il passé?".
On essaye aussi de repèrer les manifestations émotionnelles du patient, (expression du visage, agitation, cocontraction, cri, etc.), et on lui demande d'en parler: "Qu'avez-vous ressenti pendant l'épreuve?". Deux aspects distincts ont leur importance dans ce domaine: a) L'intensité des manifestations émotionnelles, qui sont souvent augmentées, mais aussi parfois paradoxalement diminuées chez certains patients cérébrolésés droits.
b) La relation dynamique entre la bouffée émotionnelle et l'incident posturo-gestuel en cours, qui peut montrer un couplage étroit entre événement mécanique et émotion, mais aussi, chez les patients gravement "chuteurs", un découplage paradoxal entre ces deux ordres de phénomènes.
Le patient cérébrolésé droit récent présente souvent un malaise émotionnel diffus, face à une situation globalement vécue comme inquiétante; mais ce malaise apparait sans lien temporel strict, ni proportion intensive avec les incidents affectant son équilibre et sa dynamique posturale.
Ce "découplage posturo-émotionnel" est spectaculaire, lorsqu'on le compare aux manifestations strictement inverses des patients cérébrolésés gauches placés dans les mêmes situations.
DESCRIPTION DES EPREUVES.
A. LACHER LA BARRE. (A1). Le patient est debout, main à la barre, tronc oblique, bras en traction, attention orientée sur la double tâche.
A la consigne: "lâchez la barre et placez la main sur l'épaule opposée", le patient accepte immédiatement de lâcher la barre, ne réalise aucun ajustement postural anticipateur, et chute sans ébauche de réaction posturale.
(A2).Situation et consigne: idem . Le patient accepte immédiatement de lâcher la barre, ne réalise aucun ajustement postural anticipateur, chute, mais ébauche une réaction posturale(reprise de la barre, appui manuel sur le kiné, etc.).
(A3).Situation et consigne: idem .
Le patient n'accepte pas immédiatement de lâcher la barre, et montre qu'il anticipe la chute par une hésitation, une réticence, etc.
(A4).Situation et consigne: idem, attention non orientée.
Le patient réussit incomplètement sa verticalisation préalable, il lâche la barre, amorce une chute, mais rattrape la barre.
(A5).Situation et consigne: idem. Le patient réussit complètement sa verticalisation préalable, lâche la barre, et tient debout plus de 5 secondes .
(A6).Situation et consigne: idem. Diversion attentionnelle.
Après démarrage du calcul mental, le patient réussit incomplètement sa verticalisation préalable au lâcher de la barre, il chute, mais rattrape la barre.
(A7).Situation et consigne idem: Le patient réussit complètement sa verticalisation préalable, et réussit à tenir debout plus de 5 secondes. B. TENIR DEBOUT.
(B1). Debout sans appui manuel après positionnement guidé, attention constamment réorientée sur la tâche.
A la consigne: «essayez de tenir debout", le patient ne peut tenir en équilibre plus de 2 secondes, ne réalise aucun ajustement postural anticipateur, il chute sans ébauche de réaction posturale, et sans réaction émotionnelle adaptée.
(B2).Situation et consigne: idem .
Le patient tient en équilibre entre 2 et 5 secondes, réalise une amorce d'ajustement postural anticipateur, chute, mais ébauche une réaction posturale (appui manuel sur le kiné, incurvation du tronc, balancier du bras, déplacement d'un pied, etc.).
(B3).Situation et consigne: idem.
Le patient tient en équilibre entre 5 et 10 secondes.
(B4).Situation et consigne: idem . Attention non orientée.
Le patient tient en équilibre entre 10 et 30 secondes.
(B5).Situation et consigne: idem .
Le patient tient en équilibre entre 30 secondes et une minute.
(B6).Situation et consigne: idem : Occlusion des yeux, diversion attentionnelle.
Après démarrage du calcul mental, le patient tient en équilibre entre 30 secondes et une minute.
(B7).Situation et consigne: idem .
Le patient tient debout en équilibre plus d'une minute.
C. STOPPER LA MARCHE.
(C1). Au cours d'une marche guidée et sécurisée a minima par le kiné, attention orientée sur la double tâche.
A la consigne: "stoppez la marche", le patient accepte immédiatement de stopper, ne réalise pas le nécessaire ralentissement coordonné du tronc et des membres inférieurs, il chute sans ébauche de réaction posturale , et sans réaction émotionnelle adaptée. (C2).Situation et consigne: idem .
Le patient accepte immédiatement de stopper, ne réalise pas le ralentissement coordonné du tronc et des membres inférieurs, il chute, mais ébauche une réaction posturale (déplacement de la canne, appui manuel sur le kiné, incurvation du tronc ).
(C3).Situation et consigne: idem .
Le patient n'accepte pas immédiatement de stopper, et montre qu'il anticipe la chute par une hésitation ou une réticence.
(C4).Situation et consigne: idem . Attention non orientée.
Le patient réalise un ralentissement coordonné du tronc et des membres inférieurs, réussit à stopper et rester en station debout plus de 5 secondes sans chuter.
(C5).Situation et consigne: idem .
Le patient réussit à stopper et rester en station debout, (épreuve réussie trois fois de suite).
(C6). Au cours d'une marche en arrière, guidée et sécurisée a minima par le kiné, diversion attentionnelle.
Après démarrage du calcul mental, à la consigne: «stoppez la marche", le patient réussit à stopper sa marche en arrière et reste en station debout: épreuve réussie une fois.
(C7). Situation et consigne: idem .
L'épreuve est réussie trois fois de suite.
D. DEPLACER LE PIED SAIN.
(D1).
Le patient est debout sans appui manuel, attention orientée sur la double tâche.
A la consigne: «déplacez votre pied sain", il accepte immédiatement de changer la position du pied sain, ne réalise aucun ajustement postural anticipateur, et chute sans ébauche de réaction posturale, et sans réaction émotionnelle adaptée.
(D2).Situation et consigne: idem. Le patient accepte immédiatement de changer la position du pied sain, ne réalise aucun ajustement postural anticipateur, chute, mais ébauche une réaction posturale .
(D3).Situation et consigne: idem .
Le patient n'accepte pas immédiatement de changer la position du pied sain, montre qu'il anticipe la chute par une hésitation une réticence, etc.
(D4).Situation et consigne: idem . Attention non orientée.
Le patient réalise un ajustement postural anticipateur, et réussit à changer la position du pied sain.
Epreuve réussie une fois.
(D5).Situation et consigne: idem .
L'épreuve est réussie trois fois de suite.
(D6).Situation et consigne: idem, diversion attentionnelle.
Après démarrage du calcul mental, le patient frappe le sol du pied sain, en un point situé un peu hors de portée, grâce à un repositionnement préalable de sa base de sustentation.
Epreuve réussie une fois.
(D7).Situation et consigne: idem .
L'épreuve est réussie trois fois de suite.
E. REGARDER DERRIERE SOI.
(E1). Le patient est debout sans appui manuel, attention orientée sur la double tâche.
A la consigne:"dites-moi ce que j'ai dans la main", le patient accepte immédiatement de diriger son regard dans une direction de trois quarts arrière, à droite, puis à gauche, pour identifier un petit objet; il ne réalise aucun ajustement postural anticipateur, il chute, sans ébauche de réaction posturale et sans réaction émotionnelle adaptée.
(E2).Situation et consigne: idem.
Le patient accepte immédiatement de diriger son regard dans une direction de trois quarts arrière, à droite, puis à gauche, pour identifier un petit objet; il chute, mais ébauche une réaction posturale, (incurvation du rachis, appui manuel sur le kiné, déplacement d'un pied, etc.).
(E3).Situation et consigne: idem .
Le patient n'accepte pas immédiatement de diriger son regard dans une direction de trois quarts arrière, à droite, puis à gauche, pour identifier un petit objet; il montre qu'il anticipe la chute par une hésitation, une réticence, etc.
(E4).Situation et consigne: idem, attention non orientée.
Le patient réussit à diriger son regard dans une direction de trois quarts arrière, à droite, puis à gauche, pour identifier un petit objet. Epreuve réussie une fois.
(E5).Situation et consigne: idem . L'épreuve est réussie trois fois de suite.
(E6).Situation et consigne: idem . Diversion attentionnelle. Après démarrage du calcul mental, le patient réussit à diriger son regard dans la direction d'un petit objet placé juste derrière lui, et à suivre son déplacement sur environ 30° supplémentaires. Dès que le regard a capturé l'objet, on le déplace lentement, de manière à attirer le patient hors du champ d'action compatible avec sa base de sustentation initiale.
Cette poursuite visuelle, effectuée à droite, puis à gauche, implique nécessairement un repositionnement pertinent de la base de sustentation
Epreuve réussie une fois.
(E7).Situation et consigne: idem . L'épreuve est réussie 3 fois de suite.
F. SAISIR UN OBJET AU SOL.
(F1). Le patient est debout sans appui manuel, attention orientée sur la double tâche.
A la consigne: ramassez cet objet", le patient accepte immédiatement de saisir l'objet placé au sol, il chute, sans ébauche de réaction posturale, et sans réaction émotionnelle adaptée.
(F2).Situation et consigne: idem .
Le patient accepte immédiatement de saisir l'objet placé au sol, il chute, mais ébauche une réaction posturale (balancier du bras, appui manuel sur le kiné, etc.) .
(F3).Situation et consigne: idem . Le patient n'accepte pas immédiatement de saisir l'objet placé au sol, et montre qu'il anticipe la chute par une hésitation, une réticence, etc.
(F4).Situation et consigne: idem . Attention non orientée.
Le patient saisit l'objet placé au sol, et se relève sans chuter, (épreuve réussie une fois).
(F5).Situation et consigne: idem . Le patient saisit l'objet placé au sol, et se relève, (épreuve réussie trois fois de suite).
(F6).Situation et consigne: idem . Diversion attentionnelle. Après démarrage du calcul mental, le patient saisit l'objet placé au sol, mais un peu hors de sa portée, grâce à un repositionnement de sa base de sustentation, et se relève sans chuter.
Epreuve réussie une fois.
(F7).Situation et consigne: idem . L'épreuve est réussie trois fois de suite.
G. S'ASSEOIR.
(G1). Le patient est debout sans appui manuel, attention orientée sur la double tâche. A la consigne:"asseyez-vous", le patient accepte immédiatement de s'asseoir sur une chaise placée derrière lui, il chute sans ébauche de réaction posturale, et sans réaction émotionnelle adaptée.
(G2).Situation et consigne: idem . Le patient accepte immédiatement de s'asseoir sur une chaise placée derrière lui, il chute, mais ébauche une réaction posturale (balancier du bras, appui manuel sur le kiné, etc.
(G3).Situation et consigne: idem . Le patient n'accepte pas immédiatement de s'asseoir sur une chaise placée derrière lui, et montre qu'il anticipe la chute par une hésitation, une réticence, etc.
(G4).Situation et consigne: idem . Attention non orientée. Le patient réalise un ajustement postural anticipateur, et s'assoit sur une chaise placée derrière lui. Epreuve réussie une fois.
(G5).Situation et consigne: idem . Epreuve réussie trois fois de suite.
(G6).Situation et consigne: idem .Diversion attentionnelle.
Après démarrage du calcul mental, le patient s'assoit sur une chaise placée derrière lui mais un peu hors de sa portée, grâce à un repositionnement de sa base de sustentation, (petite marche en arrière). Epreuve réussie une fois.
(G7).Situation et consigne: idem . L'épreuve est réussie trois fois de suite.
DISCUSSION.
Est-il légitime, dans l'approche rééducative des cérébrolésés droits, de chercher à simuler des situations critiques augmentant fortement la probabilité de survenue d'une chute?
Quel rapport existe-t-il entre les chutes ainsi produites artificiellement, et les chutes observables dans la vie quotidienne de ces patients?
La réponse à cette question n'est pas simple, et nous pensons que la meilleure approche, pour éclaircir un peu le problème, consiste à faire des hypothèses minimales sur les facteurs qui nous paraissent décisifs.
Nous avons tenté d'identifier ces facteurs, de les classer par ordre, et de les manipuler dans des épreuves reproductibles.
Les patients chuteurs, pour peu qu'on les observe un peu précisément, présentent des comportements généralement très singuliers, mais avant de décrire chacun de ces cas avec finesse, il est de bonne méthode de les situer par rapport à quelque grand cadre de référence.
La réussite d'une description clinique pertinente, décisive pour la prise en charge thérapeutique, est à ce prix.
CENTRE REFERENCES CENTRE CHATELAIN M. Les Chutes des personnes âgées. Mémoire. Paris 1991. (Communication personnelle) FITCH H.L., TULLER B., TURVEY M.T. The Bernstein Perspective: Tuning of Coordinative Structures with Special Reference to Perception. In: HUMAN MOTOR BEHAVIOR: An Introduction. J.A.S.KELSO ed. L.ERLBAUM Ass.Publish, 1982, Hillsdale, New-Jersey.273-281 FLEMING B.E., PENDERGAST D.R. Physical condition, activity pattern, and environment as factors in falls by adult care facility residents. Arch Phys Med Rehabil 1993, 74, 627-630 GAGEY P.M. Le système postural fin. La Revue d'ONO 1993,22,9-13 GURFINKEL V.S.,ELNER A.M.: On two Types of Static Disturbances in Patients with Local Lesions of the Brain. Agressologie 1973,14, D, 65-72 HORAK F.B. NASHNER L.M.:Central Programming of postural movements:adaptation to altered support surface configurations. J.Neurophysiol.1986,55,1369-1381 LAFONT C. DUPUI P, et al: Equilibre et vieillissement. In : ALBAREDE JL, VELLAS P.(ed) L'année gérontologique 1991. Serdi. Paris,151-192 MAKI BE, HOLLIDAY PJ, TOPPER AK . Fear of falling and postural performance in the Elderly. J.Geront.Med.Sci., 1991, 46: 123-131. MASSION J. Movement, Posture and Equilibrium: Interaction and Coordination. Progress in Neurobiology, 1992, 38, 35-56 RAPPORT L.J. WEBSTER J.S.et al: Predictors of Falls among Right-Hemisphere Stroke Patients in the Rehabilitation Setting. Arch Phys Med Rehabil 1993, 74: 621-626 TINETTI M.E. et al: Risk Factors for Falls among Elderly Persons living in the Community. NEJM 1988, 319:1701-1707
££ ££6 ** Marche précoce des hémiplégiques, partie cinq: Les cérébrolésés droits (très schématiquement). Lors des premiers essais de verticalisation des patients récemment lésés au niveau de l'hémisphère droit, qui peuvent présenter des troubles (ces notions se recouvrent sans doute partiellement): -une dissociation posturo-gestuelle, , -une négligence spatiale unilatérale, -une négligence motrice, -une tolérance excessive (en un sens proche de "négligence"), aux pertes d'altitude du centre de gravité et aux 'inclinaisons des modules tronc-tête ; dans ces cas, la probabilité d'une incidence sur le contrôle du genou en charge nous parait assez évidente:
on peut fréquemment observer :
1) Lors de tous les essais de mise en charge sur le membre inférieur gauche: Une tendance à l'effondrement du genou gauche en flexion ,
2) Dans les cas moins sévères, lors des essais de mise en charge du membre inférieur gauche, Un blocage en flexum "mou" et imprécis du genou survenant à un angle trop aigu, souvent suivi d'un effondrement en flexion avec risque de chute.
Ces troubles caractéristiques du contrôle du poids du corps peuvent s'interpréter dans les termes suivants:
l'attracteur de blocage du genou gauche en légère flexion, si efficace chez le sujet sain et chez les cérébrolésés gauches, est ici soit absent, soit très imprécis, ce qui nécessite une rééducation très orientée vers la stabilisation du genou gauche en charge. * Découplage posturo-gestuel?? Ce terme n'est pas classique au même titre qu'héminégligence, extinction sensitive, etc. Il fait partie d'un jargon produit au sein d'un bricolage théorico-pratique particulier; comme tel, il ne revendique que le droit à être réexaminé et réinterprété dans un cadre plus pertinent. Dans la suite de ce texte, on désignera par "découplage posturogestuel" un déficit neuropsychologique supposé affectant le comportement moteur, principalement caractérisé par des incidents répétés de chute du corps lorsque le patient, dans des conditions de calme et en l'absence de surcharge attentionnelle, prend l'initiative de réaliser un déplacement.
Il s'agit d'une notion intuitive, "inventée" face au comportement étrangement inconséquent de certains patients cérébrolésés droits dans la résolution du problème de la double tâche posturogestuelle (Massion 92 ).
* Essai de définition de la notion de "découplage posturogestuel".
Le patient, alors qu'il est déjà capable de contrôler son équilibre en station debout immobile, démontre une étrange inconséquence dans la gestion de ses déplacements spontanés:
a) Il entreprend un geste local ou un déplacement de tout le corps, sans préparer et/ou accompagner cette action par les ajustement qui seraient nécessaires pour conserver l'équilibre dans la position finale qu'il a l'intention de rejoindre.
b) Il ne bloque pas le démarrage ou le déroulement d'un mouvement amorcé ou "décidé", alors même qu'aucun ajustement postural n'est disponible pour assurer à cet instant la préservation de son équilibre.
* Déficit moteur ou déficit de compensation? Cet "effondrement" du membre inférieur en charge ne doit pas être compris comme la simple et banale conséquence des déficits primaires de force musculaire, ou si l'on veut, d'un déficit d'innervation de la classique poussée d'extension globale du membre inférieur .
Il s'ajoute à ce déficit primaire, phénomÈne local, un trouble du comportement moteur, qui consiste en une absence de ce qui pourrait être une compensation globale du trouble local. Un tel comportement compensateur, que le rééducateur s'attend à retrouver, devrait s'appuyer évidemment, comme chez tous les hémiplégiques, sur les zones "saines" du corps, membre inférieur droit et tronc: Or, on observe ici, non pas la classique "esquive de l'appui", ni le classique genu recurvatum, mais, "à la place", une acceptation désinvolte du transfert du centre de gravité au dessus du pied gauche, action réalisée franchement, sans réticence, et sans l'accompagnement émotionnel qu'on attendrait dans cette situation( notion de découplage posturo-émotionnel).
Dans ces cas, on peut penser que l'effondrement en flexum est une manifestation d'un déficit global de compensation motrice, un manque de "boiterie", irréductible à un pure et simple "effet «linéaire de l'insuffisance de la poussée d'extension du membre inférieur parétique.
(Si cette interprétation réductrice était exacte, il suffirait d'une musculation classique, sur table, pour retrouver, , en station debout, le soutient postural automatique, ce qui n'est pas vérifié en pratique). *Evolution. Chez les patients ayant présenté un effondrement du genou en phase d'appui lors des premiers essais de station debout et de marche, (souvent des cérébrolésés droits, on peut observer: Un développement progressif de l'appui actif sur le membre inférieur parétique, avec verrouillage assez correct du genou en flexion, ce qui constitue une suite paradoxalement favorable d'un trouble initial. *Comment interpréter ce paradoxe? On peut penser que la dissociation posturo-gestuelle entraine initialement l'effacement de l'attracteur de blocage du genou en légère flexion, et aussi, l'affaiblissement de la vigilance du contrôle des pertes de l'altitude du centre de gravité du corps, aboutissant lui-même à l'absence du recours excessif au genou recurvatum (comme on l'observe chez les cérébrolésés gauches). Nous verrons plus loin qu'il est possible d'aider cette évolution spontanée .
b) Une tendance à verrouiller le genou à des angles de plus en plus variables, et progressivement, à produire des blocages en recurvatum. Le manque d'habileté posturale, et l'héminégligence, qui semblaient initialement un facteur favorisant l'appui sur un genou en flexion trop accentuée, deviennent alors, à mesure du renforcement de la poussée d'extension, et aussi d’un éventuel enraidissement en flexion plantaire de la cheville, associé ou non au port d'une attelle ), des facteurs d'irrégularité de la performance:
1) la raideur de la cheville, en plaçant le genou au voisinage de la position zéro, rend le genou impossible à gérer de manière fiable, puisqu'il occupe le secteur "instable" de la course articulaire .
Le tronc, et donc le bassin, ne conserve pas toujours la même attitude, le patient se penche en avant, ou latéralement, pour des raisons diverses, variant souvent d'un pas à l'autre: chez ces cérébrolésés droits, il ne semble pas exister une régulation stricte de la position du tronc, ni en altitude ni en verticalité, ce qui a une incidence immédiate , par l'intermédiaire des ischio-jambiers, par exemple, sur les forces agissant au niveau du genou, (lorsqu'il est lui-même placé à une amplitude proche de sa zone d'instabilité).
On a vu précédemment que les patients "posturalement habiles", au contraire, régulent strictement l'attitude de leur tronc, ce qui donne peut-être une référence stable à leur efforts attentifs de réglage de l'angle du genou, et facilite donc leur apprentissage d'un verrouillage correct.
3) D'autre part, on peut penser que ces patients, présentant un découplage posturo-émotionnel, perçoivent mal leurs succès et leurs erreurs, et ne bénéficient pas du codage émotionnel subconscient qui leur permettrait de classer efficacement leurs multiples expériences motrices en termes de bonne et de moins bonne stratégie, (cf. DAMASIO page 92 L'erreur de Descartes)). Le découplage posturo-émotionnel pourrait donc être un facteur important de leur retard d'apprentissage et de consolidation d'un schème de marche déterminé. * On doit essayer de se représenter la précarité de la situation subjective de ces patients: l'impossibilité d'automatiser à court terme leur activité motrice, rend leur comportement postural et locomoteur beaucoup plus perméable aux fluctuations d'efficience de leur "exécutif conscient". Leur "exécutif" subit en effet une surcharge cognitive importante, dans la mesure où il affronte une double tâche: 1) Gérer dans le détail la succession des mouvements de ses membres inférieurs, contrôler sa vitesse, son équilibre, et éventuellement tenter d'appliquer une consigne du rééducateur. 2) continuer, comme à l'habitude, à capter les incidents environnants, orienter son attention dans diverses directions, prendre des initiatives gestuelles plus ou moins impulsivement (L.RAPPORT), et le plus souvent, à contre temps. Concept d'"impulsivité" de L.RAPPORT . Au sujet de ""l'impulsivité" des cérébrolésés droits, cf. : RAPPORT L.,WEBSTER J. FLEMMING K, LINDBERG J. : Predictors of Falls Among Right-Hemisphere Stroke Patients in the Rehabilitation Setting. Arch Phys Med, 1993, 74,621-626. *Le concept du rôle des émotions dans les décision, DAMASIO. au sujet de DAMASIO, cf. L'Erreur de Descartes, page 92: Début de citation: "La question que l'on devait ensuite se poser était de savoir si l'étrange association : déficit dans le domaine du raisonnement et de la prise de décision / déficit dans la capacité d'exprimer et ressentir des émotions, peut aussi se présenter, seule ou en compagnie d'autres troubles neuropsychologiques, à la suite de lésions dans d'autres régions du cerveau. La réponse a été : oui, cette association peut se manifester de façon très nette, en conséquence de la lésion d'autres sites cérébraux. $$L'un de ces derniers est une région de l'hémisphère cérébral droit (mais non le gauche), dans lequel figurent les diverses aires corticales assurant le traitement des informations en provenance du corps." fin de citation de Damasio. * Le concept de "double dissociation" en neuropsychologie. A propos de la précision donnée par DAMASIO dans le passage précédent :"l'hémisphère droit, et non le gauche," voici une autre citation du même livre, définissant le concept de "double dissociation". Début de citation de DAMASIO, (L'ERR de DESC), chapitre 4: "$$démarche de la neuropsychologie expérimentale. En deux mots, cela consiste à procéder par étapes : on repère d'abord des corrélations systématiques entre la lésion de certains sites cérébraux et certaines perturbations du comportement et des facultés cognitives ; on confirme ensuite ces observations en établissant l'existence de ce que l'on appelle des doubles dissociations : la lésion du site cérébral A, provoque la perturbation X, mais non la perturbation Y, tandis que la lésion du site cérébral B provoque la perturbation Y, mais non la perturbation X . on formule ensuite des hypothèses aussi bien générales que particulières, selon lesquelles un systÈme neural donné, comprenant à l'état normal diverses composantes (régions corticales et noyaux subcorticaux), sous-tend un comportement et une fonction cognitive définis ; et finalement, on met à l'épreuve ces hypothèses en observant de nouveaux cas de neuropathologie, dans lesquels on recherche si la lésion d'un site cérébral donné a bien pour conséquence de provoquer la perturbation attendue. La démarche neuropsychologique a donc pour but d'expliquer comment certaines fonctions cognitives sont sous-tendues par des systÈmes neuraux définis. La neuropsychologie n'a pas, ou ne devrait pas avoir, pour but de découvrir la " localisation cérébrale » d'un " symptôme » ou d'un " syndrome " fin de citation de DAMASIO.
£ajouter la citation de cerveau droit cerveau gauche sur le thème dissociation-association.
* La négligence motrice, un déficit de l'habileté posturale? Chez beaucoup de ces patients, y compris lorsque la spasticité n'est pas très présente, on observe que toutes les contractions volontaires, y compris les poussées d'extension du membre inférieur gauche en station debout, se présentent comme des décharges motrices d'une durée brève, de l'ordre d'une ou deux secondes, suivies d'une période de relâchement obligatoire des muscles: le patient est ainsi incapable d'entretenir une contraction statique de durée indéterminée.
* Perte de la capacité d'effort. Ces patients paraissent éprouver une difficulté spéciale à augmenter leur effort subjectif pour surmonter la parésie qui rend leurs actions inefficaces: Ils semblent ne pas mobiliser plus d'effort "qu'avant leur attaque" Placés par le rééducateur en situation de demande d'effort, ils observent leurs échecs de manière distanciée et sans contrariété apparente, et sont capables de les commenter sans émotion. Ces patients cérébrolésés droits ne montrent pas les signes d'agacement, de déception, les crispations du visage, les compensations à distances qu'on retrouve au contraire fréquemment chez les cérébrolésés gauches placés devant ce même problème. Nous imaginons qu'il s'agit, pour ces patients, de rassembler, par anticipation, les forces psychiques nécessaires pour surmonter la perte d'innervation d'un schème moteur donné. Cette capacité de produire un supplément(surcroît) d'effort ne leur est plus spontanée, elle doit, pour être actualisée, être renforcée par une intense stimulation verbale et/ou une forte suggestion affective du rééducateur. On comprend que ce trouble, (autre aspect de la négligence motrice?), soit particulièrement capable de se traduire par un effondrement en flexion de genou lors des premiers essais de mise en charge. La difficulté peut aussi être aggravée si l'épreuve qui test le phénomÈne place les deux côtés du corps dans une sorte de compétition vis à vis des fonctions d'attention: Chez un sujet debout, main à la barre, l'ordre de soulever le pied sain peut très bien focaliser l'attention sur les actions et les stimuli intéressant ce côté du corps, et produire l'extinction sensitive (et sans doute aussi "motrice") des phénomènes homologues intéressant le côté parétique.
* conséquences pour la rééducation. On a vu précédemment qu'il était plus avantageux, pour obtenir les premières contractions actives du quadriceps gauche de ces patients cérébrolésés droits récents, de focaliser leur attention sur des gestes initiés spécifiquement au niveau du membre inférieur gauche, plutôt que d'attendre que des contractions statiques automatiques apparaissent dans le cadre de la préservation posturale, au cours d'un geste initié du côté sain( le classique soulever du pied sain). Rappelons qu'il s'agit, par exemple, chez un patient en station debout, de lui demander de se hausser le corps par une poussée volontaire d'extension du membre gauche, pied gauche placé préalablement sur une petite estrade (10 cm)disposé devant lui: l'extension du genou, volontaire et attentive, sera beaucoup plus à la portée d'un patient cérébrolésé droit qu'une contraction automatique de maintien postural, qu'on chercherait à induire en demandant au patient de soulever son pied sain du sol. Il s'agit là d'une technique de début d’apprentissage, où le kiné cherche à "parler à l'hémisphère non lésé", en l'occurrence, l'hémisphère gauche, spécifiquement plus habile apte à commander et enchainer des activités analytiques et volontaires, sous guidage verbal, (ce que j’appelle dissociation posturo-gestuelle et ausssi habileté verbomotrice. L'évolution ultérieure de ces patients les amène, et c'est un fait remarquable, à accéder à toutes sortes d'actions automatiques, y compris dans le domaine locomoteur, automatisme secondaires, acquis par apprentissage et compensation, qu’on peut distinguer des automatismes spontanés des patients "posturalement habiles", à savoir les cérébrolésé gauches.
* Pourquoi les patients négligents n'adoptent pas la position classique en "C"? Contrairement aux patients cérébrolésés gauches, les patients négligents ne semblent pas découvrir spontanément qu'une certaine inclinaison du tronc en avant pourrait verrouiller leur genou en recurvatum . Il s'agit là d'une boiterie, habileté posturale, que ces patients ne maitrisent pas précocement après la lésion, et qu'il leur faudra parfois plusieurs mois pour découvrir. * On a l'impression que leur tolérance excessive vis à vis des mouvements de grande amplitude du tronc, notamment ceux qui porte leur centre de gravité vers la gauche, leur incapacité à déceler les excès de vitesse de leur locomotion, sont tout à fait aux antipodes d'une défense prioritaire de la stabilité, voire de la fixité, qui est le propre des cérébrolésés gauches au même stade de récupération "motrice".
** Test du verrouillage du genou en station unipodale. Il existe un test simple, déjà très ancien, permettant d'apprécier les possibilités de stabilité et de mobilité du genou en charge, (test que j’avais ajouté en 1965 à la grille d'évaluation de l'hémiplégie de MICHELS). Le test commence par une démonstration de la tâche par guidage manuel du mouvement au niveau du membre inférieur non parétique: On demande au patient, debout, main à la barre, les deux pieds au sol, d'étendre totalement son genou sain, (guidage manuel par le kiné), de manière à atteindre l'amplitude d'hyperextension du genou; puis, le patient doit lentement sortir de cette position, et fléchir doucement(sans discontinuité) les genoux, jusqu'à un angle d'environ 150 degrés, pour retourner ensuite lentement vers l'hyperextension. Il s'agit d'une démonstration d'habileté motrice, dans laquelle le kiné peut apprécier, en plus du déroulement du geste, l'aptitude du patient à agir de manière précise sur ordre verbal, et, d'autre part, l'aptitude du patient à commenter verbalement ce qui "se passe" au niveau de son genou: "oui, j'ai senti que ça s'est bloqué...". (importance, dans nos tests, de ce qu'on peut "dire au corps", et ce que le corps peut "dire de lui"). Test proprement dit: le Pied sain est soulevé du sol: on demande au patient de faire jouer volontairement son genou, de manière à entrer et sortir de la position en recurvatum.
On note:
*a) L'entrée dans le recurvatum. Le symptôme classique est un blocage irréversible en recurvatum: le genou recule très brusquement en appui ligamentaire, et reste définitivement dans cette position, quelque soient les efforts du patient, ( redressement du tronc et rétroversion du bassin, augmentation de l'appui manuel.
*b) La sortie du recurvatum. Lorsque le contrôle moteur du patient est un peu meilleur, la sortie du recurvatum devient réalisable, mais se fait alors de manière brutale, le genou se portant rapidement vers l'avant, jusqu'à un angle de flexion donné où les extenseurs bloquent plus ou moins brusquement sa course, (réflexe d'étirement, boucle courte, boucle longue?)
* Question , cet angle de blocage du genou peut-il être réduit, dans l'hypothèse où le flexum spontané serait trop accentué pour préserver l'altitude de g? Notion importante, il est vraiment très rare, si l'hémiparésie est récente, d'observer un patient capable d'éviter cette discontinuité dans le mouvement, c'est à dire de contrôler par des adaptations toniques fines, la portion de la course articulaire comprise entre le blocage ligamentaire postérieur et le blocage musculaire antérieur. Le genou parétique se comporte de manière assez semblable à celui d'un sujet sain, qui s'efforce de jouer à bloquer et débloquer son articulation, (voir plus haut nos expériences gymniques): Le genou se comporte comme un systÈme physique au comportement essentiellement discontinu, comportant deux "attracteurs", reliés par une zone de passage où se produit une "transition" de phase. Le systÈme est remarquablement stable lorsqu'il se trouve dans l'un ou l'autre des deux attracteur, et remarquablement instable, lors des très brefs instants où se produit la transition de l'un à l'autre. * Nous sommes ici en train d'adopter la démarche suggérée par R.THOM, qui propose de "décrire les discontinuités de l'évolution des systÈmes, et d'en déduire une explication de la stabilité de leur forme" *Rappelons que dans ces expériences gymniques, nous essayons consciemment de réduire au minimum le tonus musculaire contrôlant la course articulaire entre les deux "attracteurs", ce qui est une manière (très approximative) de mimer la mise hors-jeu d'un contrôle supra spinal interrompu par une lésion cérébrale. (!)
Rappelons que l'adulte non lésé, possède en principe la capacité de contrôler simultanément: Une inhibition de l'activité tonique d'arrière plan qui lui permet, dans les conditions habituelles, de contrôler de manière continue la vitesse du mouvement dans l'intégralité de la course articulaire du genou depuis le recurvatum jusqu'au flexum, et retour. Cette inhibition volontaire du contrôle postural dynamique supprime la fluidité du passage du recurvatum au flexum, et permet une forte accélération du mouvement dès le franchissement de la position zéro du genou, lorsque le corps amorce sa "chute libre". 2) De conserver, durant cette inhibition consciente, l'intention de maintenir la station debout", soit, de maintenir constante l'altitude du bassin. Lorsque ces deux conditions sont réalisées, le sujet qui fait jouer son genou peut en quelque sorte assister au niveau de son quadriceps, à la production d'un réflexe d'étirement, remarquablement efficace, et subjectivement ressenti comme très peu couteux, en termes d'effort conscient. *c) Le test de sortie du recurvatum: Le recurvatum étant maintenu quelques secondes par le patient, on demande à celui-ci de "plier" son genou, tout en essayant de ne pas "s'écrouler". L'observation du comportement moteur suivant cette consigne permet alors, dans les cas relativement favorables, de noter l'angle de flexion (toujours un peu trop fermé, autour de 145 -150 degrés), où apparait un blocage du genou, au delà duquel, selon la puissance de la poussée d'extension du patient, on observe ou non un effondrement du genou en flexion. On répète le test, en notant la variabilité relative des angles d'arrivée du genou, la stabilité du contrôle du poids du corps ainsi réalisé. *Remarque sur la modulation volontaire de la spasticité. La capacité de résister activement à un étirement musculaire produit par une mobilisation articulaire d'origine externe (chute, manipulation du kiné), constitue une habileté résiduelle typique de la musculature "spastique". (Le neurologue Lazorte parlait à ce sujet de la "pseudo récupération" des hémiplégiques, qui ne retrouvent pas le mouvement normal, avec toute sa richesse de modalités, contractions concentriques, excentriques, statiques, dans tous les secteurs de la course articulaire etc. , mais seulement une capacité de moduler grossièrement la motilité syncinétique organisé au niveau de la moelle spinale). On est alors en face d'un patient qui "apprend" (très modestement), à piloter "volontairement" sa réflectivité spinale, et devient capable de "domestiquer"(J.P.HELD) ses syncinésies et sa spasticité, et à doser dans une marge relativement réduite la force et l'angle d'apparition de son réflexe d'étirement.
Le même phénomÈne peut être observé lorsqu'on réentraîne les syncinésies du membre supérieur suivant l'approche BRUNNSTROM, contre résistance manuelle, notamment au niveau du triceps brachial. Ce fait avait été remarquablement mis en évidence par l'un des premiers neurorééducateurs de l'histoire: JARKOWSKI, dans sa brève introduction à ce qui devint, beaucoup plus tard, la méthode de BRUNNSROM (!).... (référence: JARKOWSKI (J.). - Quelques recherches sur la rééducation des hémiplégiques- Revue neurologique, 1914, 27, 1, pp. 462-464). *Au delà de ces troubles typiquement "toniques», et de la capacité éventuelle du patient à les "piloter" avec habileté, on peut aussi se poser des questions plus simples: la musculature d'extension du membre inférieur est-elle encore trop déficitaire pour compenser le poids du corps? peut-on soupçonner une incidence de troubles éventuels de la sensibilité? Quelle est éventuellement l'incidence de troubles orthopédiques, au genou,(perte bilatérale de l'hyper-extension des genoux chez les personnes âgés) bien évidemment, mais aussi existence d'un pied équin.
* conclusion sur le test du va et vient du genou en charge: Une première série d'informations est ainsi obtenue, qui va permettre d'envisager une interprétation à la fois biomécanique, neuromusculaire, et neuropsychologique, de ce comportement de contrôle du genou en charge, dans des conditions "statiques" relativement standardisées. ** Test du verrouillage du genou en station bipodale. Il reste bien entendu à envisager les aptitudes des patients en station debout bipodale, conditions beaucoup plus ambiguës, dans la mesure où l'habileté du corps entier, et non plus seulement l'incidence unilatérale de la parésie auront à être pris en compte.
* Test du contrôle du genou durant la marche. L'introduction d'un déplacement de g, d'abord d'arrière en avant, dans la marche de couloir, puis dans toutes les directions, latérales, et postérieures, va aussi être très instructive, et introduire plus directement aux décisions thérapeutiques.
a) Facteur biomécanique. On sait que durant la phase d'appui, les différents modules du membre inférieur et du tronc se déplacent vers l'avant, et qu'un contrôle subtil des différentiels de vitesse permettent à l'échafaudage articulé du corps de réaliser une progression harmonieuse, au moindre coût énergétique, c'est à dire en assurant une trajectoire quasi linéaire au centre de gravité du corps, selon une progression à vitesse constante (Thèse de J.GUERIN 88). Si la théorie d'un contrôle ascendant, allant du pied vers le haut du corps, est pertinente, on peut penser que l'extension harmonieuse du genou durant la phase d'appui se réalise grâce à un différentiel d vitesse entre l'avance du genou et l'avance du bassin, le genou restant légèrement en retard, freiné par le triceps, tandis que le bassin, légèrement plus rapide , poursuit son avance et «remonte" la petite côte qui le mène à la verticale du pied. Dans cette perspective, toute hypertonie du triceps, ou manque de finesse dans le réglage de sa contraction excentrique, va entrainer une tendance au retrait du genou en recurvatum, d'autant plus que l'hypertonie en question agit sur un genou proche de la rectitude, dans un angle où la gravité n'a pratiquement pas d'effet sur lui, autre que de coaptation longitudinale. L'activité de locomotion, comme toute activité sollicitant un effort, en produisant une augmentation de la résistance à l'étirement, notamment au triceps sural, (syncinésie globale), va pouvoir bien entendu produire des recurvatum de genou chez un patient qui pouvait contrôler le flexum dans des conditions statiques, lors du test du va et vient. Mais dans certains cas, on observe la dissociation inverse: le recurvatum est beaucoup plus facile à contrôler lors d'une marche relativement rapide, pour peu que le patient ait acquis l'habileté de perdre un peu d'altitude durant la phase de double appui: Il s'agit d'une habileté "verbomotrice" acquise couramment recherchée chez les patients cérébrolésés droits, où on demande au patient d'augmenter volontairement leur flexum de genou au milieu de la phase d'appui du membre inférieur gauche. (la consigne verbale au patient peut être: imaginez que vous devez passer sous une porte un peu trop basse, mais sans baisser la tète!) Lorsque cette habileté est acquise, nous obtenons que le genou se trouve en légère flexion à l'instant où débute l'appui unilatéral sur le membre inférieur parétique: à ce point, le déplacement du bassin vers l'avant, transmet le poids du corps par l'intermédiaire de la cuisse vers l'extrémité supérieure du tibia, et pousse le genou en avant, ce qui peut suffire à empêcher, durant le court instant nécessaire, le recul du genou en recurvatum, c'est à dire en appui ligamentaire. Durant ce court instant, les jumeaux, en partie relâchés en raison de la légère flexion du genou, semblent bien libérer la cheville de son frein postérieur, ce qui permet au tibia de basculer plus facilement en avant, soit un second facteur contribuant au blocage du genou en flexion active, et non en recurvatum.
* Facteur neuropsychologique. La locomotion des cérébrolésés droits semble bien être affectée par des facteurs neuropsychologiques spécifiques. J.Guerin, dans sa thèse, mentionne, sans les décrire, les facteurs cognitifs". Citation de J.GUERIN, thèse de médecine: "On peut considérer que la marche de l'hémiplégique est gênée , en dehors des troubles cognitifs , par trois facteurs , qui interviennent , soit ensemble , soit , plus rarement , isolément , avec une intensité variable pour chacun d'entre eux , suivant les cas . (20) Ces facteurs sont : La spasticité de certains groupes musculaires , ou plus rarement d'un seul muscle , La perturbation de la commande motrice , avec perte de la sélectivité des mouvements , défaut d'utilisation , ou non utilisation de certains muscles , Le trouble , ou déficit de la sensibilité proprioceptive , et - ou , extéroceptive ".fin de citation de J.GUERIN, ENREGISTREMENT PODOMETRIQUE NUMERISE OBJECTIVANT QUELQUES EFFETS DE LA STIMULATION ELECTRIQUE FONCTIONNELLE, SUR LA MARCHE DE 5 HEMIPLEGIQUES. MARSEILLE, THESE DE MEDECINE, 1988.
Notre approche essaye d'aborder cette question difficile. *charge émotionnelle. Lors des premiers déplacements locomoteurs, Le défilement rapide de la "scène optique" peut entrainer une bouffée émotionnelle, chez un patient sortant à peine d'une longue période de lit et de fauteuil roulant, (d'autant plus que le fauteuil n'a pas été poussé par le patient lui-même, ce qui l'a privé des occasions de reconstituer les liens sensorimoteurs correspondant aux déplacement actif du corps( tel geste du bras donnant telle modification de la "scène visuelle").
b) Facteur attentionnel. La marche d'un hémiplégique récent est souvent lente, l’équilibration ne pouvant être assurée, comme chez le sujet marchant plus rapidement, par l'inertie du centre de gravité. La locomotion est donc une activité couteuse en calcul central ( charge computationnelle), ce qui impose au patient une mobilisation plus ou moins importante de son attention. A cette charge attentionnelle liée à la tâche motrice, peut venir s'ajouter une tâche d'écoute en direction des directives verbales éventuellement prodiguées parfois naïvement ‹par le kiné. La surcharge attentionnelle est rapidement atteinte chez certains patients, dès lors qu'on méconnait la lenteur spécifique des traitements de l'information verbale appliquée à la motricité: cas typique d'un kiné de très bonne volonté, demandant au patient de marcher, sans baisser les yeux, à pas égaux, en avançant son bassin..."comme il le faisait hier dans la position de chevalier servant" (!) .! c) Le cas des patients hyper-anticipateurs. Certains patients, souvent des cérébrolésés gauches, aphasiques ou non, présentent une épouvante spéciale, liée au fait de déplacer leur corps en avant de leur pied parétique. Il s'agit d'une tendance trop accentuée à esquiver l'appui sur le membre inférieur parétique et l'avance du centre de gravité durant la marche, une anticipation excessive du danger, (peut-être une exagération émotionnelle d'un mécanisme normal d'anticipation), qui peut souvent les conduire, si ils acceptent finalement d'avancer, à recourir au blocage du genou parétique en recurvatum. * cas des patients "négligents" et anosognosiques. Certains patients, souvent des cérébrolésés droits, peuvent être placés précocement dans une situation de locomotion rapide, (Bobath), dans la mesure où le kiné peut assurer par une poussée externe (utilisation par le kiné , tenant le patient par derrière, de son propre pied gauche)une oscillation rapide du membre parétique, et protéger le patient des chutes inévitable lors des arrêts ou des ralentissements. (voir par exemple la technique de marche guidée rapide dans l'histoire du patient AZRU).
Dans cette situation de marche rapide, l'équilibration en position verticale ne réclame (par l'action des forces physiques non musculaires), aucune participation de l'exécutif conscient, ce qui rend possible d'ajouter des tâches , notamment au niveau du contrôle du genou: l'absence anormale de toute crainte durant cette activité de déplacement à grande vitesse est paradoxalement un facteur favorable à l'apprentissage du contrôle du genou, qui, on l'a dit plus haut, subit souvent, chez ces patients, une tendance initiale à l'effondrement en phase d'appui. On verra plus loin que dans ces cas d'utilisation de la marche rapide précoce chez les cérébrolésés droits, , il est possible d'interpoler des instructions verbales en temps réel, qui aident le patient à limiter la perte d'altitude du centre de gravité liée à l'effondrement. Il peut s'agir, par exemple, chez un patient cérébrolésé droit qui s'"effondre " en flexion du genou à chaque mise en charge du membre inférieur gauche, d'une salve d'instructions du type «montez", allez "toucher le plafond avec vos cheveux", interpolée rythmiquement , en phase avec le cycle de marche, , juste avant que la poussée d'extension du membre gauche soit requise pour contrôler l'effondrement. On est souvent très étonné de l'habileté remarquable de ces patients à "obéir" en temps réel à ce type de stimulations verbales, mais on doit reconnaitre qu'il s'agit bien d'une bonne manière de "parler" à l'hémisphère non lésé! * Discussion, essai de croisement des facteurs biomécaniques et neuropsychologiques conditionnant la marche précoce des cérébrolésés. Le genu recurvatum en charge n'est pas un phénomÈne provoqué par une "cause" unique, il faut le comprendre comme un comportement adaptatif, au service de la station debout et de la locomotion, qui peut être conditionné tout autant par des facteurs mécaniques que par un certain contexte neuropsychologique. La modification de ces différents facteurs de trouble, spontanément et en fonction de certains entrainements rééducatifs, peut amener, au cours du temps, à des schèmes d'évolution différents :
*Un patient (généralement un cérébrolésé droit récent, mais aussi plus rarement cérébrolésé gauche encore peu vigilant, et très héminégligeant) peut commencer par subir le classique effondrement du membre inférieur parétique en flexion, puis acquérir assez spontanément une marche en légère flexion, mécaniquement plus avantageuse .
Toutefois, une raideur (spasticité/rétraction) du triceps se développant, ce patient peu passer à une marche avec recurvatum, surtout s'il ne peut accéder à une locomotion rapide.
*Cependant, Un patient cérébrolésé gauche, habile posturalement, ou très anticipateur, pourra commencer par marcher systématiquement en recurvatum, en obéissant à ses mécanismes super vigilents de contrôle de l'altitude de son centre de gravité. Mais, au cours du temps, et notamment grâce à des exercices de contrôle statique de la mise en charge genou fléchi, peut-être pourra-t-il apprécier (intuitivement) l'efficacité grandissante de son contrôle en flexion, et finalement , sans qu'il soit besoin de l'inonder de directives, "adopter" sagement un schème de passage d'appui plus efficace et plus fluide , tirant parti des qualités dynamiques de l'attracteur antérieur du genou.
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6 -Marche précoce des hémiplégiques. Problème de la prise en charge rééducative. La fixation du contrôle du genou en flexion est, nous l'avons vu, considérée comme un bon objectif en général chez les hémiplégiques, dans la mesure où un compromis peut souvent exister, pour cet objectif, entre les 5 critères de décision évoqués précédemment, Capacité, Faisabilité, Perceptibilité, Utilité, Improbabilité. Mais précisément, il faut se demander tout d'abord si tous les patients hémiplégiques, toutes lésions et tous âges confondus, ont une même réceptivité à la rééducation sur cet objectif. 1) Décision de favoriser ou d'accepter une marche en genu recurvatum. de nombreux cas d'hémiplégie nous paraissent finalement devoir marcher plutôt en recurvatum, la recherche du flexum nous paraissant, après quelques jours ou quelques semaines d'essai thérapeutique, comme un objectif trop ambitieux, de luxe, une sophistication non pertinente, étant donnés les enjeux réels de la réadaptation du patient. Patient très âgé, pas assez spastique, ou ayant perdu gravement et bilatéralement sa force musculaire, ayant acquis un pied équin au demeurant inopérable, ou patient détérioré au niveau des fonctions supérieures, inapte à un entraînement locomoteur intensif, ou patient n'étant malheureusement pas destiné à être pris en charge longuement par un rééducateur capable de consolider un acquis fonctionnel en dehors du contexte d'un centre spécialisé.
En contraste, on verra que les patients jeunes, musclés, peu perturbés au plan neuropsychologique, et pouvant bénéficier d'un traitement actif intensif , pourront être de bons candidats au programme de marche genou fléchi.
* Le programme rééducatif de marche genou fléchi.
Que retiendrons-nous comme principes d'action? 1) Idéalement, il s'agit d'essayer de reconstituer un systÈme de blocage antérieur du genou en légère flexion, qui présente, vis à vis des exigences de l'exécutif conscient, des qualités de puissance, stabilité, automaticité, comparables à celles du systÈme présent chez le sujet sain. Nous faisons l'hypothèse que si le patient, au niveau conscient ou subconscient, (on n'en sait rien), ne parvient pas à se fier à un systÈme automatisé de blocage de son genou, analogue à un attracteur "bille-bol", il risque fort de ne pas "adopter" la solution qu'on lui propose. On part en effet de l'hypothèse inspirée de BERNSTEIN selon laquelle l'exécutif conscient du patient, est pour ainsi dire en droit de s'attendre à ne devoir intervenir que "minimalement", et donc, a peu de chance d’adopter finalement une solution comportementale plus couteuse du point de vue attentionnel et intentionnel. Ici, on se trouve devant deux situations différentes, qu'on peut caricaturer ainsi: a) Les cérébrolésés droits, verbalement habiles, mais déficients posturaux et proprioceptifs,: Dans un premier temps, ces patients pourront "appliquer" une règle d'action, non pas parce qu’elle est plus efficace, mais simplement parce que nous la leur prescrivons. Il s'agira, par exemple, pour le kiné, d'orienter verbalement l'attention du patient vers une certaine classe d'actions ou de stimuli, par un mécanisme du type "setting" tel qu'il est décrit par J.MASSION 92, cf.Azru zsett). Dans d'autres cas, le kiné injectera des consignes verbales "en temps réel", comme on le verra décrit en détail chez Azru . b) Les cérébrolésés gauches, posturalement habiles, mais déficients au niveau verbal et idéomoteur, ne seront que très peu sensibles à des directives verbales plus ou moins adroitement plaquées par le kiné. Ils ne pourront "adopter" la solution du flexum que si leur systÈme nerveux "automatique" peut apprécier que cette solution apporte un plus au niveau du confort, de l'efficacité locomotrice, une fluidité supplémentaire sans perte de stabilité. Ces patients, bien que très déficients dans la sphère verbale, peuvent garder une intuition très fine de "ce qui marche bien", ce qui leur convient, ce qui leur permet d'expédier plus élégamment la tâche à accomplir. Mais la question, pour le kiné, est de les mettre dans une situation où ils puissent percevoir la différence entre bonne et mauvaise solution, ce qui n'est pas toujours du ressort d'une approche "vétérinaire" de la kinésithérapie. * conclusion de ces deux aspects: Quel que soit le contexte neuropsychologique, nous devrons, avant de rechercher la marche en genu flexum, nous assurer prudemment que le contrôle du systÈme de blocage antérieur a été potentiellement reconstitué, par un entrainement suffisant de la force de la poussée d'extension, et par une rééducation de l'habileté à immobiliser le genou à l'angle le plus favorable à sa stabilisation. * donc, mettre en œuvre des exercices préparatoires de mise en charge, sur genou "un peu trop fléchi", de façon à ne pas trop provoquer de cafouillages, mais cependant, pas trop fléchi, pour laisser subsister quelques erreurs (passages brusques en recurvatum),, les erreurs étant motivantes et stimulantes au plan attentionnel. * Niveau technique. On sait que la technique consiste essentiellement à demander d'abord au patient, debout (sans appui manuel, ou main à la barre, en appui sur canne ou au bord d'une table, ) de décharger son membre inférieur parétique, puis de réduire l'altitude du bassin par une flexion du genou sain, puis enfin de revenir en charge sur le membre parétique, qui va donc pouvoir ne réaliser que la phase de contrôle statique du blocage antérieur du genou. Ce blocage en flexion du genou sera donc réalisé à un angle contrôlé principalement par la proprioception du membre inférieur sain, servant à la fois de censeur et de tuteur mécanique. Il ne faut pas ici s'inquiéter exagérément du caractère "anormal", et contorsionné, de cette façon de "marcher": On cherche ici à fragmenter la tâche en éléments plus faciles à contrôler par le cerveau lésé, tout en préservant d'emblée la dynamique d'un entraînement réalisé très précocement ;
Le patient sera précocement placé en situation, patient debout, se déplaçant, guidé et sécurisé par le kiné. *Boiterie thérapeutique en flexion du genou. Une fois acquise la force et la stabilité minimale du genou en charge, on peut commencer à transférer cette habileté dans la marche. On demande au patient de perdre de l'altitude au début de la phase de double appui, en marquant un temps d'arrêt, et "s'asseyant" avant d'avancer son bassin, de sorte que tout le passage en double appui puis en appui unilatéral se fasse sur un genou bloqué statiquement en flexion. * Objection: Ici, on risque de se heurter à la révulsion des puristes, qui vont crier au pompage, à la rupture de la dynamique de déversement, et autres reproches!! Ma réponse est claire: Les tenants d'une dynamique d'emblée et à tout prix méconnaissent les difficultés techniques réelles de la sécurisation de ces entrainements, que la stimulation électrique fonctionnelle peut certes aider dans quelques cas. En fait, il faut savoir faire un "détour thérapeutique", savoir expliquer, si nécessaire, que ce type de boiterie, lente, volontaire, attentive, entrecoupée d'arrêts et de phases spécialement contrôlées, a pour but de "convaincre" un cerveau lésé du fait qu'il est simplement possible de faire passer le poids de son corps en charge sur un membre inférieur genou fléchi. Le mieux est de dire qu'il ne s'agit pas de locomotion, mais d'exercices de transferts antérieurs du centre de gravité alternativement sur les deux membres inférieurs, soit, vulgairement, la marche "en canard" de la kinésithérapie "vétérinaire". * Objection: on pourrait, avec la SEF, notamment en plaçant le train d'impulsions en phase d'appui, amener une acquisition du contrôle du genou d'emblée, en marche rapide, faire "marcher bien" le patient, suffisamment pour qu'il puisse ensuite marcher ainsi sans la SEF. l'orthèse électrique permettrait d'emblée une acquisition des ajustements à vitesse rapide( à la milliseconde), sans le détour par le travail statique. Réponse : Je suis techniquement d'accord, mais les complications de la SEF n'apportent pas toujours assez d'avantages pour qu'on n'utilise pas, parallèlement, l'entrainement statique de l'appui genou fléchi: je suis un peu réticent à l'institution du "tout électrique dans un service de neurorééducation. * Affinement de la boiterie thérapeutique. La marche initiale dite "en s'asseyant", va pouvoir progressivement évoluer vers une marche en "s'agenouillant", , dans laquelle le patient doit abaisser son centre de gravité durant la phase de double appui, mais sans dissocier temporellement la perte d'altitude du centre de gravité de sa progression en avant. Dans ce cas, la trajectoire du centre de gravité n'est pas sujette à un décrochage brutal, mais suit une oblique curviligne , de sorte que g n'atteigne l'altitude assurant le flexum du genou qu'immédiatement avant le début de la phase d'appui unilatéral. Dans ces conditions, la dynamique de la marche s'améliore, le patient peut ressentir, non seulement une meilleure stabilité, mais aussi une accélération de g, sentiment d'efficacité, de fluidité, qui peut aider à l'adoption, comme on l'a dit plus haut, précocement chez les cérébrolésés gauches, plus tardivement chez les cérébrolésés droits. * Essai de généralisation de l'apprentissage. La suite de la progression comporte:
1) Une introduction de la boiterie en flexion dans des marches latérales et en arrière, en virage, virage arrière, et durant les parcours à obstacle, les passages sur chaise, etc. Le kiné cherchera aussi à rentabiliser sa présence par des exercices de type acrobatique, jeux de suppression de l'appui sur canne, canne servant d'obstacle, descente d'escalier avec et sans canne, tous exercices permettant des sollicitation de l'émotion, de la faculté d'adaptation, et permettant un inventaire des situations d'erreur à optimiser. A. Albert, Marseille, texte revu vendredi 14 mai 2004.